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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/89

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obliquement que le puisse permettre la hauteur du vase (M. Bernoulli faisoit faire au sien un angle de 18 degrés à peu près avec l’horison) ; ensuite sucer fortement par le bout supérieur, de façon que le tuyau s’emplisse à la fin tout entier de vif-argent. Lorsqu’il en est ainsi rempli, il faut faire boucher avec le doigt par une autre personne, le bout du tuyau qui trempe dans le mercure, & fermer ensuite soi-même aussi avec son doigt le bout supérieur du tuyau. (Il faut sucer tout de suite, de peur qu’en reprenant haleine, on ne rende le dedans du tuyau humide.) Il est évident qu’en ce cas le mercure n’a point été sali par l’air, si ce n’est peut-être la premiere goutte qui est montée, & qui a essuyé toutes ces saletés ; aussi faut-il laisser entrer un peu de mercure dans sa bouche ; auquel cas, cette premiere goutte étant ôtée, le mercure sera le plus net qu’il puisse être. Le tuyau étant ainsi fermé avec le doigt par les deux bouts, il faut le mettre tremper par son extrémité dans un autre vase plus étroit que le premier, & rempli de mercure à une hauteur plus grande que le vase dans lequel on avoit fait d’abord tremper le tuyau. Si on porte le tuyau en cet état avec le vase dans l’obscurité, le moindre balancement y produira une lueur capable d’éclairer à un pié de distance, assez pour pouvoir lire un caractere d’une grosseur médiocre.

IIe maniere. Il faut mettre perpendiculairement un tuyau fermé par un bout dans un vase plein de mercure, où il trempe par le bout ouvert, le poser avec ce vase dans la même situation, sous un récipient fait exprès pour cela, ensuite en retirer l’air qui sortira du tuyau par le vase en faisant des bulles sur la surface du mercure qui y est contenu : lorsqu’on en aura retiré le plus qu’il sera possible, il faudra le laisser rentrer ; il n’en pourra monter dans le tuyau à cause du mercure où il trempe par son bout ouvert. Cet air donc pesant sur la surface du mercure contenu dans le vase, fera monter le mercure dans le tuyau à la hauteur de 25 à 26 pouces, parce qu’on ne peut jamais tirer tout l’air du récipient, & que l’air qui dans ce cas reste dans le tuyau se condense, & augmente de force à mesure que le mercure y monte. Cet air étant très-purifié à cause de sa dilatation, le vif-argent en y passant demeurera net, & l’expérience de la lumiere réussira aussi bien que dans la premiere maniere, quoiqu’il y ait de l’air au haut du tuyau.

Quelqu’ingénieuse & vraissemblable que paroisse cette explication, néanmoins l’Académie des Sciences à qui M. Bernoulli la communiqua (voyez ann. 1701 & suiv.), remarqua pour lors que quelques barometres donnoient de la lumiere sans avoir été faits avec les précautions de M. Bernoulli, & que quelques-uns faits avec les précautions rapportées ci-dessus n’en donnoient point. C’en fut assez pour qu’elle suspendît son jugement.

Il faut, suivant le système de M. Bernoulli, 1°. que le mercure soit extrèmement pur ; 2°. que le barometre soit construit de maniere que le mercure en y tombant ne traverse point l’air ; 3°. que le vuide du haut du tuyau soit aussi parfait qu’il peut être ; car il faut que le choc des deux matieres subtiles dont parle M. Bernouilli, ne soit point affoibli par l’air, qui étant fort grossier en comparaison de ces deux matieres, feroit l’effet d’un sac de laine qui reçoit un coup de canon. La différence d’effet des expériences de Groningue & de Paris sur des barometres qui paroissoient avoir les mêmes conditions, aussi bien que le mercure qui y étoit enfermé, fit juger que le mercure de M. Bernoulli & celui des barometres lumineux de Paris, devoit avoir quelque chose de particulier, & ressembler par quelqu’accident à du mercure que l’on auroit rendu lumineux, en y mêlant, comme on fait quelquefois, du phosphore liquide. M. Ber-

noulli, fondé sur le succès de ses expériences, conjecture

qu’il y a eu quelque faute dans celles de l’Académie. La méthode, par exemple, de remplir le tuyau avec une bourse de cuir, qu’on dit être équivalente à la sienne, a pourtant cela de différent, que c’est ici le mercure qui doit pousser l’air devant lui, lequel en faisant quelque petite résistance, peut laisser attachées aux côtés du verre quelques restes ou bulles d’air, qui suffiront pour engendrer la pellicule ; au lieu que dans la méthode de M. Bernoulli pour remplir le tuyau, l’air extérieur pousse le vif-argent en haut, & le vif-argent ne fait que suivre le mouvement de l’air intérieur, qui par sa raréfaction sort sans peine du tuyau ; peut-être aussi le tuyau de l’Académie n’étoit-il pas bien net. Les amples tuyaux sont, suivant l’expérience, les meilleurs, parce qu’outre que le mercure dans un tuyau plus large, se meut plus librement que dans un tuyau étroit, où le frottement du mercure contre le verre diminue la vîtesse de la descente ; la pellicule, s’il s’en forme, doit aussi être plus épaisse dans un tuyau étroit que dans un autre ; parce que ne pouvant s’étendre en large, elle s’épaissit en hauteur. Or le tuyau de l’Académie n’étoit pas assez large, selon M. Bernoulli, n’ayant qu’une ligne & demie de diametre.

Il est difficile de remplir le tuyau de mercure avec la bouche, sans y mêler un peu d’haleine ou de salive ; plusieurs n’y ont pû réussir. M. Bernoulli dit qu’il le faisoit aisément, pouvant d’ailleurs tirer avec la bouche, d’un petit recipient, 7/8 de l’air qu’il contient, sans se trop efforcer. Il vaut mieux faire ces expériences de nuit que de jour ; car quand on entre tout d’un coup dans l’obscurité, les yeux encore frappés de l’éclat d’une grande lumiere, ne peuvent appercevoir la foible lueur du barometre, qui paroît assez pendant la nuit obscure.

Quant aux barometres qu’on dit n’avoir pas été faits avec les mêmes précautions, & cependant donner de la lumiere, peut-être qu’en y jettant le vif-argent on a tenu le tuyau fort obliquement à l’horison, pour laisser couler doucement les gouttes de mercure comme dans un canal ; ce qui empêche l’air de l’infecter tant ; quoiqu’en ce cas il arrive souvent qu’il ne rend pas autant de lumiere que des barometres faits par la suction, ou dans la machine du vuide ; peut-être le mercure n’étoit-il pas bien purifié de toute matiere dont l’attouchement de l’air pût former une pellicule.

Cette lumiere paroît dans toute sorte de vif-argent préparé à la maniere de M. Bernoulli ; cela ne vient donc point de quelque chose de particulier dans le sien, qui enfermé dans le tuyau sans les conditions proposées, ne rend que peu ou point de lumiere.

Une des principales raisons qui fait que la pellicule du mercure empêche la lumiere, c’est peut-être qu’on secoue trop uniformément le mercure, se contentant de le balancer ; auquel cas cette pellicule, s’il y en a, ne sort point de la superficie du mercure, & y demeure toûjours attachée. Comme il est difficile d’éviter cette pellicule des barometres remplis même à la maniere de M. Bernoulli, il semble que si on pouvoit la crever, ce qui se feroit en remuant le mercure en tout sens, comme on fait l’eau d’une bouteille qu’on rince, il pourroit paroître de la lumiere. En effet, si on tire l’air d’une petite phiole pleine de mercure, en la mettant sous la machine pneumatique, par le moyen d’un robinet cimenté à son cou, & qu’on agite en tout sens le mercure qui y est contenu, on voit une lumiere bien plus vive que celle du barometre ; & cela arrive avec toute sorte de mercure, excepté lorsque l’air n’est pas assez exactement tiré de la phiole, ou qu’on y en laisse entrer un peu ; alors la lumiere est plus foible, & diminue de plus en