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Plus, nonobstant l’agitation réitérée de la phiole, même jusqu’à disparoître entierement ; après quoi il faut tirer l’air de nouveau de la phiole, si on veut qu’elle paroisse. On voit au jour le mercure de cette phiole dont la lumiere est affoiblie, couvert d’une pellicule épaisse, & semblable à de la pâte mêlée de poussiere ; d’où il paroît qu’un peu d’air agité salit fort le mercure, & le couvre d’une peau assez épaisse pour empêcher absolument la lumiere : car s’il n’y a point d’air, l’agitation ne fait que rendre le mercure plus pur ; par-là se délivre de tout ce qu’il pourroit contenir d’étranger, qu’il rejette à la surface du verre, qu’on voit aussi un peu trouble : ainsi le mercure est rendu de plus en plus lumineux.

Si le robinet de la phiole est d’airain, le vif-argent le corrompt : il faut donc, pour l’éviter, mettre un bouchon de liége qui bouche exactement la phiole, & de la cire par-dessus, puis percer la cire & le bouchon de liége pour faire sortir l’air de la phiole sous la machine pneumatique ; ensuite laissant le récipient dessus sans rendre l’air, faire fondre avec un verre ardent la cire d’autour du trou, qui se répandant alors sur le trou, le fermera. Voilà donc un nouveau phosphore perpétuel, & qui outre cela a l’avantage de pouvoir se transporter dans une phiole bien bouchée ; pourvû que 1°. cette phiole ait été bien nette ; 2°. qu’on n’ait pas beaucoup remué le mercure avant d’en tirer l’air ; 3°. qu’on tire le plus d’air qu’il soit possible.

M. Homberg a donné un autre raison de la lumiere des barometres. Souvent pour nettoyer le mercure on se sert de la chaux vive préférablement à de la limaille de fer ; alors le mercure qui s’élevant dans la distillation s’est criblé au travers de cette matiere, peut en avoir emporté des parties capables par leur extrème délicatesse de se loger dans ses interstices ; & comme la chaux vive retient toûjours quelques particules ignées, il est possible que ces particules agitées dans un lieu vuide d’air, où elles nagent librement & sans être étouffées par aucune autre matiere, produisent un éclat de lumiere. En effet plusieurs barometres faits de mercure ainsi nettoyé étoient lumineux : mais M. Homberg appuyoit davantage sur le peu de nécessité des conditions de M. Bernoulli.

1°. Un mercure bien net ne contracte jamais d’impuretés à l’air : l’expérience le prouve. Il y a donc lieu de croire que celui de M. Bernoulli n’étoit pas bien net.

2°. Dans les barometres lumineux anciens, le mercure étoit entré en traversant l’air.

3°. M. Homberg ayant vuidé par la seconde méthode de M. Bernoulli, un tuyau qui ne trempoit presque point dans le mercure, l’air en sortoit en soûlevant par son ressort le tuyau, & se glissant entre son bout & la surface du mercure. L’air étant raréfié jusqu’à un certain point, de façon cependant qu’on pouvoit encore en tirer assez, ne sortoit plus, parce qu’il n’avoit plus la force de soûlever le tuyau. Le vuide du barometre de M. Bernoulli n’étoit donc pas aussi parfait qu’il pouvoit l’être.

Mais M. Bernoulli, outre les réponses précédentes, ajoûte qu’il paroît que M. Homberg a trop enfoncé le tuyau dans le mercure pour en tirer l’air ; celui de M. Bernoulli étoit presqu’à fleur de mercure, qui en effet y est monté à 26 pouces, ce qui est presque la hauteur ordinaire ; outre que ce peu d’air restant dans le tuyau a notablement affoibli la lumiere, comme M. Bernoulli l’a remarqué depuis : ainsi moins il y a d’air, plus la lumiere est grande & durable.

Quand le mercure de M. Bernoulli ne seroit pas bien pur, l’air seroit toûjours la cause, sinon naturelle, du moins efficiente du défaut de lumiere, puisque ce mê-

me mercure en produit étant enfermé sans air dans

le vuide. Mais M. Bernoulli a trouvé un secret de le rendre net en le lavant bien avec de l’eau : on met sur le mercure cette eau, environ à la hauteur de deux pouces ; on agite fortement le mercure qui se mêle avec l’eau, puis on le laisse reposer ; & il rejette à la surface l’eau sale & noirâtre : on réitere la lotion jusqu’à ce que l’eau ne paroisse plus ou presque point noirâtre, & alors le mercure est net. L’esprit de vin le lave plus vîte & mieux que l’eau ; il s’est même trouvé un mercure fort épais, dans lequel il y avoit apparemment quelque matiere huileuse & sulphureuse mêlée avec ses parties ; ce mercure n’est devenu assez net pour rendre de la lumiere qu’à force de lotions expressif d’esprit-de-vin. Le mercure devient si pur par ce lavement même d’eau seule, qu’il rend quelquefois de la lumiere, même dans une phiole pleine d’air : mais cette lumiere est foible.

Ce mercure ainsi bien purifié, laisse sortir de ses pores assez de matiere subtile pour vaincre la résistance de l’air.

Il faut bien sécher le mercure ainsi lavé, en le faisant passer par un linge net ; car la moindre humidité nuiroit à l’expérience.

Quelquefois le mercure même après l’agitation conserve en ses pores une matiere gluante cachée, qui en les fermant ou les rendant roides, empêche la matiere subtile de sortir, & par conséquent la lumiere de paroître. La roideur des pores peut faire cet effet ; car il faut que les pores se rétrécissent souvent pour laisser passer cette matiere : or s’ils ne sont pas flexibles ils ne pourront se retrécir. Cela étant, il paroît que le mercure qu’on dit être devenu lumineux par la distillation à travers la chaux vive, avoit cette roideur de pores causée par quelque matiere gluante qu’il a laissée dans la chaux, en s’y filtrant & s’y purifiant par-là ; & c’est à cette seule purification que M. Bernoulli en attribue la lumiere, & non pas aux particules ignées de la chaux ; de plus ces corpuscules ignées ne lui paroissent guere vraissemblables.

Ces parcelles ignées deviendroient enfin inutiles par le fréquent usage, comme on voit arriver aux autres phosphores qui sont lumineux par le moyen de ces particules ignées ; ainsi ce phosphore perdroit enfin sa vertu.

2°. Ces parcelles ignées assez petites pour se loger dans les pores du mercure, s’échapperoient quand on secoueroit la phiole, par les pores du verre bien plus larges que ceux du mercure.

3°. Cela posé, la lumiere paroîtroit également dans la descente & l’ascension du mercure.

Dans l’explication, au contraire, de M. Bernoulli, le mercure ne fait que prêter ses pores étroits à la matiere subtile ; dès que cette matiere en est sortie par l’agitation, il en revient aussi-tôt d’autres par les pores du verre. Enfin M. Bernoulli gardoit depuis un an un de ces phosphores, qui n’avoit encore souffert aucune altération. Il croit même qu’une liqueur aussi pesante que le mercure, pourroit donner de la lumiere : & cela posé, si on pouvoit rendre l’or fluide, il seroit, selon lui, le plus propre à en donner, étant le plus pesant de tous les corps, le plomb fondu même en pourroit donner s’il étoit bien pur.

Quant au mercure qu’on rend lumineux en le mêlant avec du phosphore artificiel, M. Bernoulli attribue cette lumiere au phosphore seul.

Toutes ces lumieres artificielles sont extrèmement délicates. Il n’est pas sûr qu’en maniant une phiole, la sueur de la main ne passe, quoiqu’en très-petite quantité, au-travers les jointures du bouchon, & ne nuise à la lumiere. Il faut être dans ces expériences scrupuleux, défiant, & en quelque sorte superstitieux. Voici un exemple remarquable de la délicatesse de