Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exécution d’un Ouvrage, dont nous voudrions faire celui de la Nation, & auquel notre desintéressement & notre zele doivent rendre tous les honnêtes gens favorables.

Voilà ce que nous avions à dire sur l’Encyclopédie & sur nous. Nous ne penserons plus maintenant qu’à ébaucher dans la retraite & dans le silence ce monument à la gloire de la France & des Lettres. Nous sommes bien éloignés de lui appliquer les titres fastueux qu’Horace prodiguoit à ses ouvrages[1], & que nos adversaires mêmes nous ont invité d’appliquer au nôtre, quand il seroit fini, dans le doute où ils étoient qu’il le fût jamais. Nous ignorons, nous ne cherchons pas même à prévoir quel sera son sort ; du moins rien ne paroît plus s’opposer à la continuation de l’Encyclopédie, & certainement rien ne s’y opposera jamais de notre part. La déclaration expresse que nous faisons de ne répondre de rien, l’injustice qu’il y auroit à l’exiger de nous sur-tout après les mesures que le Gouvernement a prises pour nous en décharger, la résolution où nous sommes de chercher la récompense de notre travail dans notre travail même, l’obscurité enfin où nous aimons à vivre, tout semble assûrer notre repos. Nous ne demandons qu’à être utiles & oubliés ; & en tâchant par notre travail de nous procurer le premier de ces avantages, il seroit injuste que nous ne pussions obtenir l’autre. A l’abri des seuls traits vraiment dangereux & vraiment sensibles, que la malignité puisse lancer contre nous, que pourra-t-elle tenter desormais contre deux hommes de Lettres, que les réflexions ont accoûtumé depuis long-tems à ne craindre ni l’injustice ni la pauvreté ; qui ayant appris par une triste expérience, non à mépriser, mais à redouter les hommes, ont le courage de les aimer, & la prudence de les fuir ; qui se reprocheroient d’avoir mérité des ennemis, mais qui ne s’affligeront point d’en avoir, & qui ne peuvent que plaindre la haine, parce qu’elle ne sauroit rien leur enlever qui excite leurs regrets ? Solon s’exila de sa patrie quand il n’eut plus de bien à lui faire. Nous n’avons pas fait à la nôtre le même bien que ce grand homme fit à la sienne, mais nous lui sommes plus attachés. Résolus de lui consacrer nos veilles (à moins qu’elle ne cesse de le vouloir) nous travaillerons dans son sein à donner à l’Encyclopédie tous les soins dont nous sommes capables, jusqu’à ce qu’elle soit assez heureuse pour passer en de meilleures mains. Après avoir fait l’occupation orageuse & pénible des plus précieuses années de notre vie, elle fera peut-être la consolation des dernieres. Puisse-t-elle, quand nos ennemis & nous ne serons plus, être un témoignage durable de nos sentimens & de leur injustice ! Puisse la postérité nous aimer comme gens de bien, si elle ne nous estime pas comme gens de Lettres ! Puisse enfin le Public, satisfait de notre docilité, se charger lui-même de répondre à tout ce qu’on pourra faire, dire ou écrire contre nous ! C’est un soin dont nous nous reposerons dans la suite sur nos lecteurs & sur notre ouvrage. Souvenons-nous, dit l’un des plus beaux génies qu’ait jamais eu notre nation[2], de la fable du Bocalini : « un voyageur étoit importuné du bruit des cigales ; il voulut les tuer, & ne fit que s’écarter de sa route : il n’avoit qu’à continuer paisiblement son chemin, les cigales seroient mortes d’elles-mêmes au bout de huit jours. »

Fin de l’Avertissement


NOMS DES PERSONNES


Qui ont fourni des articles ou des secours pour ce Volume, & les suivans.



OUtre les gens de Lettres qui ont travaillé aux deux Volumes précédens, & qui ont été nommés à la tête du premier Volume de l’Encyclopédie & du second, voici les noms de ceux qui ont bien voulu nous fournir de nouveaux secours ; nous renvoyons à leurs articles pour tout éloge. C’est, comme nous l’avons déjà dit, le plus grand qu’on puisse leur donner, & nous espérons que le Public le ratifiera.

M. le Baron d’Holbach, qui s’occupe à faire connoître aux François les meilleurs auteurs Allemands qui ayent écrit sur la Chimie, nous a donné les articles qui portent la marque (—).

M. de la Condamine, de l’Académie royale des Sciences, de la Société royale de Londres & de celle de Berlin, nous a fourni plusieurs articles sur l’Histoire naturelle & la Géographie de l’Amérique.

M. Daubenton, subdélegué de Montbard, qui partage avec M. son frere le goût pour l’Histoire naturelle & pour la Physique, nous a donné sur la culture des arbres, les articles marqués de la lettre (c).

  1. Exegi monumentum, &c.
  2. Préface d’Alzire.