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port des poids n’est pas égal, non plus que celui du titre ; la dénomination est souvent différente : telle est l’origine de la comparaison qu’il faut faire de ces monnoies pour les échanger l’une contre l’autre, ou les compenser.

Le besoin plus ou moins grand que l’on a de cet échange, sa facilité ou sa difficulté, enfin sa convenance & ses frais, ont une valeur dans le commerce ; & cette valeur influe sur le prix de la compensation des monnoies.

Ainsi leur compensation ou le prix du change, renferme deux rapports qu’il faut examiner.

Ce sont ces rapports qui sont son essence ; car si les monnoies de tous les pays étoient encore réelles, si elles étoient d’un même titre, d’un même poids ; enfin si les convenances particulieres n’étoient point évaluées dans le commerce, il ne pourroit y avoir de différence entre les monnoies ; & dès-lors il n’y auroit point de compensation à faire ; une lettre de change seroit simplement la représentation d’un certain poids d’or ou d’argent.

Une lettre de change sur Londres de 100 livres, représenteroit 100 livres, qui dans cette hypothese seroient réelles & parfaitement égales.

Mais dans l’ordre actuel des choses, la différence entre les monnoies de France & d’Angleterre, & les circonstances du commerce, influeront sur la quantité qu’il faut de l’une de ces monnoies pour payer une quantité de l’autre.

De ces deux rapports, celui qui résulte de la combinaison des monnoies est le plus essentiel, & la base nécessaire de la compensation ou du prix du change.

Pour trouver ce rapport juste de la combinaison des deux monnoies, il faut connoître avec la plus grande précision le poids, le titre, la valeur idéale de chacune, & le rapport des poids dont on se sert dans l’un & l’autre pays pour peser les métaux.

L’argent monnoyé en Angleterre est du même titre que l’argent monnoyé de France ; c’est-à-dire, à 11 deniers de fin, 2 deniers de remede de loi. Voyez Remede de loi.

La livre sterling est une monnoie idéale, ou un nom collectif qui comprend sous lui plusieurs monnoies réelles, comme les écus ou crowns de 60 sous courans, les demi-crowns, les schelins de 12 s. &c.

Les écus ou crowns pesent chacun une once trois deniers treize grains ; mais l’once de la livre de troy (Voyez Livre de troy) ne pese que 480 grains ; ainsi le crown en pese 565, & il vaut 5 s. ou 60 d. sterling.

En France nous avons deux sortes d’écus ; l’écu de change ou de compte, toûjours estimé trois liv. ou 60 f. tournois, valeurs également idéales.

La seconde espece de nos écus, est celle des pieces réelles d’argent que nous appellons écus : ils sont, comme ceux d’Angleterre, au titre effectif de 10 deniers 22 grains de fin : ils sont à la taille de au marc ; le marc de huit onces ; l’once de 576 grains : ils passent pour la valeur de 60 s. mais ils n’en valent intrinséquement que , le marc à 46 liv. 18 s.

Cette différence vient du droit de seigneuriage, & des frais de brassage ou fabrication, évalués à 2 livres 18 sous par marc. Voyez Seigneuriage & Brassage

Tout cela posé, pour connoître combien de parties d’un crown ou de 60 den. sterling acquittera notre écu de la valeur intrinseque de 56 s. 6 den. il faut comparer ensemble les poids & les valeurs ; les titres étant égaux, il n’en résulteroit aucune différence : il est inutile de les comparer.

938 s. prix du marc de France = 8 onces de France
)( once de France = 576 grains de poids.
565 grains poids d’un crown = 60 den. sterling.
X = valeur intrinseque de l’écu courant.

Le rapport 29 den. .

Le nombre trouvé de 29 d. sterling, est le rapport juste de la comparaison des deux monnoies, ou le pair du prix du change ; c’est-à-dire que notre écu réel de la valeur intrinseque de 56 s. 6 den. porté à Londres, y vaudra 29 den. sterling, ou 29 s. 6 d. courans : or notre écu de compte de 3 liv. ou 60 s. tournois représentant l’écu réel, il s’ensuit que sa valeur est la même.

Si conservant le titre, la France augmentoit sa monnoie du double, c’est-à-dire, que le marc d’argent hors d’œuvre à 46 liv. 18 s. montât à 93 liv. 16 s. nos écus réels qui ont cours pour 3 liv. doubleroient de dénomination ; ils prendroient la place des écus qui ont cours pour 6 liv. & ces derniers auroient cours pour douze : mais leur valeur de poids & de titre n’ayant point augmenté, ils ne vaudroient que le même prix relativement à l’Angleterre ; on substitueroit aux écus de 56 s. 6 den. actuels, d’autres écus qui auroient cours pour 3 liv. de au marc : ces écus dont le poids seroit diminué de moitié, ne vaudroient à Londres que 14 den. sterling ; & l’écu de compte représentant toûjours l’écu de 3 liv. réel, la parfaite égalité de la compensation, ou le pair du prix du change seroit à 14 den. sterling.

Si au contraire l’espece diminuoit de moitié, si le marc d’argent hors d’œuvre baissoit de 46 liv. 18 s. à 23 liv. 9 s. le marc, en conservant le titre, nos écus réels qui ont aujourd’hui cours pour 3 liv. ne seroient plus que des pieces de 30 s. valeur numéraire : mais le poids & le titre n’ayant point changé, ces pieces de 30 s. vaudroient toûjours à Londres 29 den. sterling ; les écus qui ont aujourd’hui cours pour 6 liv. de la valeur intrinseque de 113 s. & à la taille de au marc, ne seroient plus que des écus de 3 liv. valeur numéraire, & de 56 s. 6 den. valeur intrinseque : mais le poids de cet écu se trouvant doublé, ils seroient évalués à Londres à 59 den. sterling.

C’est donc le poids & le titre d’une monnoie qui forment évidemment sa valeur relative avec une autre monnoie ; & les valeurs numéraires ne servent qu’à la dénomination de cette valeur relative.

Ce rapport qui indique la quantité précise qu’il faut de l’une pour égaler une quantité de l’autre, est appellé le pair du prix du change : tant qu’il est la mesure de l’échange des monnoies, la compensation est dans une parfaite égalité.

Jusqu’à présent nous n’avons parlé du pair réel du change, que sur la proportion des monnoies d’argent entr’elles ; parce que ce métal étant d’un plus grand usage dans sa circulation, c’est lui qu’on a choisi pour faire l’évaluation de l’échange des monnoies. On se tromperoit cependant si l’on jugeoit toûjours sur ce pié-la du bénéfice que fait une nation dans son change avec les étrangers.

On sait qu’outre la proportion générale & uniforme dans tous les pays, entre les degrés de bonté de l’or & de l’argent, il y en a une particuliere dans chaque état entre la valeur de ces métaux : elle est réglée sur la quantité qui circule de l’une & de l’autre, & sur la proportion que gardent les peuples voisins : car si une nation s’en éloignoit trop, elle perdroit bien-tôt la portion de métal dont il y auroit du profit à faire l’extraction.