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ne la longueur qu’on desire. Voyez même Planche, figure 3.

On fabrique de cette maniere des chaînes à six & à huit faces, qu’on appelle cordons, à cause de leur rondeur, par laquelle elles ne different guere d’une corde : celles qui ont moins de faces, prennent leurs noms du nombre de leurs faces : ainsi il y a des chaînes à trois faces, d’autres à quatre, à cinq, &c.

Il y a des chaînes en S de plusieurs sortes & grandeurs : les plus simples sont composées d’S dont les deux bouclettes sont dans le même plan. Après avoir formé, soit au marteau, soit avec la pince, selon la grosseur de la chaîne, un grand nombre d’S, on passe la bouclette de l’une dans l’autre ; puis avec la pince plate ou le marteau, on ferme cette bouclette : on passe la bouclette d’une seconde dans une troisieme, celle d’une troisieme dans une quatrieme, ainsi de suite ; & on a une chaîne d’S toutes attachées les unes aux autres ; de maniere que le plan d’une S quelconque est perpendiculaire au plan des deux S qui lui sont attachées & contigues, & ainsi alternativement : ce qui a fait donner à cette chaîne le nom de chaîne à S plates. Voyez même Planche, fig. 4.

Une autre espece de chaînes, appellée chaîne à quatre faces, ne differe de celle que nous venons de décrire, qu’en ce que les deux bouclettes qui sont pratiquées à l’extrémité de chaque S, sont dans des plans perpendiculaires les uns aux autres ; au lieu que dans la chaîne précédente les deux bouclettes étoient dans le même plan. Fig. 5.

On fait avec du fil-de-fer recuit des chaînes qui ont une très-grande force : pour cet effet on ploye avec la pince le même fil-de-fer plusieurs fois en forme de 8 de chiffre, & on ficelle le milieu avec le même fil-de-fer contourné plusieurs fois. On nomme ces chaînes, chaînes en gerbes. Voyez la fig. 6. Pour ployer le fil-de-fer en 8 avec plus de célérité, on a un autre outil qu’on appelle fourchette : ce sont deux pointes rondes fichées profondément & parallélement dans le bout d’un manche : il est évident qu’en supposant le fil-de-fer placé entre ces deux pointes, si on meut le manche circulairement, le fil de fer prendra nécessairement la forme d’un 8, chaque pointe se trouvant enfermée dans chaque bouclette du 8, & le fil de fer se croisant entre les deux pointes à chaque tour du manche sur lui-même, (Voyez fig. 7.) la fourchette avec le fil-de-fer croisé en 8 sur les pointes. A le manche. B, C, les pointes. D, E, le fil-de-fer. On voit encore qu’il faut passer les mailles les unes dans les autres à mesure qu’on les fabrique.

Les chaînes à trois faces sont de la même espece que celles qu’on appelle chaînes à quatre faces, dont elles ne different qu’en ce que les plans des bouclettes de l’S, au lieu d’être à angles droits, forment ensemble un angle de 120 degrés ; d’où il s’ensuit que la chaîne pourroit être inscrite à un prisme triangulaire ; d’où lui vient sa dénomination de chaîne à trois faces. Voyez la fig. 8.

Il y en a de cette derniere espece qu’on appelle à bouts renfoncés : ce sont celles où les extrémités des bouclettes sont recourbées en crochets, de maniere que le bout de la bouclette d’en-bas rentre dans la bouclette d’en-haut, & le bout de la bouclette d’en-haut rentre dans la bouclette d’en-bas. Voyez la fig. 9. Cette chaîne a beaucoup de force.

La chaîne qu’on appelle catalogne double, doit se rapporter à l’espece des chaînes à quatre faces composées d’anneaux soudés avant que d’être passés les uns dans les autres. Voyez la fig. 10.

On voit qu’il est possible de faire les maillons de la fig. 3. si petits qu’on veut, & qu’on en formera des chaînes très-delicates, L’invention de ces sortes

de chaînes qui servent à pendre des montres, des étuits d’or & d’autres bijoux, nous vient d’Angleterre ; ce qui les a fait nommer chaînes d’Angleterre. Nos ouvriers sont enfin parvenus à les imiter avec beaucoup de succès. On les fabrique d’or, mais plus souvent de cuivre doré. Les maillons ont environ trois lignes de longueur, sur une ligne de largeur : quand ils sont repliés & passés les uns dans les autres, ils forment un tissu si serré, qu’on le prendroit non pour de la toile, mais pour ces ornemens de broderie qu’on pratique sur de la toile, & qu’on appellé chaînette. Voyez Chaînette. Il y a jusqu’à quatre mille petits maillons dans une chaîne à quatre pendans ; mais l’assemblage en est si parfait, que l’on prendroit le tout pour une quantité continue & flexible.

Dans le commerce des chaînes, les grosses chaînes de fer se vendent à la piece ; les médiocres de fer, & celles de cuivre de toute grosseur, se vendent au pié : ces dernieres, quand elles sont fines, s’achetent au poids. Il en est de même de celles d’or & d’argent, dont la façon se paye encore à part.

Il se fait en Allemagne des petites chaînes d’un travail si délicat, qu’on en peut effectivement enchaîner les plus petits insectes ; telles sont celles qu’on apporte de Nuremberg, & de quelques autres villes d’Allemagne. La maniere dont ces ouvrages s’exécutent, ne differe pas de celle dont on fait les chaînes de montre : les chaînons s’en frappent avec un poinçon qui les forme & les perce en même tems. Voyez Chaîne, Horlog. Chaîne, Marin. Chaîne, Agricult. &c.

Les Romains portoient avec eux des chaînes quand ils alloient en guerre ; elles étoient destinées pour les prisonniers qu’on feroit : ils en avoient de fer, d’argent, & même quelquefois d’or ; ils les distribuoient suivant le rang & la dignité du prisonnier. Pour accorder la liberté, on n’ouvroit pas la chaîne, on la brisoit ; c’étoit même l’usage de la couper avec une hache ; les débris en étoient ensuite consacrés aux dieux Lares. Voyez Affranchi, Prisonnier, Esclave.

La chaîne étoit chez les Gaulois un des principaux ornemens des hommes d’autorité ; ils la portoient en toute occasion : dans les combats, elle les distinguoit des simples soldats.

C’est aujourd’hui une des marques de la dignité du lord maire à Londres : elle reste à ce magistrat lorsqu’il sort de fonction, comme une marque qu’il a possédé cette dignité.

La chaîne entre dans le blason, & forme quelquefois une partie des armoiries. Les armes de Navarre sont des chaînes d’or, sur un champ de gueules.

Chaîne, en terme de Justice, se prend non-seulement pour les liens de fer avec lesquels on attache les criminels qui sont condamnés aux galeres, mais se prend aussi quelquefois pour la peine même des galeres, & quelquefois pour la troupe des criminels que l’on conduit aux galeres.

On forme à Paris une chaîne de tous ceux qui sont condamnés aux galeres. Il y a une chaîne particuliere pour la Bretagne, & une autre pour le parlement de Bordeaux. Il y a un commissaire de Marine, & un capitaine pour chaque chaîne. (A)

Chaîne, dans l’Arpentage, signifie une mesure composée de plusieurs pieces de gros fil-de-fer ou de laiton recourbées par les deux bouts : chacune de ces pieces a un pié de long, y compris les petits anneaux qui les joignent ensemble.

Les chaînes se font ordinairement de la longueur de la perche du lieu où l’on veut s’en servir, ou bien de quatre à cinq toises de long, & même plus longues, si l’on a de grandes stations à mesurer, comme de huit ou dix toises. On les distingue quelque-