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plaisir ; & par-là cet ébranlement approche des secousses qui excitent la douleur.

L’ébranlement vif qui produit le chatouillement, vient 1° de l’impression que fait l’objet, comme lorsqu’on passe légerement une plume sur les levres : 2° de la disposition de l’organe extrèmement sensible, c’est-à-dire des papilles nerveuses de la peau, très-nombreuses, très-susceptibles d’ébranlement, & fournies de beaucoup d’esprits ; c’est pourquoi il n’y a de chatouilleux que les tempéramens très-sensibles, très-animés, & que les endroits du corps qui sont les plus fournis de nerfs.

L’organe peut être encore rendu sensible, comme il faut qu’il soit pour le chatouillement, par une disposition légerement inflammatoire : c’est à cette cause qu’il faut rapporter les démangeaisons sur lesquelles une légere friction fait un si grand plaisir ; mais ce plaisir, comme le chatouillement, est bien voisin de la douleur.

Outre ces dispositions de l’objet & de l’organe, il entre encore dans le chatouillement beaucoup d’imagination, aussi-bien que dans toutes les autres sensations.

Si l’on nous touche aux endroits les moins sensibles avec un air marqué de nous chatouiller, nous ne pouvons le supporter ; si au contraire on approche la main de notre peau sans aucune façon, nous n’en sentirons pas une grande impression : aux endroits même les plus chatouilleux, nous nous y toucherons nous-mêmes avec la plus grande tranquillité. La surprise ou la défiance est donc une circonstance nécessaire aux dispositions des organes & de l’objet pour le chatouillement.

Ce sentiment de l’ame porte une plus grande quantité d’esprits dans ces organes, & dans tous les muscles qui y ont rapport ; elle les y met en action, & par-là elle rend & l’organe plus tendu, plus sensisible, & les muscles prêts à se contracter à la moindre impression. C’est une espece de terreur dans l’organe du toucher. Voyez les articles Sensations, Plaisir, Douleur, Nerf, Sympathie, Tact. Cet article est de M. le chevalier de Jaucourt.

CHATOUILLER de l’éperon, en termes de Manege ; c’est s’en servir légerement. Voyez Éperon.

Chatouiller le remede, (à la Monnoie.) se dit dans le cas où le directeur approchant de très-près le remede de loi, la différence en est infiniment petite. Voyez Remede de loi.

CHATOUILLEUX, adj. terme de Manege : on appelle cheval chatouilleux, celui qui pour être trop sensible à l’éperon & trop fin, ne le fait pas franchement, & n’y obéit pas d’abord, mais y résiste en quelque maniere, se jettant dessus lorsqu’on approche les éperons pour le pincer. Les chevaux chatouilleux ont quelque chose des ramingues, excepté que le ramingue recule, saute, & rue pour ne pas obéir aux éperons ; au lieu que le chatouilleux y résiste quelque tems, mais obéit ensuite, & va beaucoup mieux par la peur d’un jarret vigoureux, lorsqu’il sent le cavalier étendre la jambe, qu’il ne va par le coup même. Voyez Ramingue.

CHAT-PARD, s. m. catus pardus, animal quadrupede dont le nom & la figure ont fait croire qu’il étoit engendré par le mêlange d’un léopard & d’une chatte, ou d’un chat & d’une panthere. Cette opinion a été soutenue par les anciens, quoiqu’il y ait une grande différence entre ces deux sortes d’animaux pour leur grosseur & pour la durée du tems de leur portée. On a décrit dans les Mém. de l’acad. roy. des Sciences, un chat-pard qui n’avoit que deux piés & demi de longueur depuis le bout du museau jusqu’au commencement de la queue ; sa hauteur n’étoit que d’un pié & demi depuis le bout des pattes de devant jusqu’au haut du dos : la queue n’avoit

que huit pouces de longueur. Il étoit à l’extérieur fort ressemblant au chat, excepté que sa queue étoit un peu moins longue, & que le cou paroissoit plus court, peut-être parce qu’il étoit extraordinairement gras. Le poil étoit un peu plus court que celui du chat, mais aussi gros à proportion de la longueur. Tout le corps de cet animal étoit roux, à l’exception du ventre & du dedans des jambes qui étoient de couleur isabelle, & du dessous de la gorge & de la mâchoire inférieure qui étoit blanc. Il y avoit sur la peau des taches noires de différentes figures ; elles étoient longues sur le dos, & rondes sur le ventre & sur les pattes, à l’extrémité desquelles ces taches étoient fort petites, & placées près les unes des autres. Il y avoit des bandes fort noires qui traversoient les oreilles, qui étoient au reste très-semblables à celles du chat : elles avoient même la membrane double, qui forme une sinuosité au côté du dehors. Les poils de la barbe étoient plus courts que ceux du chat, & il n’y en avoit point de longs aux sourcils & aux joues. Ce chat-pard étoit mâle ; on trouva un défaut d’organes dans les parties de la génération, & on le regarda comme un vice de conformation particulier à ce sujet. On dit que cet animal n’est pas trop féroce, & qu’on l’apprivoise aisément. Mém. de l’acad. roy. des Sc. tom. III. part. I. Synop. anim. quad. Ray. Voyez Quadrupede ; voyez aussi Chat. (I)

CHATRE, (la) Géog. petite ville de France en Berri sur l’Indre. Long. 19. 36. lat. 46. 35.

CHATRES ou ARPAJON, (Géog.) petite ville de l’île de France dans le Hurepoix, sur la riviere d’Orge.

CHATRÉ, (Med.) voyez Eunuque.

Chatré. (Medecine, Diette.) Les animaux chatrés adultes fournissent à nos tables une viande plus tendre, plus délicate, & plus succulente que celle des animaux de la même espece qui n’ont pas essuyé la castration. Cette opération perpétue pour ainsi dire, l’enfance de ces animaux (voy. Eunuque) ; & c’est aussi dans cette vûe qu’on la pratique sur les seuls animaux domestiques, destinés à être mangés dans un âge un peu avancé, ou lorsqu’ils auront leur accroissement parfait, comme le bœuf, le mouton, le cochon, le chapon, &c. Elle est inutile pour ceux que nous mangeons avant leur adolescence, comme le pigeonneau, le canneton, &c.

Au reste, la pratique de chatrer les animaux destinés à la nourriture des hommes est très-ancienne parmi eux, du moins chez les nations civilisées : car les Cannibales ne se sont pas avisés encore de chatrer les prisonniers qu’ils engraissent pour leurs festins. Voyez Castration & Chatrer. (b)

CHATRER, v. act. en général, c’est priver un animal de ses testicules. Voy. Castration. On se sert du même verbe quelquefois au figuré, & l’on dit aussi-bien chatrer un arbre qu’un cheval.

Chatrer un cheval, c’est lui ôter les testicules. On châtre de deux façons, ou avec le feu, ou avec le caustic. Voici comment on s’y prend avec le feu. L’opérateur fait mettre à sa portée deux seaux pleins d’eau, un pot à l’eau, deux couteaux de feu quarrés par le bout sur le feu du rechaut, du sucre en poudre, & plusieurs morceaux de résine, son bistouri, & ses morailles.

Après avoir abattu le cheval, on lui leve le pié de derriere jusqu’à l’épaule, & on l’arrête par le moyen d’une corde qui entoure le cou, & revient se noüer au pié.

Le chatreur se mettant à genoux derriere la croupe, prend le membre, le tire autant qu’il peut, le lave & le décrasse, aussi-bien que le fourreau & les testicules ; après quoi il empoigne & serre au-dessus d’un testicule, & tendant par ce moyen la peau de