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bre d’onguens contre les brûlures, dans lesquelles on fait entrer la chaux vive avec les émolliens & & les adoucissans.

La chaux est très-communément employée dans les dépilatoires, voyez Dépilatoire : les Indiens en composent des masticatoires avec l’areque, & les Américains avec le tabac. Voyez Masticatoire.

L’eau de chaux ordinaire doit être regardée comme un très-bon détersif, qu’on employe avec succès extérieurement dans le traitement des vieilles plaies dont les bords sont mollasses & trop abreuvés, & dans celui des ulceres putrides & sanieux : on peut s’en servir encore comme d’un bon discussif fortifiant & antiseptique, contre certaines maladies cutanées, comme la gratelle, les dartres, les tumeurs œdémateuses, & principalement celle des piés avec menace de gangrene. Riviere la recommande en fomentation contre les tumeurs œdémateuses.

Cette eau de chaux battue avec une huile par expression, prend la consistance d’un onguent qui est fort recommandé contre les brûlures ; mais on se sert sur-tout parmi nous de l’eau de chaux à la préparation d’une lotion contre la galle, qui consiste à faire bouillir cette eau avec une certaine quantité de fleurs de soufre qui sont dissoutes en partie, & combinées sous la forme d’un foie de soufre. Voyez Soufre & Galle.

L’eau de chaux est le principal ingrédient de l’eau phagedenique. Voyez eau phagedenique au mot Phagedenique.

On prépare aussi avec l’eau de chaux un assez bon collyre, connu dans les boutiques sous le nom d’eau saphirine ou eau céleste. Voyez eau saphirine sous le mot Saphirine.

La chaux ayant toûjours été regardée comme un mixte rempli de parties de feu qui détruit & consume les corps sur lesquels elle peut agir, on auroit cru jadis donner un poison, en donnant par la bouche un remede tiré de la chaux, jusqu’à ce qu’enfin dans ces derniers tems-ci l’eau de chaux prise intérieurement, a passé pour un excellent remede, & que plusieurs auteurs célebres l’ont mise en usage pour un grand nombre de maladies. Burlet, Mém. de l’ac. roy. des Sc. an. 1700.

Le préjugé si contraire à l’usage intérieur de la chaux, n’étoit pas seulement fondé sur une terreur rationnelle ; sa qualité de poison étoit établie sur plusieurs observations. M. Burlet rapporte, que peu de tems avant qu’il écrivît le mémoire que nous venons de citer, il s’étoit répandu dans le public que des bœufs altérés ayant bû dans une fosse à chaux de l’eau qui la surnageoit, en moururent en peu de tems. Les auteurs de Medecine nous ont transmis plusieurs observations qui concourent à prouver que la chaux prise intérieurement est dangereuse. La vapeur même élevée de la chaux pendant son effervescence avec l’eau, a quelquefois été funeste. Les accidens auxquels s’exposent ceux qui habitent des maisons neuves bâties avec le mortier ou trop récemment blanchies, doivent être rapportés à ce genre d’effets. Hippocrate (de morb. pop. lib. III. agr. 2.) a observé une paralysie due à cette cause. Les observations semblables ne sont pas rares. On trouve dans les éphem. des cur. de la nature, que la poussiere de la chaux respirée fréquemment par un manœuvre employé dans un four à chaux, engendra des concrétions pierreuses dans ses poumons. On peut ajoûter à ces considérations, que la chaux en poudre est un poison sur pour les rats, & qu’elle fournit un très-bon préservatif contre les insectes, qu’elle tue ou qu’elle chasse. M. Anderson rapporte dans son hist. nat. d’Islande, un fait qui a du rapport avec cette derniere propriété : on m’a assuré, dit cet auteur, qu’un vaisseau chargé de chaux, ou qui en

est enduit en-dehors, chassoit absolument toute sorte de poisson ; ce que cet auteur attribue plûtôt à l’odeur qu’au goût de la chaux.

Si l’explication des effets veneneux de la chaux peut être pour quelque medecin un nouveau motif de ne l’employer intérieurement qu’avec circonspection, il en trouvera une dans Boerhaave, qui lui apprendra (Institut. med. 1143.) que la chaux, soit vive, soit éteinte, doit être rapportée, peut-être, à la classe des poisons, qui procurent une mort prompte ou lente en resserrant, constringendo, en incrassant, en obstruant, en desséchant.

Quelques medecins ont cependant osé donner intérieurement la chaux, même en substance. M. Duhamel rapporte, dans son histoire de l’académie, une observation de M. Homberg, qui avoit guéri un hypocondriaque, avec un mêlange d’une partie de sel ammoniac, & de deux parties de chaux éteinte à l’air, donné à la dose de 20 grains.

La chaux éteinte a été recommandée, employée en clistere contre certaines dyssenteries.

Hippocrate, épidem. v. 2. a donné des lavemens d’eau de chaux dans des anciens flux de ventre.

Mais c’est l’eau de chaux, qui est le remede tiré de cette substance, qui a été le plus généralement employé. Sylvius Delebæ & Willis passent pour les premiers qui ayent mis en vogue l’usage intérieur de l’eau de chaux ; le premier en Hollande, & le second en Angleterre. Morton, Bennet, Spon medecin François, Bateus, & plusieurs autres, ont aussi célebré ce remede, qui aujourd’hui a perdu beaucoup de son crédit parmi nous, quoique nous ne le regardions plus comme poison ; & que quelques habiles medecins l’employent encore avec succès dans quelques-uns des cas que nous allons indiquer, & sur-tout dans les maladies des reins.

M. Burlet rapporte, dans son mém. déjà cité, qu’il avoit vû en Hollande un medecin qui en employoit trente pintes par jour, mais presque toûjours mêlée avec d’autres drogues ; ensorte que les guérisons que ce medecin opéroit ne peuvent pas être mises assez exactement sur le compte de l’eau de chaux.

Les maladies contre lesquelles on a célebré principalement l’efficacité de l’eau de chaux, sont la phthisie, & tous les ulceres internes, l’asthme, l’empieme, l’hæmopthisie, les écroüelles, la dyssenterie & la diarrhée, les tumeurs œdémateuses du scrotum, les fleurs-blanches, & les pâles couleurs ; la goutte, les dartres, la gangrene, l’œdeme, l’enflure des genoux & des jambes, les ulceres humides ; le diabete, le calcul, & le sable des reins & de la vessie, &c.

Outre l’action occulte ou altérante de l’eau de chaux, on a observé qu’elle poussoit quelquefois par les urines, & assez souvent par les sueurs. Willis la regarde comme un bon diurétique, donnée à la dose de quatre à six onces, avec un gros, ou un gros & demi de teinture de sel de tartre. La vertu lithontriptique de l’eau de chaux a été bien plus célebrée encore, soit prise intérieurement, soit employée en injection. Nous examinerons les prétentions qui lui sont favorables à ce titre, au mot lithontriptique. Voyez Lithontriptique.

M. Burlet observe fort judicieusement, ce semble, que l’eau de chaux est plus utile & moins dangereuse dans les pays froids & humides, que dans les contrées plus tempérées.

Ce medecin préparoit l’eau de chaux qu’il nous apporta de Hollande, en versant six livres d’eau bouillante sur une livre de chaux vive, laissant reposer, filtrant, &c. & c’étoit-là ce qu’on a appellé depuis eau de chaux premiere. Celle qui est connue dans les boutiques sous le nom d’eau de chaux seconde, se prépare en versant une nouvelle quantité d’eau bouil-