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elles rendent ce qu’elles ont dans les intestins, & même la membrane qui double l’estomac & le canal intestinal ; leurs couleurs s’affoiblissent ou s’effacent entierement. Lorsque les chenilles ont filé leur coque & qu’on les en retire, on les trouve très-languissantes, & cet état de langueur dure près de deux jours pour les unes, & seulement vingt-quatre heures pour les autres. Ensuite elles se courbent en ramenant la tête sur le ventre ; elles s’étendent dans certains instans ; elles s’agitent, mais sans se servir de leurs jambes ; elles se raccourcissent & se recourbent de plus en plus, à mesure que le moment de la métamorphose approche. Les mouvemens de la queue, les contractions & les allongemens successifs deviennent plus fréquens ; les forces semblent renaître ; enfin l’insecte commence par dégager du fourreau de chenille les deux dernieres jambes & le derriere, & il les retire vers la tête, de sorte que la partie du fourreau qui est vuide s’affaisse. C’est donc la chrysalide qui est dans le fourreau de chenille, qui se dégage en se portant en avant, tandis que le fourreau est porté en-arriere par la contraction des premiers anneaux & l’extension des derniers. La chrysalide se réduit peu-à-peu à n’occuper que la moitié antérieure du fourreau. Alors elle se gonfle, & le fait fendre vers le troisieme anneau ; la fente s’aggrandit bientôt au point que la chrysalide passe au-dehors : il y en a qui commencent à se dégager par la tête, & qui poussent la dépouille en-arriere, où on la trouve plissée en un petit paquet. La chrysalide met tout au plus une minute à se dégager de son fourreau. Il y a des chenilles qui se suspendent par les pattes de derriere, au moyen de leur soie, & dont la chrysalide se dégage dans cette situation, & se trouve ensuite suspendue la tête en-bas dans la place où étoit la chenille. Il y a d’autres chrysalides qui sont posées horisontalement ; d’autres sont inclinées. Dans quelques situations qu’elles soient, elles sont attachées par la queue ; mais lorsqu’elles sont couchées ou inclinées, elles ont de plus un lien de fil de soie qui passe par-dessous leur dos, car elles ont le ventre en-haut ; les deux bouts de cette sorte de courroie sont attachés au-dessus de la chrysalide, à quelque corps solide, de même que le lien par le moyen duquel la queue est suspendue.

La grandeur des coques n’est pas proportionnée à celle des chenilles qui les font ; les unes en font de grandes, & les autres de petites, relativement au volume de leur corps. Il y a de grandes différences entre les coques de différentes especes de chenilles. Il y en a qui remplissent seulement un certain espace de fil, qui se croisent en différens sens, mais qui laissent beaucoup de vuide. La plûpart attirent des feuilles pour couvrir leur coque, ou pour suppléer à la soie qui semble y manquer. Celles qui employent une plus grande quantité de soie ne couvrent pas leur coque avec des feuilles ; mais il s’en trouve qui mêlent d’autres matieres avec la soie. Il y a des coques de pure soie, qui semblent n’être formées que d’une toile fine, mince, & très-serrée ; d’autres sont plus épaisses & plus soyeuses. La coque du ver-à-soie est de ce genre ; d’autres, quoiqu’assez fermes & épaisses, n’ont que l’apparence d’un réseau. On présume que certaines chenilles répandent par l’anus une liqueur gommeuse, qui rend leur coque plus ferme ; ou une matiere jaune qui pénetre la coque, & devient ensuite une poudre de couleur de citron. D’autres s’arrachent des poils, & les mêlent avec la soie pour faire les coques. Il y a des chenilles qui lient ensemble des feuilles pour leur tenir lieu de coque ; d’autres recouvrent des coques de soie avec de petits grains de sable ; d’autres se font une sorte de coque avec des brins de mousse. Il y en a qui employent de petits morceaux d’écorce pour faire des

coques, auxquelles elles donnent la forme d’un bateau. On trouve aussi des coques de soie qui ont la même forme, &c.

Il y a peut-être plus de la moitié des chenilles qui font leurs coques dans la terre ; les unes s’y enfoncent sans faire de coques ; cependant la plûpart en font. Elles ressemblent toutes à une petite motte de terre, arrondie pour l’ordinaire, ou un peu allongée. Les parois de la cavité qui est au-dedans sont lisses, polies, & tapissées de foie. Ces coques sont faites avec des grains de terre bien arrangés les uns contre les autres & liés avec des fils de soie. D’autres chenilles font des coques qui ne font qu’à moitié enfoncées dans la terre, & qui sont faites en partie avec de la terre, & en partie avec des feuilles ; d’autres font au-dehors de la terre des coques qui sont entierement de terre, & qui de plus sont polies à l’extérieur. Enfin les chenilles qui vivent en société font un grand nombre de coques réunies en un seul paquet, ou en une sorte de gateau ; quelquefois ces coques ont une enveloppe commune, d’autres fois elles n’en ont point.

La plûpart des chenilles restent seules ; mais il y en a qui vivent plusieurs ensemble, tant qu’elles sont chenilles, & même leurs chrysalides sont rangées les unes auprès des autres ; d’autres chenilles se séparent dans un certain tems. Toutes celles que l’on voit ensemble dans le même nid viennent d’une seule ponte. Il y en a ordinairement deux ou trois cents, & quelquefois jusqu’à six ou sept cents. Celles que l’on appelle chenilles communes, parce qu’il n’y en a que trop de leur espece dans la campagne & dans nos jardins pour gâter les arbres, vivent ensemble jusqu’à ce qu’elles soient parvenues à une certaine grandeur.

Cette chenille est de médiocre grandeur ; elle a 16 jambes ; elle est chargée de poils roux assez longs ; sa peau est brune : on voit de chaque côté du corps des taches blanches rangées sur la même ligne, & formées par des poils courts & de couleur blanche. Il y a sur le dos deux mammelons rouges ; l’un sur l’anneau auquel la derniere paire de jambes membraneuse est attachée, & l’autre sur l’anneau suivant. Il y a aussi sur la peau du milieu du dos plusieurs petites taches rougeâtres, &c. Les papillons qui viennent des chenilles de cette espece sont de couleur blanche & du nombre des papillons nocturnes.

Les femelles arrangent leurs œufs dans une sorte de nid dont elles rembourent l’intérieur, & recouvrent le dessus avec leur poil. On trouve ces nids dans les mois de Juin & de Juillet, sur des feuilles, des branches, & des troncs d’arbres. Ce sont des paquets oblongs, de couleur rousse ou brune, tirant sur le caffé, qui ressemblent assez à une grosse chenille velue. Les œufs éclosent tous depuis la mi-Juillet jusque vers le commencement d’Août, environ quinze jours après qu’ils ont été pondus. Ils sont toûjours sur le dessus des feuilles : ainsi dès que les chenilles sortent du nid, elles trouvent la nourriture qui leur convient ; c’est le parenchime du dessus de la feuille. Elles se rangent sur cette feuille à mesure qu’elles sortent du nid, & forment plusieurs files, dans lesquelles elles sont placées les unes à côté des autres, en aussi grand nombre que la largeur de la feuille le permet, & il y a quelquefois autant de files qu’il en peut tenir dans la longueur ; tout est rempli, excepté la partie de la feuille que les chenilles du premier rang ont laissée devant elles, de sorte que chacune des chenilles des autres rangs n’a à manger sur cette feuille que l’espace qui est occupé par la chenille qui est placée devant elle, & qui se découvre à mesure que cette chenille se porte en avant en mangeant elle-même. Dès que les premieres qui sont sorties du nid ont mangé, elles commencent à tendre des fils d’un bord à l’autre de