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la feuille qui a été rongée, & qui par cette cause est devenue concave. Ces fils sont bientôt multipliés au point de fournir une toile épaisse & blanche, sous laquelle elles se mettent à couvert. Quelques jours après elles travaillent à faire un nid plus spacieux ; lorsqu’elles ont rongé un bouquet de feuilles, elles commencent par revêtir de soie blanche une assez longue partie de la tige qui porte ces feuilles, & elles enveloppent d’une toile de la même soie une ou deux des feuilles qui se trouvent au bout de la tige ; ensuite elles renferment ces feuilles & la tige dans une toile plus grande qui les rapproche les unes des autres ; enfin avec d’autres toiles elles enveloppent d’autres feuilles & grossissent leur nid. Ces différentes toiles sont à quelque distance les unes des autres, & les espaces qui restent vuides sont occupés par les chenilles lorsqu’elles sont retirées dans leur nid. Il y a dans chaque toile de petites ouvertures par lesquelles elles pénetrent jusqu’au centre du nid. Il n’y a personne qui ne connoisse ces nids que l’on voit comme de gros paquets de soie blanche & de feuilles sur les arbres en automne, & sur-tout en hyver, lorsque les feuilles des arbres sont tombées. Ces chenilles mangent quelquefois des fruits verts aussi bien que des feuilles. Elles rentrent dans leur nid pour se mettre à l’abri des grosses pluies & de la trop grande ardeur du soleil ; elles y passent une partie de la nuit ; elles y restent lorsqu’elles changent de peau ; enfin elles y passent l’hyver. C’est avant la fin de Septembre, ou au plus tard dès le commencement d’Octobre qu’elles s’y retirent ; elles y restent immobiles tant que le froid dure ; mais le froid de nos plus grands hyvers ne peut pas les faire périr. Elles ne sortent du nid que vers la fin de Mars, ou dans les premiers jours d’Avril, lorsque la chaleur de la saison les ranime. Elles sont encore alors fort petites, mais elles prennent bientôt de l’accroissement, & elles sont obligées d’aggrandir leur nid. Après avoir changé plusieurs fois de peau, elles abandonnent leur nid ; c’est dans les premiers jours de Mai qu’on les trouve dispersées. Alors différens insectes s’emparent du nid, sur-tout les araignées. Les chenilles n’y reviennent plus ; elles filent de la soie dans différens endroits, & y changent de peau pour la derniere fois. Enfin au commencement de Juillet elles font des coques pour se transformer en chrysalides. Ces coques sont de soie brune, d’un tissu fort lâche ; elles sont placées sur des feuilles qui les enveloppent presqu’en entier.

Il y a des chenilles qui vivent dans l’eau, & qui s’y transforment en chrysalide ; mais le papillon sort de l’eau pour n’y plus rentrer. On a trouvé de ces chenilles aquatiques qui font leur coque sur la plante appellée potamogeton, avec des feuilles de cette plante & leur soie ; quoique cette coque soit faite dans l’eau, on n’en trouve cependant pas une goutte dans son intérieur.

Plusieurs especes de chenilles vivent dans les tiges, les branches, & les racines des plantes & des arbres ; il y en a dans les poires, les pommes, les prunes, & d’autres fruits. Lorsqu’ils sont gâtés par ces insectes, on les appelle fruits verreux, parce qu’en effet il y a au-dedans des vers ou des chenilles, &c. on n’en trouve pas dans les abricots, les pêches, les grains de raisin, &c. Les œufs des insectes sont déposés sur le fruit souvent lorsqu’il n’est encore qu’un embryon ; ainsi dès que la chenille est éclose, elle perce le fruit, & elle pénetre au-dedans : quelquefois l’ouverture extérieure se referme entierement pendant que le fruit grossit. Il y a une espece de chenille qui se met dans un grain d’orge ou de blé, dès qu’elle est éclose, & qui n’en sort qu’après qu’elle a été transformée en papillon. Il est difficile de distinguer toutes ces especes de chenilles ; mais

rien ne prouve mieux que ce sont des chenilles, que le papillon qui en sort.

Il n’y a guere de gens qui n’ayent de l’aversion pour les chenilles : on les regarde comme des insectes hideux & dégoûtans ; cependant si on se permettoit d’examiner les chenilles de près, on en rencontreroit beaucoup sur lesquelles on ne pourroit pas s’empêcher de trouver quelque chose qui mériteroit d’être vû, pour les couleurs, l’arrangement, &c. D’ailleurs ce n’est que par prévention qu’on les croit plus malpropres qu’un autre insecte. Il n’y a qu’un seul risque à courir en les touchant, c’est de rencontrer certaines chenilles velues dont les poils sont si fins, si roides, si fragiles, & si légers, qu’ils se cassent aisément en petits fragmens qui se répandent tout-autour de la chenille. Ces poils s’attachent sur les mains, sur le visage, sur les paupieres, &c. & causent sur la peau une demangeaison assez cuisante, qui dure quelquefois pendant quatre ou cinq jours, sur-tout lorsqu’on irrite cette demangeaison en frottant les endroits où est la douleur. Souvent il se forme sur la peau des élevûres qui semblent changer de place, parce qu’on répand en différens endroits de nouveaux poils, en y portant la main qui en est chargée. On a éprouve qu’en se frottant avec du persil, on fait cesser la demangeaison en deux ou trois heures. Voilà ce qu’il y a à craindre de quelques chenilles velues, sur-tout lorsqu’elles sont prêtes à changer de peau ; celle que l’on appelle la commune est du nombre ; & je crois qu’il est à propos de se défier de toutes celles qui ont du poil. Les nids dans lesquels elles font entrer de leur poil avec leur soie sont encore plus à craindre, principalement lorsqu’ils sont desséchés, & lorsqu’on les brise ; mais on ne croit pas que les chenilles qui sont entierement rases, puissent faire aucun mal à ceux qui les touchent, pas même à ceux qui les avaleroient. Il est certain qu’il arrive assez souvent qu’on en avale sans le savoir, & sans en ressentir aucun mauvais effet.

Fausses chenilles. On a donné ce nom à tous les insectes qui ressemblent aux chenilles, mais qui ont les jambes plus nombreuses, ou situées ou conformées différemment. Il vient des mouches au lieu de papillons de toutes les fausses chenilles : il n’y a point de crochets dans leurs jambes membraneuses, ce qui peut les faire distinguer des vraies chenilles, indépendamment du nombre des jambes. Ces fausses chenilles n’ont pas deux pieces écailleuses sur la tête ; il n’y a qu’une espece de couronne sphérique d’une seule piece, qui embrasse une grande partie du dessus & du dessous de la tête. On n’y voit pas ces petits points noirs que l’on croit être des yeux ; mais il paroît qu’elles ont deux autres yeux, dont chacun est beaucoup plus grand que tous ces points ensemble. Mém. pour servir à l’hist. des insectes, tom. I. & II. Voyez Insecte. (I)

Chenille, scorpioides, (Hist. nat. botan.) genre de plante à fleur papilionacée. Le pistil sort du calice qui devient dans la suite une silique composée de plusieurs pieces attachées bout-à-bout, & roulée à-peu-près comme certaines coquilles ou comme une chenille. Il y a dans chaque piece une semence ordinairement ovale. Tournefort, Institut. rei herb. Voyez Plante. (I)

* Chenille, (Ruban.) petit ouvrage en soie dont on se sert pour broder & exécuter des ornemens sur des vestes, des robes, des chasubles, &c. On prendroit la chenille, quand elle est petite & bien serrée, & que par conséquent son poil est court, pour un petit cordon de la nature du velours, & travaillé au métier comme cette étoffe, à laquelle elle ressemble parfaitement : cependant cela n’est pas, & rien n’est plus facile que de faire de la che-