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comme une marque d’honneur. Ovide, Ciceron, Atticus, étoient chevaliers.

Chevalier, (Hist. mod.) signifie proprement une personne élevée ou par dignité ou par attribution au-dessus du rang de gentilhomme. Voyez Gentilhomme & Noblesse.

La chevalerie étoit autrefois le premier degré d’honneur dans les armées ; on la donnoit avec beaucoup de cérémonies à ceux qui s’étoient distingués par quelqu’exploit signalé. On disoit autrefois adouber un chevalier, pour dire adopter un chevalier, parce qu’il étoit réputé adopté en quelque façon fils de celui qui le faisoit chevalier. Voyez Adoption.

On pratiquoit plusieurs cérémonies différentes pour la création d’un chevalier : les principales étoient le soufflet, & l’application d’une épée sur l’épaule ; ensuite on lui ceignoit le baudrier, l’épée, & les éperons dorés, & les autres ornemens militaires, après quoi, étant armé chevalier, on le conduisoit en cérémonie à l’église.

Les chevaliers portoient des manteaux d’honneur fendus par la droite, rattachés d’une agraffe sur l’épaule, afin d’avoir le bras libre pour combattre. Vers le xv. siecle il s’introduisit en France des chevaliers en lois, comme il y en avoit en armes ; leurs manteaux & leurs qualités étoient très-différentes. On appelloit un chevalier d’armes, messire ou monseigneur, & le chevalier de loi n’avoit que le titre de maître un tel. Les premiers portoient la cote d’armes armoiriée de leur blason, & les autres une robe fourrée de vaire, & le bonnet de même.

Il falloit être chevalier pour armer un chevalier : ainsi François I. fut armé chevalier avant la bataille de Marignan par le chevalier Bayard, qu’on appelloit le chevalier sans peur & sans reproche.

Cambden a décrit en peu de mots la façon dont on fait un chevalier en Angleterre : Qui equestrem dignitatem suscipit, dit-il, flexis genibus leviter in humero percutitur ; princeps his verbis affatur : Sus vel sois chevalier au nom de Dieu, surge vel sis eques in nomine Dei ; cela doit s’entendre des chevaliers-bacheliers, qui sont en Angleterre l’ordre de chevalerie le plus bas, quoiqu’il soit le plus ancien.

Souvent la création des chevaliers exigeoit plus de cérémonies, & en leur donnant chaque piece de leur armure, on leur faisoit entendre que tout y étoit mystérieux, & par là on les avertissoit de leur devoir. Chamberlain dit qu’en Angleterre, lorsqu’un chevalier est condamné à mort, on lui ôte sa ceinture & son épée, on lui coupe ses éperons avec une petite hache, on lui arrache son gantelet, & l’on biffe ses armes. Pierre de Beloy dit que l’ancienne coûtume en France pour la dégradation d’un chevalier, étoit de l’armer de pié-en-cap comme s’il eût dû combattre, & de le faire monter sur un échaffaud, où le héraut le déclaroit traitre, vilain, & déloyal. Après que le roi ou le grand-maître de l’ordre avoit prononcé la condamnation, on jettoit le chevalier attaché à une corde sur le carreau, & on le conduisoit à l’église en chantant le pseaume 108. qui est plein de malédictions, puis on le mettoit en prison pour être puni selon les lois. La maniere de révoquer l’ordre de chevalerie aujourd’hui en usage, est de retirer à l’accusé le collier ou la marque de l’ordre, que l’on remet ensuite entre les mains du thrésorier de cet ordre.

La qualité de chevalier s’avilit avec le tems par le grand nombre qu’on en fit. On prétend que Charles V. ou, selon d’autres, Charles VI. en créa cinq cents en un seul jour : ce fut pour cette raison qu’on institua de nouveaux ordres de chevalerie, pour distinguer les gens selon leur mérite. Pour les différens ordres de chevalerie en Angleterre, voyez les artic. Bachelier, Banneret, Baronet, Bains, Jarretiere, &c.

Chevalier s’entend aussi d’une personne admise dans quelqu’ordre, soit purement militaire, soit militaire & religieux tout ensemble, institué par quelque roi ou prince, avec certaines marques d’honneur & de distinction. Tels sont les chevaliers de la jarretiere, de l’éléphant, du saint-Esprit, de Malthe, &c. Voyez-les sous les articles Jarretiere, &c.

Chevalier errant, prétendu ordre de chevalerie, dont tous les vieux romans parlent amplement.

C’étoient des braves qui couroient le monde pour chercher des avantures, redresser les torts, délivrer des princesses, & qui saisissoient toutes les occasions de signaler leur valeur.

Cette bravoure romanesque des anciens chevaliers étoit autrefois la chimere des Espagnols, chez qui il n’y avoit point de cavalier qui n’eût sa dame, dont il devoit mériter l’estime par quelqu’action héroïque. Le duc d’Albe lui même, tout grave & tout sévere qu’il étoit, avoit, dit-on, voüé la conquête du Portugal à une jeune beauté. L’admirable roman de dom Quichotte est une critique fine & de cette manie, & de celle des auteurs Espagnols à décrire les avantures incroyables des chevaliers errans.

Il ne faut pas croire cependant que les chevaliers errans se voüassent simplement à une dame qu’ils respectoient ou qu’ils affectionnoient : dans leur premiere origine c’étoit des gentilshommes distingués qui s’étoient proposés la sureté & la tranquillité publique ; ce qui a rapport à l’état de la noblesse sous la troisieme race. Comme les anciens gouverneurs de provinces avoient usurpé leurs gouvernemens en titre de duché pour les grandes provinces, & de comté pour de moindres, ce qui a formé les grands vassaux de la couronne ; de même les gentilshommes des provinces voulurent usurper à titre d’indépendance les domaines dont ils étoient pourvûs, ou qu’ils avoient reçûs de leurs peres. Alors ils firent fortifier des châteaux dans l’étendue de leurs terres, & là ils s’occupoient, comme des brigands, à voler & enlever les voyageurs dans les grands chemins ; & quand ils trouvoient des dames, ils regardoient leur prise comme un double avantage. Ce desordre donna lieu à d’autres gentilshommes de détruire ces brigandages : ils couroient donc les campagnes pour procurer aux voyageurs la sûreté des chemins. Ils prenoient même les châteaux de ces brigands, où on prétendoit que les dames qu’on y trouvoit étoient enchantées, parce qu’elles n’en pouvoient sortir. Depuis on a fait par galanterie, ce qui d’abord s’étoit fait par nécessité. Voilà quelle fut l’origine des chevaliers errans, sur lesquels nous avons tant de romans.

Chevalier-maréchal, est un officier du palais des rois d’Angleterre, qui prend connoissance des délits qui se commettent dans l’enceinte du palais ou de la maison royale, & des actes ou contrats qu’on y passe, lorsque quelqu’un de la maison y est intéressé.

Chevaliers de la province, ou Chevaliers du parlement, ce sont en Angleterre deux gentilshomme riches & de réputation, qui sont élus en vertu d’un ordre du roi, in pleno comitatu, par ceux des bourgeois de chaque province qui payent quarante schelins par an de taxe sur la valeur de leurs terres, pour être les représentatifs de cette province dans le parlement.

Il étoit nécessaire autrefois que ces chevaliers des provinces fussent milites gladio cincti, & même l’ordre du roi pour les élire est encore conçû en ces termes ; mais aujourd’hui l’usage autorise l’élection de simples écuyers pour remplir cette charge.

Chaque chevalier de province, ou membre de la