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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/380

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à pousser leurs dents ; selon d’autres observateurs, dans la grossesse, les commotions, la douleur, &c. Il est certain que toutes ces maladies, & quelques autres, sont assez fréquemment accompagnées d’un flux bilieux par intervalles, & qui est purement symptomatique. Il faut bien alors se garder d’employer les vomitifs, les purgatifs, & les échauffans ; mais il faut appaiser ce mouvement spasmodique par des anodyns, des stomachiques, des remedes propres à calmer l’irritation des nerfs, suivant les causes qui la produisent.

Ses symptomes. Quant à l’histoire de cette maladie idiopatique, nous observerons que le cholera prend d’ordinaire subitement. Les malades ont à la vérité des rapports acides, nidoreux, ou putrides ; des douleurs pungitives dans l’estomac & dans les intestins ; des cardialgies, & du mal-aise dans les parties circonvoisines ; mais c’est tout d’un coup, & en même tems. Ils sont affligés de vomissemens & d’une grande évacuation de matiere. Ils rendent d’abord les restes des alimens, puis des humeurs bilieuses tantôt jaunes, tantôt vertes ou noires, mêlées plus ou moins de mucosité, mais toujours corrosives, & accompagnées de rapports, de flatuosités, & quelquefois de sang. L’évacuation de toutes ces matieres se fait à différens intervalles, fort voisins les uns des autres. D’ailleurs on ressent encore dans les intestins des douleurs aigues avec picotemens, enflure du ventre, borborigmes, contorsions & convulsions. On est encore affligé d’anxiété, de nausées, de cardialgie ; & dans le reste du corps, de chaleur, d’inquiétude, de fievre, de frissons, de foiblesses.

Si le mal augmente, la soif devient grande, les extrémités entrent en convulsion ou se refroidissent ; le battement du cœur ne se fait plus selon l’ordre naturel ; le diaphragme est fatigué par des secousses de hoquet ; les urines sont retenues ; le corps se couvre de sueur froide ; on tombe dans des défaillances profondes, & qui tiennent quelquefois de la syncope. Enfin le visage pâlit, les yeux se ternissent, la voix est entrecoupée & le pouls foible, vacillant, venant bientôt à ne plus battre, le malade meurt. La terminaison de ce mal est prompte ; & s’il dure six jours, c’est qu’il dégénere en une autre maladie ; aussi Asclépiade la définit-il une évacuation très-vive & très-prompte des humeurs hors de l’estomac & des intestins, pour la distinguer de l’affection cœliaque, dans laquelle l’évacuation se fait avec moins de vivacité & de promptitude.

Le cholera-morbus est assez commun en été, plus en automne qu’au printems, & plus au printems qu’en hyver. Il se déclare presque toûjours à la fin de l’été, vers le commencement de l’automne, & alors c’est un mal quelquefois épidémique. Il est plus fréquent & plus cruel dans les pays chauds que dans les climats doux & tempérés. Aussi lisons-nous, dans l’histoire naturelle des Indes de Bontius, liv. IV. c. vj. & dans les voyages de Thevenot, part. l. II. ch. x. que les cholera sont endémiques parmi les habitans de l’Inde, de la Mauritanie, & de l’Amérique.

Dans la dissection des sujets morts du cholera, on trouve d’ordinaire les uns ou les autres des dérangemens suivans ; savoir les intestins grêles, surtout le duodenum & l’orifice droit de l’estomac, gangrenés, couverts de bile, & teints en jaune à l’extérieur ; les conduits biliaires excessivement relâchés ; la vesicule du fiel aggrandie, ou extrèmement flasque ; le canal cholidoque prodigieusement distendu, & quelquefois ouvert aux environs du pylore portant par ce moyen la bile dans l’estomac, ainsi que dans les intestins ; les veines de l’estomac gonflées de sang, & l’épiploon tombé ou froncé du côté de l’estomac. Voyez Act. med. Berol. dec. 11. vol. 8. Thomas Barthol. Cent. xj. hist. 81. Cabrolius, observ.

anat. 6. Diemerbrock, anat. lib. I. cap. iij. Dolæus, Encycl. med, lib. III. cap. jv. Bonet, sepulchret. Riolan, anthropol. lib. II. cap. x. &c.

Son siége, ses causes & ses effets. Il s’ensuit de ces observations faites sur un grand nombre de cadavres, que quoique le siége du cholera soit dans l’estomac ou dans les intestins, on le doit établir particulierement dans le duodenum & dans les conduits biliaires : c’est par cette raison que toutes les parties du système nerveux, entre lesquelles il y a sympathie, sont ici affectées. Il n’est guere possible de fixer ailleurs le siége du cholera, si l’on considere attentivement sa cause matérielle ; car les matieres rendues, tant par le vomissement que par les selles, sont presque toûjours bilieuses, & ne varient, par rapport à la quantité de bile dont elles sont chargées, que du plus au moins : si elles prennent différentes couleurs, si elles sont tantôt jaunes ou vertes, & tantôt noires, c’est qu’il se joint à la bile des humeurs étrangeres, acides, pituiteuses, salines, & même du sang. Or le mêlange des matieres rendues par le vomissement ou par les selles, avec la quantité excessive de bile dont elles sont chargées, ne se peut faire que dans le duodenum ; c’est le seul des intestins qui donne lieu, par sa situation & ses courbures, à la formation & à l’accroissement des matieres acres ; & par l’influx qui s’y fait de la bile & du suc pancréatique, au mêlange de cette humeur avec ces matieres.

Le picotement de la tunique nerveuse, qui tapisse l’estomac & les intestins, est la cause immédiate du cholera, d’où suit la contraction convulsive de ces visceres, qui augmentée successivement par la qualité corrosive des matieres, cause des douleurs pungitives, lancinantes, avec la cardialgie. Cette contraction agit dans l’estomac & dans le duodenum de bas en-haut, contre l’ordre naturel ; au lieu que dans les autres intestins elle agit de haut en-bas ; c’est pourquoi il y a vomissement & diarrhée en même tems. La constriction spasmodique de toutes ces parties doit naturellement empêcher l’affluence des humeurs qui s’y portent en abondance, de repasser librement dans les veines. Par la conspiration des nerfs, le mal s’étend aux parties adjacentes ; c’est par ce moyen que les conduits biliaires sont affectés, irrités, & contraints de se vuider dans le duodenum : si l’agitation violente qui les accompagne passe jusqu’au cœur, il y aura palpitation ; si elle parvient au diaphragme, il y aura hoquet ; si elle se fait sentir à la vessie, il y aura dysurie ; si elle s’étend à la surface du corps, il y aura froideur des extrémités ; & si les membranes du cerveau & la moelle spinale en sont attaquées, il y aura mouvemens convulsifs & épileptiques.

La matiere peccante qui produit de si terribles effets doit être d’une nature extrèmement acre & caustique ; elle doit tenir quelque chose des poisons ; car les effets des poisons sur le corps, sont semblables aux symptomes du cholera.

Quant aux causes générales & particulieres qui peuvent produire cette maladie, elles sont en grand nombre, & il seroit difficile d’en faire l’énumération exacte. Il y a quelques causes procatarctiques qui peuvent s’y joindre, telles que la constitution chaude de l’atmosphere ; des débauches fréquentes de liqueurs pendant l’été ; des alimens gras, putrides, & bilieux, réunis aux liqueurs fermentées ; la chaleur & le refroidissement du corps qui succéderont aux débauches ; les passions violentes dans ces circonstances, &c.

Son prognostic. Comme cette maladie est des plus aiguës, on doit la juger mortelle ; le nombre & la violence des symptomes regleront le prognostic. Plus la matiere évacuée est corrosive, la soif & la