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chaleur violentes, plus le danger est grand : si l’on rend de la bile noire mêlée avec du sang noir, la mort est inévitable, dit Hippocrate ; la suppression des secrétions, la durée des symptomes avec la fievre, les défaillances, les convulsions, les hoquets, la froideur des extrémités, les sueurs colliquatives, la foiblesse du pouls, annoncent le même évenement ; l’absence au contraire de ces tristes symptomes donne des lueurs d’espérance. Si les vomissemens cessent, si le sommeil paroît, si la soif n’est point excessive ni la chaleur trop grande, si le malade se sent soulagé par les évacuations, si la diarrhée bilieuse diminue, si la sortie des flatuosités l’accompagne par l’anus, on peut annoncer la terminaison salutaire du cholera, & l’on doit conclure en particulier de la sortie des vents, que le mouvement péristaltique des intestins rentre dans l’état naturel.

Méthode curative. Le délai le plus court peut avoir les plus tristes suites dans le cholera ; il n’y a point de maladie qui demande des secours plus prompts : mais on doit se proposer pour la guérir les trois objets suivans ; 1° de corriger & tempérer la matiere peccante, & de l’expulser en même tems par des remedes convenables ; 2° de calmer & suspendre les mouvemens irréguliers ; 3° de rendre aux parties nerveuses les forces qu’elles ont perdues.

Pour parvenir au premier point, il faut faciliter & hâter l’évacuation, en donnant abondamment de l’eau chaude mêlée avec quelques mucilages. On rendra le ventre libre par des clysteres huileux & émolliens ; les bouillons les plus legers faits avec un poulet bouilli dans six pintes d’eau de fontaine, ensorte que la liqueur ait à peine le goût de la chair, sont excellens. Sydenham recommande de faire un grand usage de ces bouillons pris chaudement. Il en ordonne en même tems une grande quantité en clysteres, successivement, jusqu’à ce que le tout ait été reçû dans le corps, & en ait été rejetté par le vomissement & par les selles. On peut ajoûter, tant dans la partie qu’on donnera en boisson, que dans celle que l’on fera prendre par les clysteres, une once de syrop de laitue, de violettes, ou de pourpier. Au reste la liqueur seule produiroit assez d’effets. Au défaut d’eau de poulet, on peut substituer le posset, des décoctions d’orge ou d’avoine, qui tendent au même but ; par ce secours, l’estomac ayant été chargé à diverses fois d’une grande quantité de liqueurs prises par haut & par bas, & son mouvement déterminé pour ainsi dire en sens contraire, l’acrimonie des humeurs se trouvera délayée, diminuée, & évacuée, ce qui est le premier point de la guérison : le petit-lait est encore extrèmement propre à corriger l’acrimonie des humeurs, & à éteindre la soif des malades.

Mais l’usage des astringens, des alexipharmaques, des opiates, des purgatifs, des laxatifs, des vomitifs, qu’on employe ordinairement, est très-dangereux : car par les uns on réprime les premiers efforts de la sortie des humeurs, & l’on en prévient l’évacuation naturelle ; & par les laxatifs, les cathartiques, vomitifs, on augmente l’agitation & l’on produit un nouveau trouble, sans compter l’inconvénient de prolonger la maladie par ces moyens, & plusieurs autres desavantages.

Lorsque la matiere peccante sera évacuée, ce qui ne demande guere que 3 ou 4 heures, il faut calmer les mouvements par un narcotique, comme par exemple par 15 ou 20 gouttes de laudanum liquide. On peut y joindre les parégoriques externes, comme sont le cérat stomacal de mastic de Galien, les linimens d’huile nervine appliqués sur la région de l’estomac, & autres de ce genre.

Pour rendre aux parties les forces qu’elles ont perdues, on employera les remedes corroboratifs

convenables, tels que sont dans cet état de foiblesse tous les alimens émolliens, l’orge bouillie dans de l’eau de poulet, les bouillons faits avec le veau, la volaille, les racines de chicorée, de persil ; le cerfeuil, les écrevisses broyées, & le suc de limon ; les émulsions faites avec les amandes, les semences froides édulcorées par du syrop de pavot : pour consommer la guérison, l’on pourra ajoûter ensuite les teintures chalybées ; il n’est pas nécessaire de recommander un régime sévere dans le commencement de la cure.

Si l’on étoit appellé auprès d’un malade épuisé par un vomissement & une diarrhée qui auroient duré 10 ou 12 heures, il faudroit recourir sur le champ à l’unique refuge en pareil cas ; j’entends un narcotique, du laudanum ; on le donnera non-seulement dans la violence des symptomes, mais on le répetera encore soir & matin, après la cessation du vomissement & de la diarrhée, jusqu’à ce que le malade ait recouvré ses forces & sa santé.

Si au contraire on étoit appellé dans le premier mouvement du cholera d’un homme robuste & pléthorique, rien n’est plus propre ni plus à propos que la saignée, pour prévenir l’inflammation & mitiger les symptomes ; mais il faut s’en abstenir, lorsque les forces commencent à s’épuiser.

Méthode de traitement du docteur Douglas. Entre tous les Medecins, il n’y en a point qui ayent décrit plus exactement le cholera que Cœlius Aurélianus, & Arétée, & point qui ayent indiqué un meilleur traitement de cette maladie ; les modernes n’y ont rien ajoûté ; ils se sont au contraire généralement écartés de la bonne pratique des anciens, presque oubliée dans ce royaume, mais qui à ce qu’on espere y reprendra faveur d’après l’autorité & les succès de Sydenham, succès que le docteur Ayton Douglas a dernierement confirmé par plusieurs expériences ; ce Medecin Ecossois mérite bien d’être écouté pour la clôture de cet article.

« Le cholera, dit-il, Observat. médicin. d’Edimbourg, tome VI. qui consiste dans de violens vomissemens & des évacuations par bas de bile, ou d’autres humeurs acres, est une maladie si meurtriere, qu’elle emporte quelquefois un homme en vingt-quatre heures, quand il ne peut être secouru par un bon Medecin, comme il arrive souvent à la campagne. Elle n’est pas moins dangereuse lorsqu’on la traite par une mauvaise méthode, telle qu’est celle que propose Ettmuller, qui recommande les vomitifs, les purgations, & les sudorifiques, ce qui me paroît être la même chose que si on jettoit de l’huile dans le feu. J’espere que mes compatriotes me sauront gré de la peine que je me donne de publier une maniere de guérir cette maladie par un remede qu’on a toûjours sous la main, qu’on trouve par-tout, même chez les paysans les plus pauvres, & que j’ai souvent mis en usage, & toûjours avec succès.

» Si les personnes qui sont attaquées de cette maladie ne sont pas trop épuisées, quand je suis appellé pour les voir, je leur fais boire largement & a trois ou quatre reprises de l’eau chaude, qu’ils rejettent toûjours par haut. Cette eau délaye l’acrimonie des humeurs, & les évacue en même tems. Immédiatement après, je leur conseille de boire à grands traits d’une décoction de pain d’avoine sans levain ni levure de bierre, bien rôti, & d’une couleur approchante de celle du caffé brûlé ; cette décoction doit avoir la couleur du caffé, quand elle est foible.

» J’ai toûjours remarqué que mes malades se soûmettoient sans peine à ce régime, leur soif étant généralement fort grande, & ils m’ont tous assûré que cette boisson leur étoit fort agréable. Je dois ajoûter ici que je n’en ai jamais vû aucun qui l’ait