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bélier, quoiqu’elle n’y soit plus depuis long-tems. M. Freret fortifie cette conjecture par un grand nombre de preuves qui paroissent très-fortes. En voici les principales. Achilles Tatius dit que plusieurs Astronomes plaçoient le solstice d’été au premier degré du cancer ; les autres au 8e ; les autres au 12e ; les autres au 15e. Euctemon avoit observé le solstice avec Meton, & cet Euctemon avoit placé l’équinoxe d’automne au premier degré de la balance ; preuve, dit M. Freret, que Meton en fixant le solstice d’été au huitieme degré du cancer, se conformoit à l’usage de parler de son tems, & non à la vérité. Suivant les lois de la précession des équinoxes, l’équinoxe a dû être au huitieme degré d’aries, 964 ans avant l’ere chrétienne, & c’est à-peu-près en ce tems-là que le calendrier suivi par Meton a dû être publié. Hypparque place les points équinoxiaux à quinze degrés d’Eudoxe : il s’ensuivroit qu’il y a eu entre Hypparque & Eudoxe un intervalle de 1080 ans, ce qui est insoûtenable ; à ces preuves M. Freret en ajoûte plusieurs autres. On peut voir ce détail instructif & curieux dans un petit ouvrage qui a pour titre : abregé de la chronologie de M. Newton, fait par lui-même, & traduit sur le manuscrit Anglois, à Paris, 1725. A la suite de cet abregé, on a placé les observations de M. Freret. Il sera bon de lire à la suite de ces observations la réponse courte que M. Newton y a faite, Paris 1726, & dans laquelle il y a quelques articles qui méritent attention. Nous nous dispensons d’autant plus volontiers de rapporter ici plus au long les preuves de M. Freret, que nous apprenons qu’il paroîtra bientôt un ouvrage posthume considérable qu’il a composé sur cette matiere. Mais nous ne pouvons laisser échapper cette occasion de célebrer ici la mémoire de ce savant homme, qui joignoit à l’érudition la plus vaste l’esprit philosophique, & qui a porté ce double flambeau dans ses profondes recherches sur l’antiquité.

La chronologie ne se borne pas aux tems reculés & à la fixation des anciennes époques ; elle s’étend aussi à d’autres usages, & particulierement aux usages ecclésiastiques. C’est par son secours que nous fixons les fêtes mobiles, entr’autres cellés de Pâques, & que par le moyen des épactes, des périodes, des cycles, &c. nous construisons le calendrier. Voyez ces mots. Voyez aussi l’article An. Ainsi il y a proprement deux especes de chronologie ; l’une, pour ainsi dire purement historique, & fondée sur les faits que l’antiquité nous a transmis ; l’autre mathématique & astronomique, qui employe les observations & les calculs, tant pour débrouiller les époques, que pour les usages de la religion.

Un des ouvrages les plus utiles qui ayent paru dans ces derniers tems sur la chronologie, est l’art de vérifier les dates, commencé par Dom Maur d’Antine, & continué par deux savans religieux benédictins de la même congrégation, Dom Charles Clement & Dom Ursin Durand ; Paris, 1750. in-4o. Cet ouvrage présente d’abord une table chronologique qui renferme toutes les différentes marques propres à caractériser chaque année depuis J. C. jusqu’à nous. Ces marques sont les indictions, les épactes, le cycle pascal, le cycle solaire, les éclipses, &c. Cette table est suivie d’un excellent calendrier perpétuel, voyez l’art. Calendrier. Et l’ouvrage est terminé par un abregé chronologique des principaux évenemens depuis J. C. jusqu’à nos jours. Dans cet abregé on doit sur-tout remarquer & distinguer l’attachement des deux religieux benédictins pour les maximes du clergé de France, & de la faculté de Théologie de Paris, sur l’indépendance des rois quant au temporel, & la supériorité des conciles généraux au-dessus du Pape. Aussi cet ouvrage a-t-il été reçû très-favorablement du public ; & nous en faisons

ici d’autant plus volontiers l’éloge, que les deux auteurs nous sont entierement inconnus.

M. de Fontenelle, dans l’éloge de M. Bianchini, dit que ce savant avoit imaginé une division de tems assez commode : quarante siecles depuis la création jusqu’à Auguste ; seize siecles depuis Auguste jusqu’à Charles V. chacun de ces seize siecles partagé en cinq vingtaines d’années, de sorte que dans les huit premiers comme dans les huit derniers, il y a quarante vingtaines d’années, comme quarante siecles dans la premiere division, régularité de nombres favorables à la mémoire ; au milieu des seize siecles, depuis Auguste jusqu’à Charles V. se trouve justement Charlemagne, époque des plus illustres. (O)

* Chronologie Sacrée. On entend par la Chronologie des premiers tems, l’ordre selon lequel les évenemens qui ont précédé le déluge, & qui l’ont suivi immédiatement, doivent être placés dans le tems. Mais quel parti prendrons-nous sur cet ordre ? Regarderons-nous, avec quelques anciens, le monde comme éternel, & dirons-nous que la succession des êtres n’a point eu de commencement, & ne doit point avoir de fin ? Ou convenant, soit de la création, soit de l’information de la matiere dans le tems, penserons-nous, avec quelques auteurs, que ces actes du Tout-puissant sont d’une date si reculée, qu’il n’y a aucun fil, soit historique soit traditionnel, qui puisse nous y conduire sans se rompre en cent endroits ? Ou reconnoissant l’absurdité de ces systèmes, & nous attachant aux fastes de quelques peuples, préférerons-nous ceux des habitans de la Béthique en Espagne, qui produisoient des annales de six mille ans ? Ou compterons-nous, avec les Indiens, six mille quatre cents soixante-un ans depuis Bacchus jusqu’à Alexandre ? Ou plus jaloux encore d’ancienneté, suivrons-nous cette histoire chronologique de douze à quinze mille ans dont se vantoient les Egyptiens ; & donnant avec les mêmes peuples dix-huit mille ans de plus à la durée des regnes des dieux & des héros, vieillirons-nous le monde de trente mille ans ? Ou assûrant, avec les Chaldéens, qu’il y avoit plus de quatre cents mille ans qu’ils observoient les astres lorsque Alexandre passa en Asie, leur accorderons-nous dix rois depuis le commencement de leur monarchie jusqu’au déluge ? Ferons-nous ces regnes de cent vingt sares ? & comptant avec Eusebe pour la durée du sare Chaldéen trois mille six cents ans, dirons-nous qu’il y avoit quatre cents trente-deux mille ans depuis leur premier roi jusqu’au déluge ? Ou mécontens de la durée qu’Eusebe donne au sare, & curieux de conserver aux Chaldéens toute leur ancienneté, leur restituerons-nous les quarante-un mille ans qu’ils semblent perdre à ce calcul, & leur accorderons-nous les quatre cents soixante-trois mille ans d’observations qu’ils avoient lors du passage d’Alexandre, au rapport de Diodore de Sicile ? Ou regardant toutes ces chronologies soit comme fabuleuses, soit comme réductibles, par quelque connoissance puisée dans les anciens, à la chronologie des livres sacrés, nous en tiendrons-nous à cette chronologie ? La raison & la religion nous obligent à prendre ce dernier parti. Notre objet sera donc ici premierement de montrer que ces énormes calculs des Chaldéens & autres, peuvent se réduire à quelqu’un des systèmes de nos auteurs sur la chronologie sacrée ; secondement, ces systèmes de nos auteurs ayant entre eux des différences assez considérables, fondées les unes sur la préférence exclusive qu’ils ont donnée à un des textes de l’Ecriture, les autres sur les intervalles qu’ils ont mis entre les époques d’un même texte, d’indiquer l’usage qu’il semble qu’on pourroit faire des différens textes, &