Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/451

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neâita solidis theoriis, argumentis, experimentis usum esse ; eâ scientiâ, industriâ, peritiâ, constantiâ, connectendi & concludendi circumspectione in hoc argumento usum atque potitum esse quam nemo alius neque ante ipsum, neque post ipsum, imo nequidem per ipsum in hodiernum usque diem. Le même auteur, Stahl, qui n’est pas prodigue d’éloges, appelle le même ouvrage, opus sine pari, primum hactenus ac princeps ; & ailleurs, liber undique & undique primus : & nous pouvons dire qu’il l’est encore de nos jours, du moins parmi les originaux, c’est-à-dire parmi les ouvrages faits pour les chimistes légitimes, les maîtres de l’art. Je sai bien que Becher, quoiqu’écrivain exact, méthodique, & même élégant, quoique fertile en préceptes & en expériences qui doivent être du goût de tous les lecteurs, & en éclairs qui doivent frapper tous les yeux, ne sauroit faire supporter au plus grand nombre, en faveur de ces qualités, tout ce qu’on trouve dans cet ouvrage pour établir l’existence de la transmutation des métaux & de la mercurification, qui est la prétention favorite de notre auteur ; ni cette espece de commentaire physique sur l’histoire de la création, par lequel son ouvrage débute ; ni en général quelques obscurités, & un assez grand nombre de notions vagues & tout au plus métaphoriques, qu’il a mêlées aux vérités les plus positives & les mieux liées : car j’aime mieux croire que c’est par ces défauts, ou plûtôt par cet épouventail, que l’incomparable ouvrage dont nous parlons n’est ni connu, ni par conséquent estimé des Physiciens, que de dire avec Stahl, que cela vient de ce que les assertions fondamentales de l’auteur font vraies. La doctrine de Becher, outre les notions générales sur la mixtion & sur la solution, qui font la base de la méthode chimique, est surtout connue par l’exposition des principes de la composition ou des matériaux des corps, & principalement des minéraux ; principes qu’il a fixés au nombre de trois, & que nous connoissons en Chimie sous le nom des trois terres de Becher. Voyez Principes, Mineraux, Substances Métalliques, & Terres. Les autres ouvrages chimiques de Becher sont pour la plûpart purement alchimiques : tels sont les supplémens à sa physique soûterraine, sa concordance chimique, tous ses opuscules, à l’exception du laboratorium portatile qui contient, outre un tableau abregé des connoissances pratiques, un précis très-exact de la doctrine chimique de l’auteur ; sa morosophie & son œdipe chimique, le plus obscur de tous ses ouvrages, malgré son titre. Au reste, ces divers ouvrages alchimiques sont de la classe de ceux que le chimiste, qui pense & qui est assez patient, lit toûjours avec profit, tant pour les vûes, les idées lumineuses qu’un chimiste tel que Becher doit nécessairement répandre dans tout ce qu’il a traité, que pour les faits, les observations, les expériences secondaires, & même pour certains procédés qu’on peut regarder comme utiles, même quant au fond ou aux produits que l’auteur promet. Ses prétentions sur sa fameuse mine de sable perpétuelle, passent, par exemple, pour très-fondées au jugement de plusieurs grands chimistes. On retrouve toûjours Becher dans ceux-ci, c’est-à-dire l’homme singulierement maître de son sujet, &c. Voyez Transmutation. Sa métallurgie passe pour trop peu travaillée : Becher a d’ailleurs été un très-fertile écrivain sur des sujets de Medecine, de Belles-Lettres, de Grammaire, de Politique, de Théologie, de Mathématique, de Méchanique, &c. Il mourut à Londres en 1682.

Le célebre physicien Robert Boyle, contemporain & ami de Becher, est ordinairement compté parmi les Chimistes ; & il a effectivement beaucoup écrit sur la Chimie : mais il est trop exactement phy-

sicien corpusculaire-méchanicien, ou physicien proprement dit, tel que nous l’avons mis en contraste avec le chimiste au commencement de cet article, pour qu’il ait pû travailler utilement pour la doctrine chimique, dont on peut dire qu’il a entrepris la réforme sans être muni des connoissances suffisantes pour exécuter ce dessein, & même sans avoir assez d’érudition chimique pour savoir ce que c’étoit exactement que cette doctrine qu’il se propose de rectifier. En effet Boyle paroît n’avoir connu que le peuple des Chimistes ; car il a combattu des principes que les bons chimistes ne prenoient point du tout dans le sens dans lequel il les considere ; & il a, par une suite de cette mauvaise acception, ou refuté des erreurs qui n’existoient point chez les vrais maîtres de l’art, ou attaqué des dogmes que quelques ancêtres de ces savans avoient réellement établis, mais que des chimistes postérieurs, tels que Libavius, Rolfinck, Vanhelmont, Rubæus, Billich, & plusieurs autres, entre lesquels nous n’oublierons pas de compter notre Palissy, avoient refuté avant lui ; ensorte qu’il n’a fait qu’étendre les réfutations bien ou mal fondées de ces auteurs, & les appuyer quelquefois d’expériences précieuses en soi, mais presque toûjours mal appliquées, & fournissant constamment à l’auteur des conséquences très-précaires & très-mal déduites.

Boyle paroît avoir jugé Vanhelmont, par exemple, sur le simple titre que ce chimiste se donnoit de philosophe par le feu, lorsqu’il l’a accusé d’être un des chimistes qui avoient mal estimé l’action du feu dans la décomposition des corps, & d’avoir adopté la doctrine des principes dans le sens où Boyle la prend, & où elle est réellement vicieuse ; car Vanhelmont est directement opposé à cette opinion.

Son chymista scepticus où l’auteur n’a point douté, (ce que Becher lui a reproché dans le même endroit de sa Physique soûterraine, où il tourne en ridicule la forme spirale des particules de l’air, par laquelle Boyle expliquoit le ressort de ce fluide ; ce que je remarque en passant, pour faire voir que les Chimistes ont avant les Newtoniens senti l’insuffisance de ce méchanisme), & où on ne trouve point les paradoxes annoncés par le titre de cet ouvrage, est exactement caractérisé par l’idée que nous venons de donner de la maniere générale de Boyle. Il s’est peint de la même façon dans son ouvrage intitulé de imperfectà chimicorum circa qualitates doctrinâ. L’on voit d’ailleurs évidemment en Boyle l’étranger dans les choses chimiques, par le manque absolu de l’art d’élaguer l’exposé de ses expériences, qu’il charge souvent de circonstances inutiles, tandis qu’il évalue fort mal les essentielles ; notamment dans son essai sur les parties du nitre, où il paroît croire que l’air libre opere matériellement dans les crystallisations des sels, soit par sa propre substance, soit par des exhalaisons terrestres ou même célestes, & où il a connu si peu l’effet de l’évaporation dans la production de ce phénomene, qu’il témoigne à-propos des mêmes expériences beaucoup de regret de n’avoir pas tenté si une dissolution de nitre enfermée dans un vaisseau exactement bouché, ne fourniroit pas aussi bien des crystaux qu’une pareille dissolution exposée à l’air libre. L’inconséquence ou l’inutilité de ses expériences pour les points à l’appui desquels il les rapporte, est frappante dans son livre de producibilitate principiorum chimicorum, où l’on trouve pourtant des faits importans en soi, la production d’un soufre artificiel, par exemple, mais qui avoit déjà été exécutée par Glauber qui ne se trompoit pas plus que Boyle, lorsqu’il croyoit l’extraire des charbons, au lieu que le physicien croyoit le séparer de l’huile de