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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/460

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celles de l’Europe, se sont plus attachés dans leurs relations à étonner leurs lecteurs par le merveilleux du récit qu’ils en ont fait, que par le vrai qu’ils n’étoient pas en état de rapporter, faute d’avoir quelque teinture de Botanique : ceux-ci ne nous en ont décrit que des especes différentes de celles dont il s’agit ici ; ou si l’on prétend que ce soit la même qu’ils ayent décrite, on ne pourra regarder leurs descriptions que comme imparfaites.

La plus exacte doit donc être celle qui sera d’après la nature même, & sur les observations qu’aura permis de faire la commodité du lieu où on a pû la voir en toute sorte d’état.

Cette plante, qui fut envoyée de Leyde au commencement du siecle par M. Hotton, professeur en Botanique au jardin de cette ville-là, à M. Fagon premier medecin de Louis XIV. & surintendant du jardin du Roi, y fut plantée, n’ayant alors que trois à quatre pouces sur deux & demi de diametre.

Depuis ce tems-là, on a observé que d’une année à l’autre, elle prenoit un pié & demi environ d’accroissement, & que la crue de chaque année se distingue par autant d’étranglemens de sa tige ; ensorte qu’elle étoit déja parvenue dans l’année 1716 à 23 piés de hauteur sur sept pouces de diametre, mesurée vers le bas de sa tige.

La figure droite & longue de la tige de cette plante par laquelle elle ressemble à un cierge, lui en a fait donner le nom : on pourroit même dire qu’elle auroit encore plus de rapport à une torche par les côtes arrondies, dont elle est relevée dans toute l’étendue de sa longueur.

Ces côtes, qui sont au nombre de huit & saillent d’environ un pouce, forment des cannelures d’un pouce & demi d’ouverture, lesquelles vont en diminuant, & augmentent en nombre à proportion qu’elles approchent du sommet de la plante terminée en cone.

Des toupets, composés chacun de sept, huit, ou neuf épines écartées les unes des autres en maniere de rosette, couleur châtain, fines, fort affilées, roides, & dont les plus longues sont de près de neuf lignes, sortent d’espace en espace à un demi-pouce d’intervalle, de petites pelotes cotonneuses, grisâtres, de la grandeur & figure d’une lentille ordinaire, & placées sur toute la longueur de ces côtes.

Son écorce est d’un verd gai ou verd de mer, tendre, lisse, & couvre une substance charnue, blanchâtre, pleine d’un suc glaireux, qui n’a qu’un goût d’herbe, & au milieu de laquelle se trouve un corps ligneux de quelques lignes d’épaisseur, aussi dur que le chêne, & qui renferme une moelle blanchâtre pleine de suc.

Onze ans après que ce cierge fut planté, & étant devenu haut de dix-neuf piés environ, deux branches sortirent de sa tige à trois piés & quelques pouces de sa naissance. A la douzieme année, il poussa des fleurs qui sortirent des bords supérieurs des pelotons épineux répandus sur ces côtes. Depuis ce tems jusqu’à l’année 1716, le cierge a tous les ans jetté de nouvelles branches qui sont en tout semblables à la tige, & a donné des fleurs qui naissent ordinairement en été de différens endroits des côtes de cette tige, quelquefois jusqu’au nombre de quinze ou seize. Il est actuellement très-haut.

La fleur commence par un petit bouton verdâtre, teint à sa pointe d’un peu de pourpre ; il s’allonge jusqu’à un demi-pié, & grossit un peu plus que du double à son extrémité, laquelle s’épanouissant, forme une espece de coupe de près d’un demi-pié de diametre.

Elle est composée d’une trentaine de pétales longues de deux pouces sur un demi de largeur, tendres, charnues, comme couvertes de petites gout-

tes de rosée blanchâtre à leur naissance, lavées de

pourpre clair à leur extrémité, qui est pointue & légerement dentelée.

Une infinité d’étamines longues d’un pouce & demi, blanchâtres, chargées d’un sommet jaune de soufre, partent par étage des parois intérieures d’un calice de couleur verd gai, épais de deux lignes, d’une substance charnue, verdâtre, visqueuse, & d’un goût d’herbe, cannelé sur sa surface extérieure, & composé de plusieurs écailles longues, épaisses, étroites, vertes, teintes de pourpre à leur extrémité, & appliquées les unes sur les autres successivement, ensorte que les inférieures qui sont jointes à la naissance du calice, soûtiennent les supérieures, lesquelles se divisent, s’allongent, & s’élargissent à proportion qu’elles approchent des pétales de la fleur, dont elles ne se distinguent que parce qu’elles sont les plus extérieures, plus charnues, d’un verd jaunâtre vers leur milieu, & plus arrondies vers leur extrémité, qui est lavée d’un rouge brun.

Cette fleur qui a peu d’odeur, est portée sur un jeune fruit coloré d’un même verd que l’est le calice à sa naissance, auquel il sert de base, & lui est si intimement joint, qu’ils ne font ensemble qu’un même continu.

La surface de ce fruit gros alors comme une petite noix, est cannelée, lisse, & sans épines. Son intérieur renferme une chair blanchâtre, dans le milieu de laquelle est une cavité qui contient plusieurs semences.

Un pistil long de trois pouces & quelques lignes sur un & demi de diametre, blanchâtre, évasé à sa partie supérieure en maniere de pavillon, découpé en dix lanieres étroites, longues de six lignes, prend sa naissance au centre de ce fruit, que nous n’avons pas vû mûrir ici, & s’éleve de sa partie supérieure, enfile le calice de la fleur, & en occupe le centre : là, il est environné de toutes les étamines, qui s’inclinent un peu de son côté sans le surpasser & sans en être touché.

Observations sur cette plante. Les observations auxquelles la description de ce cierge peuvent donner lieu, sont :

1°. Que cette espece de cierge n’a du rapport qu’à celle dont Tabernamontanus donne une figure, qui a été copiée par Lobel, Dalechamp, & Swertius. C. Bauhin l’a nommée, cereus Peruanus, spinosus, fructu rubro, nucis magnitudine. Lin. 458.

2°. Que cette espece est différente de celles rapportées par M. Herman & par le P. Plumier, parce que celle-ci jette des branches, & que le pistil de sa fleur est de niveau aux étamines ; au lieu que celles-là n’ont qu’une seule tige sans branches, & que celle dont parle le P. Plumier, pousse du milieu de sa fleur un pistil qui la surpasse de beaucoup.

3°. Que quoique l’examen de la fleur & du fruit des plantes ait été jugé propre pour en établir le caractere, on peut néanmoins le faire sans ce secours, & par la seule inspection de la figure extérieure d’une plante qui a quelque chose de particulier ; ce qui se vérifie à l’égard de celle-ci, qui est assez reconnoissable par la longueur de ses tiges & par leurs cannelures, dont les côtes sont hérissées de paquets d’épines placées d’espace en espace : ensorte que comme il ne porte des fleurs que fort tard, & que cette fleur passe très-vîte, & n’est bien en état que la nuit & vers le matin, elle devient à l’égard du botaniste comme inutile pour juger du genre dans lequel la plante qui la porte doit être placée.

4°. Que le cierge par la structure de ses fleurs, par celle de son fruit, & par ses paquets d’épines, a beaucoup de rapport à la raquette, ou opuntia, & n’en differe que parce que les tiges de celle-ci ne sont