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que d’être circoncis : Et signum accepit circumcisionis justitiæ fidei, quæ est in præputio, Rom. jv. vers. 11. 3° Tous les peres, avant S. Augustin, ont soûtenu unanimement que la circoncision n’avoit point la vertu d’effacer le péché originel : Abraham, dit S. Justin, dans son dialogue avec Tryphon, circumcisionem accepit in signum non ad justitiam, quemadmodum & scripturæ & res ipsæ nos fateri cogunt . . . . & quod genus muliebre circumcisionis carnalis capax non est ; satis id ostendit in signum datam circumcisionem istam, non ut justitiæ opus. S. Irenée, liv. IV. ch. xvj. s’exprime ainsi : Circumcisionem non quasi justitiæ consummatricem, sed in signo eam dedit Deus, ut cognoscibile perseveret genus Abrahæ. Et Tertullien dans son ouvrage contre les Juifs, ch. ij. Si circumcisio purgat hominem, Deus Adam incircumcisum cum faceret, cur eum non circumcidit ; vel postquam deliquit, si purgat circumcisio ? S. Cyprien, liv. I. contre les Juifs, ch. viij. saint Chrysostome, homélie xxvij. sur la genes. S. Ambroise, épît. 72. S. Epiphane, héres. viij. Théodoret, Théophilacte, Œcuménius, enfin une foule de commentateurs & de Théologiens, sont de ce sentiment : les principales raisons dont ils l’appuient sont 1° que le péché originel étant commun aux deux sexes, il n’eût été ni de la sagesse ni de la bonté de Dieu de priver le sexe féminin du remede à ce péché : 2° pourquoi les Juifs auroient-ils interrompu l’usage de la circoncision pendant les quarante ans qu’ils voyagerent dans le desert, où il est probable que plusieurs moururent sans l’avoir reçûe ? pourquoi eût-il fallu attendre au huitieme jour, les enfans ne pouvoient-ils pas être surpris par la mort dans cet intervalle ? 3° ni Philon le Juif, ni les rabbins anciens & modernes qui affectent d’exalter la circoncision, ne lui ont jamais attribué la vertu d’effacer le péché originel.

L’autorité de S. Augustin n’est donc ici d’aucun poids : il lisoit ou dans les Septante on dans l’ancienne vulgate : tout enfant mâle dont la chair n’aura pas été circoncise le huitieme jour, sera exterminé de son peuple, parce qu’il a violé mon alliance. Mais ces mots, le huitieme jour, ne se lisent ni dans l’Hébreu ni dans notre vulgate qui est faite sur l’Hébreu. 2°. S. Augustin croyoit que ces mots, sera exterminé de son peuple, signifioient sera condamné à l’enfer ; & dans l’usage de l’Ecriture, & selon le sentiment commun des interpretes, ils signifient simplement, ou être puni de mort, ou être enlevé de ce monde par une mort précipitée, ou être séparé du corps des Israélites, ou être privé des graces & des prérogatives attachées à l’alliance de Dieu avec Abraham. 3°. C’est de cette derniere alliance qu’il s’agit uniquement dans ces mots, il a violé mon alliance, & non de celle que Dieu avoit faite avec nos premiers peres, & que nous avons tous violée dans la personne d’Adam, comme se le persuadoit S. Augustin, faute d’attention au texte du chap. xvij. de la genes. où le mot pactum, alliance, est répété jusqu’à huit fois, mais toûjours relativement aux engagemens que Dieu imposoit à Abraham.

Quoique la circoncision ne remît pas le péché originel, elle conféroit quelques graces, mais moins abondantes, moins efficaces que les graces de la loi évangélique. Elle ne les conféroit pas néanmoins par sa propre force, mais par les mérites & les bonnes dispositions de ceux qui la recevoient ou qui l’administroient, ex opere operantis, comme on parle dans l’école, & non pas ex opere operato, ainsi que ceux de la loi nouvelle ; c’est la doctrine du concile de Florence & du concile de Trente. Voyez la dissert. de dom Calmet sur les effets de la circoncision, à la tête de son commentaire sur l’épître aux Romains.

L’origine & l’usage de la circoncision chez d’autres peuples que les Hébreux, est facile à démontrer ; mais tous l’ont tirée d’Abraham & de ses descen-

dans. Ismaël chassé de la maison de ce patriarche,

la communiqua au peuple dont il fut le pere, c’est-à-dire aux Ismaélites & aux Arabes ; & de ceux-ci elle a été transmise aux Sarrasins, aux Turcs, & à tous les peuples qui professent la doctrine de Mahomet. Les Phéniciens & les Syriens la pratiquoient aussi. Sanchoniathon cité par Eusebe, préparat. évangél. liv. I. dit que Saturne qui est nommé Israël par les Phéniciens, n’ayant qu’un fils nommé Jeud, l’immola sur un autel qu’il avoit dressé à son pere dans le ciel ; & qu’ayant pris la circoncision, il contraignit tous ses soldats d’en faire de même. De-là est venu parmi les Phéniciens la coûtume qu’avoient les princes d’immoler leurs fils dans les plus pressantes nécessités de l’état ; & de-là vient aussi apparemment l’usage de la circoncision parmi ce peuple. Ce récit est visiblement l’histoire d’Abraham altérée par des fables, comme on en rencontre beaucoup de semblables dans les fragmens de Sanchoniathon, qu’Eusebe nous a conservés. Les Iduméens, quoique descendus d’Abraham & d’Isaac, ne se firent circoncire que depuis que Jean Hircan les eut subjugués, & forcés à recevoir la circoncision, comme Josephe le raconte, antiq. Jud. liv. XIII. ch. xvij.

Les Turcs ont une maniere de circoncire différente de celle des Juifs ; car après avoir coupé la peau du prépuce ils n’y touchent plus, au lieu que les Juifs déchirent en plusieurs endroits les bords de la peau qui restent après la circoncision : c’est pourquoi les Juifs circoncis guérissent plus facilement que les Turcs. Ceux-ci avant la circoncision pressent aussi la peau à plusieurs reprises avec de petites pinces, pour l’engourdir & diminuer la douleur : ils la coupent ensuite avec un rasoir, puis ils mettent sur la plaie quelques poudres qui la guérissent. Mais comme ils ne croyent pas cette cérémonie nécessaire au salut, ils ne la font à leurs enfans que quand ceux-ci ont atteint l’âge de 7 ou 8 ans. On voit dans les mémoires de l’Etoile sous l’année 1581, qu’Amurat III. voulant faire circoncire son fils aîné âgé d’environ quatorze ans, envoya un ambassadeur à Henri III. pour le prier d’assister à cette cérémonie, qui devoit se célébrer à Constantinople au mois de Mai de l’année suivante. Les ligueurs, & sur-tout leurs prédicateurs, prenoient occasion de cette ambassade d’appeller Henri III le roi Turc, & lui reprochoient qu’il étoit parrain du fils du grand-seigneur.

Les Persans ne circoncisent leurs enfans qu’à treize ans ; ainsi que les Arabes, en mémoire d’Ismael qui ne fut circoncis qu’à cet âge. Ceux de Madagascar coupent la chair à trois différentes reprises, & font beaucoup souffrir les enfans : celui des parens qui se saisit le premier du prépuce coupé, l’avale. Herrera parle d’une espece de circoncision en usage chez les Mexicains, quoiqu’ils n’eussent aucune connoissance du Judaïsme ni du Mahométisme : elle consistoit à couper le prépuce & les oreilles aux enfans si-tôt qu’ils étoient nés. En réchappoit-il beaucoup de cette opération ?

A l’égard de la circoncision des femmes, elle n’a jamais été en usage chez les anciens Hébreux, non plus que chez les Juifs modernes, mais seulement chez les Egyptiens, & dans quelques endroits de l’Arabie & de la Perse. S. Ambroise, lib. II. de Abraham. cap. xj. avance indéfiniment que les Egyptiens donnent la circoncision aux hommes & aux femmes au commencement de la quinzieme année ; & Strabon, liv. XVII. dit aussi que les femmes Egyptiennes reçoivent la circoncision. M. Huet dit à ce sujet des choses assez curieuses, dans une note Latine sur Origene que nous transcrirons ici : Circumcisio fæminarum fit resectione τῆς νυμφῆς (imo clitoridis), quæ pars in Australium præsertim mulieribus ita excrescit, ut ferro sit coercenda. Ita tradunt medici insignes, Paulus Ægi-