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vrage est véritablement une Encyclopédie, c’est en même tems un Dictionnaire & un Traité de tout ce que l’esprit humain peut desirer de savoir. Comme Dictionnaire, il présente tout sous la forme alphabétique ; comme Traité suivi & raisonné concernant les Sciences, il montre les rapports que les divers objets de nos connoissances peuvent avoir les uns avec les autres. Comme Dictionnaire, il est composé de parties séparées & même disparates ; comme Traité méthodique, il rapproche les différens morceaux qui composent le tout d’une science ; comme Dictionnaire, il donne d’abord des définitions élémentaires ; comme Traité doctrinal, il entre dans le détail de ce qu’il y a de plus profond & de plus digne de l’attention des curieux. Or voici comment cela s’exécute. On cherche, par exemple, Atmosphere, & l’on trouve que c’est une substance fluide élastique, que nous appellons air, & qui entoure le globe terrestre jusqu’à une hauteur considérable, qui gravite vers le centre & la superficie de ce même globe, &c. Comme il est ici parlé d’air, de terre, de gravitation, l’auteur renvoie aux articles du Dictionnaire où sont expliqués ces mots, & quantité d’autres qui ont rapport à l’atmosphere, par exemple, Ether, Ciel, Barometre, Thermometre, Réfraction, Vuide, Pompe, Pression, Syphon, &c.

» A en juger par le Prospectus que nous annonçons, & qui cite quatre articles pour servir de modeles, savoir, Atmosphere, Fable, Sang, Teinture ; il n’est rien de plus utile, de plus fécond, de mieux analysé, de mieux lié, en un mot de plus parfait & de plus beau que ce Dictionnaire ; & tel est le présent que M. Mills fait à la France, sa patrie par adoption, en faisant honneur à l’Angleterre sa vraie patrie ».

Il est vrai que le même auteur, après avoir donné tant de louanges au simple projet (qu’on peut lire) de la traduction Françoise de Chambers, entreprise par un Anglois aidé d’un Allemand, n’a pas annoncé de la même maniere au mois de Décembre 1750 la nouvelle Encyclopédie, entreprise & exécutée par une Société de Gens de lettres, qui à la vérité ne sont point une conquête de la France sur l’Angleterre. Nous ne chercherons point ici les motifs d’une pareille conduite. Nous sommes encore plus éloignés de réclamer en faveur de l’Encyclopédie Françoise les éloges qu’on vient de lire, & que nous regardons comme excessifs ; nous croyons seulement que celle-ci méritoit un traitement plus favorable. Mais Chambers étoit mort & étranger.

L’article Atmosphere est un des quatre que le projet de la traduction de Chambers offroit pour modele. Il a été conservé dans l’Encyclopédie Françoise avec deux additions de quelque conséquence. Nous supplions nos lecteurs de le comparer avec une foule d’autres articles, & de juger. Nous voudrions engager jusqu’aux détracteurs les plus ardens de cet Ouvrage à essayer du moins le parallele des deux Encyclopédies. C’est une invitation qu’on nous permettra de leur faire en passant, & que nous croyons devoir à la vérité, à nos Collegues, à notre nation, & à nous-mêmes.

Si nous avons quelque chose à nous reprocher, c’est peut-être d’avoir suivi trop exactement le plan de Chambers, sur-tout par rapport à l’Histoire, & de n’avoir pas toûjours été assez courts sur cet article. Il y a beaucoup d’apparence que plus ce Dictionnaire se perfectionnera, plus il perdra du côté des simples faits, & plus il gagnera au contraire du côté des choses, ou du moins du côté des faits qui y menent.

Il pourra, par exemple, être fort riche en Physique générale & en Chimie, du moins quant à la partie qui regarde les observations & l’expérience ; car pour ce qui concerne les causes, il ne sauroit être au contraire trop réservé & trop sage ; & la devise de Montagne[1] à la tête de presque tous les articles de ce genre, seroit ordinairement très-bien placée. On ne se refusera pourtant pas aux conjectures, sur-tout dans les articles dont l’objet est utile ou nécessaire, comme la Medecine, où l’on est obligé de conjecturer, parce que la nature force d’agir en empêchant de voir. La Métaphysique des Sciences, car il n’en est point qui n’ait la sienne, fondée sur des principes simples & sur des notions communes à tous les hommes, fera, nous l’espérons, un des principaux mérites de cet Ouvrage. Celle de la Grammaire sur-tout, & celle de la Géométrie sublime seront exposées avec une clarté qui ne laissera rien à desirer, & que peut-être elles attendent encore. A l’égard de la Métaphysique proprement dite, sur laquelle on croit s’être trop étendu dans les premiers volumes, elle sera réduite dans les suivans à ce qu’elle contient de vrai & d’utile, c’est-à-dire à très-peu de chose. Enfin dans la partie des Arts, si étendue, si délicate, si importante, & si peu connue, l’Encyclopédie commencera ce que les générations suivantes finiront ou perfectionneront. Elle fera l’histoire des richesses de notre siecle en ce genre ; elle la fera à ce siecle qui l’ignore, & aux siecles à venir, qu’elle mettra sur la voie pour aller plus loin. Les Arts, ces monumens précleux de l’industrie humaine, n’auront plus à craindre de se perdre dans l’oubli ; les faits ne seront plus ensevelis dans les atteliers & dans les mains des Artistes ; ils

  1. Que sai-je ?