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vre ou un auteur sont souvent confondus avec un autre.

Pour ce qui regarde les regles de citation & d’interprétation pratiquées par les rabbins, il en rapporte dix, qu’il a recueillies après une étude profonde du talmud & des anciens docteurs Juifs, dont il donne des exemples tirés des écrits des apôtres ; & par ces regles il tâche d’expliquer & de justifier toutes les citations de l’ancien Testament employées dans le nouveau. Ces regles sont 1°. de lire les mots, non pas suivant les points qui sont placés au-dessous, mais suivant d’autres qu’on leur substitue, comme ont fait S. Pierre, act. ch. iij. vers. 3. S. Etienne, act. ch. vij. vers. 47. & S. Paul, 1. Corinth. ch. xv. vers. 54. & 2. Corinth. ch. viij. vers. xv. La seconde est de changer les lettres, comme a fait S. Paul, Rom. ch. jx. vers. 33. I. Corinth. ch. xj. vers. 9. & ch. x. vers. 5. & S. Etienne, act. vij. vers. 43. La troisieme est de changer les lettres & les points, comme a fait S. Paul, act. ch. xiij. vers. 41. & II. Corinth. ch. viij. vers. 15. La quatrieme est d’ajoûter quelques lettres & d’en retrancher d’autres. La cinquieme est de transposer les mots & les lettres. La sixieme est de partager un mot en deux. La septieme, d’ajoûter d’autres mots pour rendre le sens plus clair. La huitieme, de changer l’ordre des mots. La neuvieme, de changer l’ordre des mots & d’en ajoûter d’autres : c’est ce qu’ont fait les apôtres, dit M. Surenhusius, par rapport aux deux dernieres regles. Et la dixieme enfin, c’est de changer l’ordre des mots, d’en ajoûter quelques-uns, & d’en retrancher d’autres ; & c’est selon le même auteur la méthode que S. Paul a suivie fort souvent.

D’autres auteurs, comme l’évêque Kidder, M. Leclerc, & M. Sike, levent la difficulté d’une maniere satisfaisante à certains égards, mais dangereuse à d’autres. Selon eux, cette forme ordinaire de citation dont se servent les évangélistes, afin que ce que les prophetes ont annoncé fût accompli, ne signifie rien de plus qu’une maniere d’adapter les passages des prophetes au cas présent par un sens d’accommodation : principe trop général, & qui demande des exceptions ; on en verra un exemple ci-dessous. Le mot πληρωθὴ, accompli, ne nous détermine pas, ajoûtent-ils, à un tel sens, comme si les évangélistes avoient dessein de dire que la prédiction des évenemens futurs est accomplie ; mais il exprime seulement qu’on a ajusté les termes qu’on a cités. Si cette raison avoit lieu, il n’y a point de prophétie qu’on ne pût nier avoir été accomplie à la lettre dans Jesus-Christ. Mais pour la faire passer, l’évêque Kidder remarque qu’on peut dire que l’Ecriture est accomplie en deux manieres ; proprement, comme quand la chose prédite arrive ; & improprement, dans un sens d’accommodation, comme quand il arrive dans quelque lieu à quelqu’un quelque chose qui est déjà arrivé quelque tems auparavant, ailleurs & à une autre personne. C’est ainsi, ajoûte-t-il, que S. Matthieu dit à l’occasion du massacre des Innocens, qu’alors fut accompli ce qui avoit été dit par le prophete Jéremie : Une voix se fit entendre dans Rama, &c. L’exemple est bien choisi, mais le principe est trop vague, & n’est pas applicable aux prophéties littéralement accomplies dans Jesus-Christ ; & il s’en trouve un très-grand nombre de cette espece dans l’Evangile.

Cette interprétation de l’évêque Kidder est confirmée par M. Leclerc, qui remarque que les Juifs ont coûtume de dire dans leur langue qu’un passage de l’Ecriture est accompli, toutes les fois qu’il arrive une chose à laquelle on peut l’appliquer ; de sorte que S. Matthieu qui étoit Hébreu, & qui écrivit (comme on le suppose communément) en cette langue, ne vouloit dire autre chose dans le passage qu’on

vient de citer, sinon qu’il étoit arrivé une chose à laquelle on pouvoit appliquer ce que Jéremie avoit dit dans une autre occasion. M. Sike abusant du principe de M. Leclerc, avance qu’en citant ce passage d’Isaïe, une Vierge enfantera, &c. les évangélistes ne se proposent que de rapporter ces mots du prophete, qui conviennent fort bien à la naissance de J. C. mais non comme une prophétie de sa naissance. Ce sentiment de M. Sike n’est pas nouveau ; Grotius l’avoit imaginé, & M. Richard Simon l’a soûtenu : mais M. Bossuet en a pleinement démontré la fausseté, aussi-bien que le P. Balthus Jésuite, dans le savant ouvrage intitulé défense des prophéties, qui parut en 1738, & auquel nous renvoyons le lecteur. On peut encore consulter à ce sujet Maldonat, dans son commentaire sur le ij. ch. de S. Matthieu, où il donne quatre regles pour juger des citations, & discerner les prophéties accomplies littéralement dans Jesus-Christ, d’avec celles qui n’y ont été accomplies que dans un sens d’accommodation : regles simples, beaucoup plus sûres, & moins équivoques que celles des trois derniers auteurs Protestans dont nous venons de parler. (G)

Il ne sera pas inutile de rapporter ici quelques usages en matiere de citations, soit théologiques, soit de jurisprudence.

Parmi les livres sapientiaux de l’Ecriture sainte, il y en a un qui a pour titre l’ecclésiaste, ἐκκλησιαστὴς, concionator, & un autre appellé l’ecclésiastique, ἐκκλησιαστικὸς, ecclesiasticus, concionalis : quand on cite le premier, on met en abregé eccle. au lieu que quand on rapporte un passage du second, on met eccli. ensuite on ajoûte le chap. & le vers.

Comme la somme de S. Thomas est souvent citée par les Théologiens, il faut observer que cette somme contient trois parties, & que la deuxieme partie est divisée en deux parties, dont la premiere est appellée la premiere de la deuxieme, & la deuxieme s’appelle la deuxieme de la deuxieme. Chaque partie est divisée en questions, chaque question en articles ; chaque article commence par les objections, ensuite vient le corps de l’article, qui contient les preuves de l’assertion ou conclusion ; après quoi viennent les réponses aux objections, & cela par ordre, une réponse à la premiere objection, &c. Il est facile maintenant de comprendre la maniere de citer S. Thomas : s’il s’agit d’un passage de la premiere partie, après avoir rapporté le passage, on met par ex. I. p. q. 1. a. j. c’est-à-dire, primâ parte, quæstione prima, articulo primo. Si le passage est tiré du corps de l’article où sont contenues les preuves, on ajoûte in c. ce qui signifie in corpore articuli.

Si le passage est pris de la réponse aux objections, on cite ad 1. c’est-à-dire à la réponse à la premiere objection ; ainsi de la deuxieme objection, de la troisieme, &c.

A l’égard de la deuxieme partie de la somme de S. Thomas, comme elle est divisée en deux parties, si le passage est tiré de la premiere partie, on met un I, & un 2. c’est-à-dire, in primâ parte secundæ partis.

Si le passage est tiré de la seconde partie de cette seconde partie, on met II. 2. c’est-à-dire, secundâ secunda, dans la soû-division ou deuxieme partie de la deuxieme partie de la somme de S. Thomas. (F)

Citations de Droit, (Jurisprud.) sont les textes de droit que l’on indique pour appuyer ce qui est avancé.

Les citations fréquentes en plaidant furent introduites sous le président de Thou. Pasquier, en parlant des avocats de ce tems, dit que erubescebant sine lege loqui : ils citoient non-seulement des textes de droit, mais aussi les historiens, les orateurs, les