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poëtes, & la plûpart de ces citations étoient souvent inutiles & déplacées.

Les jurisconsultes du xvj. siecle sont tombés dans le même excès par rapport aux citations ; leurs écrits en sont tellement chargés, que l’on y perd de vûe le fil du discours, & l’on y trouve beaucoup plus de citations que de raisonnement.

Quelques-uns tombent présentement dans un autre excès, soit en plaidant, soit en écrivant ; ils ont honte de citer, & sur-tout des textes Latins, qui semblent être aujourd’hui moins familiers qu’autrefois. Ce genre d’érudition est regardé par certaines gens comme un bagage d’antiquité dont on ne doit plus se charger : c’est une opinion que l’ignorance a enfantée, & que la paresse nourrit. On ne doit pas recourir à des citations peu convenables au sujet, ni s’arrêter à prouver ce qui n’est pas contesté ; mais il est toûjours du devoir de l’avocat & du jurisconsulte de citer les lois & autres textes qui établissent une proposition controversée ; il doit seulement user modérément des citations, ne pas en surcharger son discours, & faire choix de celles qui sont les plus précises & les plus frappantes.

Comme les citations de Droit sont ordinairement écrites en abregé, nous les allons exposer ici pour en donner l’intelligence.

Citations du Droit civil.
Ap. Justin. ou institut., signifie aux institutes.
D. ou ff. aux digestes.
Code ou c. au code.
Cod. Théod. au code Théodosien.
Cod. repet. prælect. repetitæ prælectiones.
Authent. ou auth. dans l’authentique.
Leg. ou l. dans la loi.
§. ou parag. au paragraphe.
Novel. dans la novelle.
Novel. Leon. novelles de l’empereur Léon.
Argum. leg. par argument de la loi.
Glos. dans la glose.
H. t. en ce titre.
Eod. tit. au même titre.
In p. ou in princ. au commencement.
In f. à la fin.
Citations du Droit canon.
C. ou can. au canon.
Cap. au chapitre.
Caus. dans une cause de la seconde partie du decret de Gratien.
De cons. dans la troisieme partie du decret qui traite de la consécration.
De pan. au traité de la pénitence qui est dans la seconde partie du decret.
Dist. dans une distinction du decret de Gratien.
Ex. ou extra. c’est dans les decrétales de Grégoire IX.
Ap. Greg. IX. dans les mêmes decrétales.
Extrav. Joan. dans une des extravagantes, ou constitutions de Jean XXII.
Extrav. comm. dans les extravagantes communes.
In sexto ou in 6. dans la collection de Boniface VIII. appellée le sexte.
Ap. Bon. ou appendix Bonifacii, dans le sexte.
Q. qu. ou quæst. question.
℣. ou vers. au verset. (A)

Citation en jugement, (Jurisp.) que l’on appelloit chez les Romains in jus vocatio, revenoit à-peu-près à ce que l’on appelle parmi nous ajournement ou assignation. On ne voit point de quelle maniere se faisoient ces sortes de citations du tems des rois & des premiers consuls ; mais on voit que par la loi des douze tables il étoit ordonné au défendeur de suivre le demandeur lorsqu’il vouloit le conduire

devant le juge. Dans la suite cette procédure changea de forme ; car long-tems avant Justinien il n’étoit plus permis de citer verbalement son adversaire en jugement : il falloit dès-lors que l’assignation fût libellée, comme cela s’observe parmi nous, & l’on convenoit du jour auquel on devoit se présenter devant le juge.

Il n’étoit pas permis de citer en jugement toutes sortes de personnes ; on en exceptoit les magistrats de Rome, sur-tout les consuls, les préteurs, le préfet de la ville, & autres qui étoient qualifiés magistratus urbani. Il en étoit de même des magistrats de province tant qu’ils étoient en charge, d’un pontife, & des juges pedanées, pendant qu’ils exerçoient leurs fonctions ; de ceux qui gardoient quelque lieu consacré par la religion : ceux qui recevoient les honneurs du triomphe, ceux qui se marioient, ceux qui faisoient les honneurs d’une pompe funebre, ne pouvoient être inquiétés pendant la cérémonie ; enfin ceux qui étoient sous la puissance d’autrui, ne pouvoient être cités en jugement qu’ils ne fussent jouissans de leurs droits.

Les peres, les patrons, les peres & les enfans des patrons, ne pouvoient, suivant le droit naturel, être cités en jugement par leurs enfans ou leurs affranchis sans une permission du juge, autrement le demandeur étoit condamné à payer cinquante sesterces.

Il falloit même, suivant le droit civil, une semblable permission du préteur pour citer en jugement quelque personne que ce fût, sans quoi le défendeur avoit action à ce sujet contre le demandeur ; mais si le préteur autorisoit dans la suite la citation, il n’y avoit plus d’action contre le demandeur.

La citation en jugement étoit quelque chose de plus fort qu’une simple action. Voyez le titre du digeste de in jus vocando. Le thrésor de Brederode au mot citare. L’hist. de la jurisprud. Rom. par M. Terraison, p. 94. & 95.

Citation, (Jurisprud.) est aussi un ajournement qui se donne par un appariteur, pour comparoître devant un juge d’église.

Les citations générales sont abusives ; elles doivent être libellées, & les causes exprimées.

Un laïc cité devant un juge d’église, pour une cause qui n’est pas de sa compétence, peut interjetter appel comme d’abus de la citation. Voyez Appariteur, & Tournet, let. c. n. 75. Stokmans, décis. 116. Bibliot de Bouchel, aux mots appellations, citations, violences, & roi des ribauds. Bibliotheque canonique, tome I. p. 250. col. 1. & 263. col. 2. Dufail, liv. I. ch. clxxxxvj. Basset, tome I. liv. I. tit. viij. chap. j. & iij. Filleau, jv. part. quæst. 49. Le dixieme plaidoyer de Gautier, tome II.

Les sujets du Roi ne peuvent être cités en cour de Rome. Mémoires du clergé, premier édit. tome I. part. I. p. 908. Bouchel, au mot citation. Tournet, let. c. n. 74. tome I. des preuves des libertés, chap. jx. n. 8. (A)

*CITÉ, s. f. (Politiq.) est la premiere des grandes sociétés de plusieurs familles, où les actes de la volonté & l’usage des forces sont résignés à une personne physique ou à un être moral, pour la sûreté, la tranquillité intérieure & extérieure, & tous les autres avantages de la vie. Voyez Société & Famille. La personne physique, ou l’être moral dépositaire des volontés & des forces, est dite commander ; les personnes qui ont résigné leurs volontés & leurs forces, sont dites obéir. L’idée de cité suppose donc le rapport d’une personne physique ou d’un être moral public qui veut seul, à des êtres physiques privés qui n’ont plus de volonté. Toute cité a deux origines ; l’une philosophique, l’autre historique. Quant à la premiere de ces origines, il y en a qui