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C’est en effet cet arbre admirable, toûjours verd, que le printems confondu pour ainsi dire avec l’automne, présente à nos yeux chargé de fleurs & de fruits, dont les uns tombent par la maturité, tandis que d’autres commencent à mûrir, & d’autres commencent seulement à paroître. Rival de l’oranger, & méritant peut-être la préférence, il n’en differe que par son fruit & par ses feuilles qui sont larges & roides comme celles du laurier, mais sans talon.


Ipsa ingens arbos, faciemque simillima lauro :
Et si non alium latè jactaret odorem,
Laurus erat : folia haud ullis labentia ventis :
Flos apprimè tenax : animas, & olentia Medi
Ora fovent illo, & senibus medicantur anhelis.

Virg. II. Georg. v. 131.

« L’arbre dont je parle, originaire de la Médie, s’éleve fort haut, & ressemble au laurier. Si l’odeur qu’il répand n’étoit pas différente, on pourroit aisément le confondre avec le laurier. Ses feuilles résistent au souffle des aquilons, & sa fleur est fort adhérente aux branches où elle est attachée. Les Medes s’en servent pour mettre dans la bouche une odeur agréable, & pour fortifier les vieillards asthmatiques ».

Sa description. (Geoffroi, mat. med.) Il est médiocrement haut dans nos jardins. Sa racine est branchue, & s’étend en tous sens : elle est ligneuse, & couverte d’une écorce jaune en-dehors, blanche en-dedans. Son tronc n’est pas fort gros ; son bois est blanc & dur ; son écorce est d’un verd pâle. Ses branches sont nombreuses, longues, grêles, & fort pliantes ; les plus vieilles sont d’une couleur verte jaunâtre, & garnies de pointes blanchâtres : celles qui sont jeunes, sont d’un beau verd gai ; l’extrémité des branches & des feuilles est fort tendre, & d’un rouge brun.

Ses feuilles approchent de la grandeur de celles du noyer ; elles sont souvent mousses, quelquefois pointues, & presque trois fois plus longues que larges ; plus vertes en-dessus qu’en-dessous, legerement dentelées en leur bord, garnies de veines qui viennent de la côte épaisse qui est dans le milieu, quelquefois ridées & comme bosselées ; elles sont en grand nombre, & durent pendant tout l’hyver, d’une bonne odeur, ameres : elles paroissent percées de trous, ou plûtôt parsemées de points transparens, quand on les regarde au soleil, de même que celles du millepertuis. La plûpart des feuilles ont une épine contiguë à la partie supérieure, & voisine du bourgeon : la pointe de cette épine est rougeâtre, verte dans le reste, fort roide, & assez longue.

Ses fleurs sont en grand nombre au sommet des rameaux, où elles forment comme un bouquet ; elles sont en rose, composées le plus souvent de cinq pétales charnus, disposés en rond & refléchis, parsemés de rouge en-dehors, blancs dans tout le reste ; soûtenus par un petit calice verd, découpé en cinq quartiers, renfermant beaucoup de filets d’étamines blanchâtres, & surmontés d’un sommet jaune. Ces fleurs ont une odeur foible, & sont d’abord douçâtres, ensuite ameres : les unes sont fertiles, ayant au milieu des étamines un pistil longuet, qui est l’embryon du fruit ; & les autres sont stériles, étant sans pistils : celles-ci tombent bientôt, & les autres subsistent.

Ses fruits sont souvent oblongs, quelquefois sphériques, d’autrefois pointus à leur sommet, quelquefois mousses ; leur superficie est ridée & parsemée de tubercules : souvent ils ont neuf pouces de longueur, & quelquefois davantage ; car ils varient en grandeur & en pesanteur. Quelques-uns pesent jusqu’à six liv.

Leur écorce extéieure est comme du cuir, mince, amere, échauffante, verte dans le commence-

ment, de couleur d’or dans la maturité, d’une odeur

pénétrante. Leur écorce intérieure ou la chair, est épaisse & comme cartilagineuse, ferme, blanche, douçâtre, un peu acide, & légerement odorante, partagée intérieurement en plusieurs loges pleines d’un suc acide contenu dans des vésicules membraneuses.

Enfin chaque fruit contient beaucoup de graines. Quelques-uns en ont plus de cent cinquante, renfermées dans la moelle vésiculaire. Elles sont oblongues, d’un demi-pouce de longueur, ordinairement pointues des deux côtés, couvertes d’une peau un peu dure & membraneuse, amere, jaune en-dehors, cannelée, & renfermant une amande blanche, mêlée d’amertume & de douceur.

Son origine. Le citronnier, comme le prouvent ses noms latins, a été d’abord apporté de l’Assyrie & de la Médie en Grece, de-là en Italie & dans les provinces méridionales de l’Europe. On le cultive en Sicile, en Portugal, en Espagne, en Piémont, en Provence, & même dans quelques jardins du nord, où il donne des fruits, mais bien inférieurs à ceux des climats chauds. On cultive encore cet arbre à la Chine, aux Indes orientales & occidentales, & en Amérique, au rapport du chevalier Hans-Sloane. Voyag. à la Jam. tom. II. pag. 176.

Ses especes. Les Botanistes en distinguent une dixaine d’especes principales, quoiqu’ils n’ignorent pas que les jardiniers de Genes, qui en est la grande pepiniere pour l’Europe, sont si curieux d’étendre cette variété, qu’ils l’augmentent tous les jours.

L’espece de citronnier la plus estimée est celle de Florence, dont chaque citron se vend à Florence même cinquante sous de notre monnoie : on en envoye en présent dans les différentes cours de l’Europe. Cette espece particuliere ne peut venir dans sa perfection, que dans la plaine qui est entre Pise & Livourne ; & quoiqu’on ait transporté ces sortes de citronniers du lieu même en divers autres endroits choisis d’Italie, ils perdent toûjours infiniment de cet aromate, de cette finesse de goût que leur donne le terroir de ces plaines.

Son usage chez les Romains. On ne mangeoit point encore de citron du tems de Pline ; & Plutarque rapporte qu’il n’y avoit pas long-tems qu’on en faisoit usage en qualité d’aliment lorsqu’il vint au monde. Au rapport d’Athenée, on regardoit alors les citrons comme une chose d’un très-grand prix ; on en enfermoit avec des hardes pour les garantir des teignes, & leur donner en même tems une odeur agréable : c’est de-là sans doute que vient le nom de vestis citrosa. On mangeoit déjà le citron du tems de Galien, & Apicius nous a conservé la maniere dont on l’accommodoit.

Comme le citronnier est ensuite par-tout devenu très-commun, on trouve dans les ouvrages des modernes un nombre immense d’observations sur les vertus de cet arbre & de son fruit, dont plusieurs parties sont d’usage en medecine. Voyez Citron (Chimie.)

Il y a des citrons qui sont en même tems oranges, c’est-à-dire que certain nombre de côtes ou plûtôt de coins solides, continués jusqu’à l’axe du fruit, sont d’orange, & les autres de citron : ce nombre de côtes est non-seulement différent, mais quelquefois différemment mêlé en différens fruits. Est-ce un effet de l’art, ou sont-ce des especes particulieres (Hist. de l’acad. des Sc. 1711. & 1712.) ? Si c’est un effet de l’art, seroit-ce par des poussieres appliquées à des pistils étrangers que cette merveille arrive ? On pourroit le soupçonner sur des exemples approchans qui s’en trouvent chez quelques animaux, si l’analogie du regne animal au végétal étoit recevable en Physique. Ce seroit bien-là une maniere élé-