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gante d’avoir de nouvelles especes de fruit ; mais il faut attendre les expériences avant que de prononcer.

Il est parlé dans les éphémerides d’Allemagne (Ephem. N. C. dec. 1. ann. 9. obs. 3. dec. 2. ann. 2. obs. 11.) de citrons monstrueux en forme de main ; & le P. Dentrecolle (Lett. édifiantes, tom. XX. pag. 301.) a envoyé de la Chine la figure d’un citron nommé main de Dieu par les Chinois, & dont ils font grand cas pour sa beauté & pour son odeur. Ce fruit est tel par sa forme, qu’on croit voir les doigts d’une main qui se ferme ; & sa rareté a engagé les ouvriers Chinois à imiter ce fruit avec la moëlle du tong-stao, qu’ils tiennent en raison par divers fils de fer qui figurent les doigts. Le citron des curieux d’Allemagne venoit-il des semences de celui de la Chine, ou sa forme venoit elle de causes particulieres qui avoient changé son espece ?

Voici une autre singularité, ou plûtôt monstruosité bien plus étrange, dont parlent quelques auteurs. C’est d’un citron qui naît enfermé dans un autre, citrum in citro : mais d’abord il faudroit l’avoir vû ; & peut-être quand on l’auroit vû, en abandonner l’explication : car il ne s’agit pas dans le fait d’un fruit double ou gemeau, & qui se forme accouplé, lorsque deux boutons naissent d’une même queue si près l’un de l’autre, que les chairs se confondent à cause de leur trop grande proximité. C’est ici, dit-on, un citron qui sort du centre de l’autre, ou plûtôt c’est ici peut-être un fait mal vû & mal rapporté. Ceux qui en donnent l’explication par l’abondance de la séve, n’expliquent point le phénomene, parce qu’on ne comprend pas que la force & la fécondité de la seve produisent de soi un citron contenu dans un autre, sans l’entremise de sa queue, de sa fleur, & de tous les organes dans lesquels la matiere de la production ordinaire du fruit est préparée.

Du bois de citronnier des anciens. Il me reste à parler du bois de citronnier des anciens, qui étoit très-rare & très-estimé à Rome. Il falloit être extrèmement riche & magnifique pour en avoir seulement des lits, des portes, ou des tables ; c’est pourquoi Pline a écrit : on employe rarement le bois de cet arbre pour les meubles, même des plus grands seigneurs. Cicéron en avoit une table, qui avoit coûté deux mille écus. Asinius Pollio en avoit acheté une trente mille livres ; & il y en avoit de plus de quarante mille écus : ce qui faisoit cette différence de prix, c’étoit ou la grandeur des tables, ou la beauté des ondes & des nœuds. Les plus estimées étoient d’un seul nœud de racine.

La promesse qu’Horace fait à Venus de la part de aximus, Lib. IV. od. j.

Albanos prope te lacus
Ponet marmoream sub irabe citrea ;


« il vous dressera une statue de marbre dans un temple de bois de citronnier près du lac d’Albe » : cette promesse, dis-je, n’est pas peu considérable : car un temple boisé de citronnier, devoit être d’une prodigieuse dépense. Ce temple de Vénus n’auroit pourtant pas été le premier où l’on auroit employé de ce bois : on n’a qu’à lire pour s’en convaincre Théophraste, L. V. ch. v. & Pline, L. XII. ch. 16.

Nous voyons par ce détail que je dois au P. Sanadon, qu’il ne s’agit pas ici du bois de notre citronnier ; mais nous ignorons quel arbre étoit le citrea d’Horace, nous ne le connoissons plus.

Il est parlé dans l’Ecriture du bois almugim (III. liv. des Rois, ch. x. v. xj.), qui a aussi exercé tous les savans ; les uns prétendent que c’est le sabinier, d’autres l’acacia, & d’autres enfin entendent par almugim, des bois gras & gommeux : mais puisque c’étoit

un bois rare que la flotte d’Hiram apporta d’Ophir, & qu’on n’avoit jamais vû jusqu’à ce jour-là, l’opinion la plus vraissemblable est que c’étoit du bois de thuya, comme l’a traduit la vulgate, c’est-à-dire du bois de cedre d’Afrique ; parce que suivant toute apparence, le pays d’Ophir étoit la côte de Sophala en Afrique. Ainsi peut-être que le bois almugim ou le cedre d’Afrique, pourroit bien être le bois de citre d’Horace, si rare, si recherché par sa bonne odeur, ses belles veines, & sa durée.

Auteurs anciens. Les littérateurs peuvent consulter ici Dioscor. liv. I. c. cxxxj. Théophr. hist. plant. liv. IV. ch. jv. Athenée, liv. III. ch. vij. vilj. Pall. R. R. liv. IV. tit. x. liv. VIII. tit. iij. Plin. XII. iij. XV. xjv. xxviij. XVI. xxvj. XVII. x. XVIII. vj. Geop. liv. X. c. vij. viij. jx. Macrob. II. saturn. xv. Paulus, lib. I. c. viij. l. VII. c. iij. v. Solin. c. xlvj. salmasii exercit. Plin. 666. Apicius, l. I. c. xxj.

Auteurs modernes. Et parmi les modernes, Commelinus (Joh.), in Hesperidibus Belgicis. August-Vindel. 1676. fol. en Hollandois.

Ferrarius (Joh. Bapt.), Hesperides. Roma, 1646. fol. cum fig. belle impression ; figures encore plus belles ; ouvrage excellent ; édition originale.

Geoffroi, Mat. med. tom. VI. très-bon.

Grube (Herman), analysis mali citrei. Hafnia, 1668. in-8°. Ham. 1674. in-4°. compilation des plus médiocres.

Jovianus (Joh.), horti hesperidum, lib. II. Basilea, 1538. in-8°.

Lanzonus (Joseph), citrologia. Ferraria, 1690. in-12. Ce petit traité se retrouve dans le recueil de ses ouvrages.

Nati (Petri), observatio de malo limonia citratâ aurantiâ, vulgò la bisarria dicta. Florent. 1674. in-4°. figur.

Steerbeek (Franc.), citri cultura. Antuerp. 1682. in-4°. en Flamand, avec de belles figures.

Wolchammer (Jos. Christop.) hesperidum moriblib. IV. Noriberg. 1713. in-fol. C’est ici la traduction latine de l’ouvrage de cet auteur, qui fut d’abord publié en Allemand, & imprimé à Nuremb. en 1708. in-fol. bon.

On peut consulter Hoffman (Frider.), dans ses ouvrages sur l’utilité du citron en santé & en maladie.

Ferrari, entr’autres bonnes choses, a traité avec beaucoup d’érudition & de connoissances, de la culture du citronnier, qui intéresse la Botanique pratique. Cette culture demande à-peu-près les mêmes soins & la même méthode que celle de l’oranger, comme le remarque Miller. Voyez Oranger.

Nebelius a donné l’anatomie du citron ; & Seba, le squelette de la feuille de l’arbre. Ther. t. I. pl. 4. D’un autre côté M. Geoffroi, maître dans son art, a enseigné le procedé de tirer le sel essentiel du citron, en faisant évaporer le suc jusqu’à consistance de syrop clair. Il a aussi trouvé une troisieme maniere de tirer l’huile essentielle du citron, qu’il met au-dessus des deux méthodes dont nous avons parlé. Voyez les Mém. de l’acad. des Scienc. ann. 1721 & 1738. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

CITRON, subst. m. (Chim. Diete. Mat. med. Pharmac.) la pulpe ou la chair & le suc du citron, ses pepins & son écorce, fournissent différens remedes à la Medecine.

Le suc de citron doit être rapporté à la classe des substances végétales, muqueuses, & au genre de ces substances qui contiennent un excès d’acide qui les rend peu propres à subir la fermentation vineuse lorsqu’on les y expose sans mêlange, mais qui peuvent servir très-utilement à corriger des substances de la même classe, qui pechent au contraire relativement à l’aptitude à la fermentation vineuse par un défaut d’acide : le suc de citron est même un extrè-