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ques. Dans la république où l’on a pour principe la vertu, elle est moins nécessaire. Dans l’état despotique où regne la crainte, elle est moins en usage, parce qu’il faut contenir les grands de l’état par des exemples de sévérité. Dans les monarchies où l’on est gouverné par l’honneur, qui souvent exige ce que la loi défend, elle est plus nécessaire. La disgrace y est équivalente à la peine ; les formalités même des jugemens y sont des punitions. C’est-là que la honte vient de tous côtés pour former des genres particuliers de peines.

» Les grands y sont si fort punis par la disgrace, par la perte souvent imaginaire de leur fortune, de leur crédit, de leurs habitudes, de leurs plaisirs, que la rigueur à leur égard est inutile ; elle ne peut servir qu’à ôter aux sujets l’amour qu’ils ont pour la personne du prince, & le respect qu’ils doivent avoir pour les places.

» On disputera peut-être aux monarques quelque branche de l’autorité, presque jamais l’autorité entiere ; & si quelquefois ils combattent pour la couronne, ils ne combattent point pour la vie.

» Ils ont tant à gagner par la clémence, elle est suivie de tant d’amour, ils en tirent tant de gloire, que c’est presque toûjours un bonheur pour eux d’avoir occasion de l’exercer, & ils le peuvent presque toûjours dans nos contrées. »

C’est une heureuse prérogative dont ils joüissent, & le caractere d’une belle ame quand ils en font usage. Cette prérogative leur est utile & honorable, sans énerver leur autorité. Je ne connois point de plus beau trait dans l’oraison de Cicéron pour Ligarius, que celui où il dit à César, pour le porter à la clémence : « Vous n’avez reçû rien de plus grand de la fortune, que le pouvoir de conserver la vie ; ni rien de meilleur de la nature, que la volonté de le faire ». Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

* Clémence, (Myth.) Les anciens en avoient fait une divinité ; elle tenoit une branche de laurier d’une main, & une lance de l’autre. Le pié de sa statue fut un asyle dans Athenes. On lui dédia dans Rome un temple & des autels après la mort de Jules César. Sa figure se voit sur les monnoies de Tibere & de Vitellius. Elle est-là bien mal placée.

CLEMENTE, (St) Géog. mod. ville d’Espagne dans la Manche.

CLEMENTIN, s. m. (Hist. eccles.) terme en usage parmi les Augustins, pour désigner un religieux qui après avoir été neuf ans supérieur, cesse de l’être & redevient simple religieux, soûmis comme les autres à l’autorité d’un supérieur.

Ce mot vient de ce qu’un pape, du nom de Clément, défendit par une bulle qu’aucun supérieur des Augustins conservât son emploi plus de neuf ans de suite. Dict. de Trévoux. (G)

CLEMENTINES, adj. fém. pris subst. (Jurispr.) On entend ordinairement sous ce nom un recueil des decrétales du pape Clément V. fait par l’autorité du pape Jean XXII. son successeur.

Clément V. avoit fait une compilation, tant des decrets du concile général de Vienne, auquel il avoit présidé, que de ses épîtres & constitutions ; mais sa mort arrivée le 20 Avril 1314, l’ayant empêché de publier cette collection, Jean XXII. son successeur la publia en 1317 sous le nom de clémentines, & l’adressa aux universités.

Elles sont divisées en cinq livres, où les matieres du droit canonique sont distribuées à-peu-près suivant le même plan que les decretales de Grégoire IX. Voyez Decrétales.

Clémentines est aussi le nom que l’on donne quelquefois à un recueil de plusieurs pieces anciennes, qui sont de prétendus canons & constitutions des apôtres, & autres pieces apocryphes attribuées faus-

sement à S. Clément, évêque de Rome. Voyez Cotelier, en son recueil des ouvrages des peres, des tems apostoloques. Dupin, Bibliot. des auteurs ecclésiastiques. Ceillier, hist. des ant. sacr. & ecclés. (A)

CLEMPENOW, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne dans la Poméranie.

CLÉOBIENS, s. m. pl. (Théologie.) secte des Simoniens dans le premier siecle de l’Église. Elle s’éteignit presque dans sa naissance. Hegesippe & Théodoret, qui en parlent, ne spécifient point par quels sentimens les Cléobiens se distinguerent des autres. On croit qu’ils ont eû pour chef un nommé Cléobe, compagnon de Simon, & qu’il avoit composé avec cet hérésiarque divers livres sous le nom de Jesus-Christ, pour tromper les Chrétiens. Hegesippe, apud Euseb. liv. IV. ch. xxij. ant. constit apost. M. Dupin, Bibliot. des aut. ecclés. des trois premiers siecles. Les Dict. de la Bible, de Trév. & Chambers.

CLEPSIAMBE, s. m. (Hist. anc.) instrument de Musique ancien, dont on ne connoit que le nom.

CLEPSYDRE, s. f. (Phisico-Mathémat.) espece d’horloge à eau, ou vase de verre qui sert à mesurer le tems par la chûte d’une certaine quantité d’eau. Voyez Horloge, &c.

Ce mot vient de κλέπτω, condo, je cache ; & ὕδωρ, aqua, eau.

Il y a aussi des clepsydres de mercure. Les Egyptiens mesuroient par cette machine le cours du soleil. Tichobrahé en a fait usage de nos jours pour mesurer le mouvement des étoiles, &c. & Dudley dans toutes les observations qu’il a faites à la mer.

L’usage des clepsydres est fort ancien ; elles ont été inventées en Egypte sous le regne des Ptolemées ; on s’en servoit sur-tout l’hyver, les cadrans solaires étant plus d’usage l’été. Elles ont deux grands défauts, l’un que l’eau coule avec plus ou moins de facilité, selon que l’air est plus ou moins dense ; l’autre, que l’eau s’écoule plus promptement au commencement qu’à la fin.

M. Amontons a proposé une clepsydre qui n’est sujette, selon lui, à aucun de ces deux inconvéniens, & qui a l’avantage de servir d’horloge comme les clepsydres ordinaires, de servir en mer à la découverte des longitudes, & de mesurer les mouvemens des arteres : mais cette clepsydre n’est point en usage.

Construction d’une clepsydre. Il faut pour cela diviser un vaisseau cylindrique en parties qui puissent se vuider dans des divisions de tems marquées ; les tems dans lesquels le vaisseau total & chaque partie doivent se vuider étant donnés. Supposons par exemple un vaisseau cylindrique, tel que l’eau totale qu’il contient, doive se vuider en douze heures, & qu’il faille diviser en parties dont chacune mette une heure à se vuider. 1°. Dites : comme la partie du tems 1 est au tems total 12, ainsi le même tems 12 est à une 4° proportionnelle 144. 2°. Divisez la hauteur du vaisseau en 144 parties égales, & la partie supérieure tombera dans la derniere heure, les trois suivantes dans l’avant-derniere, les cinq voisines dans la dixieme, &c. enfin les vingt-trois d’en-bas dans la premiere heure. Car puisque les tems croissent suivant la série des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, &c. & que les hauteurs sont en raison des quarrés des nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, &c. pris dans un ordre rétrograde depuis la douzieme heure, les hauteurs composées depuis la douzieme heure, seront comme les quarrés des tems 1, 4, 9, 16, 25, &c. d’où il s’ensuit que le quarré 144 du nombre de divisions du tems, doit être égal au nombre de parties de la hauteur du vaisseau qui doit se vuider. Or la liqueur descend d’un mouvement retardé, & l’expérience prouve qu’un fluide qui s’échappe d’un vase cylindrique a une vîtesse qui est à-peu-près comme la racine quarrée de la hauteur du fluide, de sorte