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par la chaleur : les habitans des climats froids soûtiennent mieux les veilles.

Pour ce qui regarde la derniere de nos six choses non-naturelles, les affections de l’ame, animi pathemata ; quand même la Medecine seroit venue à-bout de déterminer exactement celles qui sont propres à chaque climat, & même qu’elle auroit gradué sur l’échelle du thermometre, ce qui peut s’exécuter très-facilement, l’intensité salutaire de chacune, il resteroit encore à découvrir la façon de les exciter & de les entretenir sous les diverses températures ; ce qui est très-possible encore, quoique d’une exécution peu commode : mais la morale medicinale n’en est pas encore là, malgré les progrès qu’elle vient de faire tout récemment. Voyez Passion (Medec.), voyez Régime.

Au reste, la plûpart des observations que nous venons de faire sur le régime propre aux climats, convient à-peu-près dans le même sens aux saisons. Voyez Saison.

3°. Quelles sont les maladies particulieres aux différens climats, & leurs causes ? Voyez Maladies endémiques au mot Endémique.

4°. Les maladies générales ou communes à toutes les nations, varient-elles sous les différens climats dans leurs progrès & dans leur terminaison, ou dans l’ordre & la succession de leurs accidens & de leurs crises ? en un mot ont-elles un type différent ? le traitement de ces maladies doit-il varier aussi dans les divers climats ; ou, au contraire, une maladie générale, une pleurésie, une fievre putride, est-elle la même à Londres & à Rome ? les descriptions d’Hippocrate peignent-elles exactement une maladie de Paris ? &, ce qui est bien plus essentiel, faut-il traiter une même maladie par la même méthode dans tous les climats ? Voyez Crise, voy. Type (Medecine.), voyez Méthode curative.

Le climat agit plus sensiblement sur les corps qu’il affecte par une impression soudaine, c’est-à-dire que les hommes nouvellement transplantés sont plus exposés aux incommodités qui dépendent du climat, que les naturels de chaque pays, & cela d’autant plus que leur climat naturel differe davantage de la température du nouveau pays qu’ils habitent.

C’est une observation constante & connue généralement, que les habitans des pays chauds peuvent passer avec moins d’inconvéniens dans des régions froides, que les habitans de celles-ci ne peuvent s’habituer dans les climats chauds. (b)

CLIMATÉRIQUE, voyez Climactérique.

CLIMAX, (Belles-lett.) du Grec κλιμαξ, gradation ; figure de Rhétorique par laquelle le discours s’éleve ou descend comme par degrés : telle est cette pensée de Cicéron contre Catilina : Nihil agis, nihil moliris, nihil cogitas, quod ego non audiam, non videam, planeque sentiam ; tu ne fais rien, tu n’entreprends rien, tu ne penses rien, que je n’apprenne, que je ne voye, dont je ne sois parfaitement instruit : ou cette invitation à son ami Atticus : Si dormis, expergiscere ; si stas, ingredere ; si ingrederis, curre ; si curris, advola : ou ce trait contre Verrès : C’est un forfait que de mettre aux fers un citoyen Romain ; un crime, que de le faire battre de verges ; presqu’un parricide, que de le mettre à mort ; que dirai-je de le faire crucifier ? (G)

CLINCART, s. m. (Marine.) on appelle ainsi certains bateaux plats qui sont en usage en Suede & en Danemark. Dict. de Trév. & du Comm.

* CLINCHE, s. m. (Serrur.) c’est dans une serrure une piece appliquée au-dessus du pesle & de sa longueur ; elle a une tête qui sort hors du palatre & entre dans le mantonet ; elle est arrêtée avec un étochio par l’autre bout au bas du palatre ; au-dessus il y a un ressort double qui tient toute la longueur du pa-

latre, & qui sert à faire tomber le clinche dans le mantonet : quand on ouvre la porte, le clinche s’ouvre avec une petite clé, pour éviter de porter la grosse clé : mais quand on ouvre avec la grosse clé, la grosse clé ouvre le clinche, qu’elle attrape par une barbe qu’on y a pratiquée. On pratique un clinche aux serrures des portes-cocheres.

CLINGEN, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne dans la Thuringe.

CLINGENAW, (Géog mod.) ville de Suisse dans le canton de Bade, sur l’Aar.

CLINIQUE, adj. (Medecine.) épithete commune à la Medecine, & aux Medecins, à l’Art & aux Artistes, se donnant également à l’un & à l’autre.

On appelle Medecine clinique, la méthode suivie de voir & de traiter les malades alités ; & l’on nomme Medecins cliniques, ceux qui assistent auprès du lit des malades pour traiter leurs maux. C’étoit principalement les medecins des empereurs auxquels on donnoit anciennement ce nom.

On employoit chez les Romains les esclaves au soin de garder les malades, ce qui fit qu’on les appella medici ad matulam ; & pour leur faire plus d’honneur, quelques auteurs leur donnerent aussi le nom de medici clinici, parce qu’ils ne bougeoient d’auprès du lit des malades. Mais c’étoit-là détourner ironiquement la signification du mot clinicus, qui désignoit dans son vrai sens un medecin proprement dit, un homme éclairé qui voyoit les malades au lit, & leur prescrivoit des remedes.

Martial, lib. I. epigramm. xxxj. détourne aussi la véritable signification de clinicus, dans une épigramme où il parle d’un pauvre chirurgien, en Latin vespillo, qui faute d’emploi s’étoit mis à porter les morts en terre ou sur le bûcher :

Chirurgus fuerat, nunc est vespillo Diaulus ;
Cæpit quo potuit, clinicus esse modo.

La pointe de cette épigramme consiste dans l’équivoque qui naît du double sens du mot κλίνη, d’où clinicus a été formé, & qui signifie également un lit & une bierre.

Pline fait Hippocrate auteur de la medecine clinique : il n’y a pas toutefois de vraissemblance que l’on ait tardé si long-tems à visiter les malades dans leur lit ; mais ce qui distingua si fort à cet égard l’ami de Démocrite, c’est comme le remarque le même auteur, qu’il a été le premier qui ait clairement enseigné la Medecine. Génie supérieur, il profita des lumieres de son siecle, & fit servir, comme Boerhaave a fait de nos jours, la Philosophie à la Medecine, & la Medecine à la Philosophie. « Il faut, disoit ce grand homme, réunir avec soin ces deux sciences ; car un medecin qui est philosophe est égal à un dieu ».

Cependant c’est Esculape qui est le véritable inventeur de la medecine clinique, celui qui le premier l’a pratiquée : les Medecins avant lui ne visitoient point les malades au lit, on les portoit dans les carrefours pour recevoir les avis des passans. Le centaure Chiron se tenoit dans sa grotte, attendant qu’on l’y vînt consulter. Quant aux medecins de moindre importance, il est probable que semblables à nos empyriques modernes, ils couroient les foires pour débiter leurs remedes, sans s’aviser d’aller voir les malades pour observer les changemens qui arrivent dans les maladies, & y apporter les secours nécessaires.

Cette coûtume introduite par Esculape, fit que les Medecins qui l’imiterent furent appellés cliniques, afin de les distinguer des coureurs de marchés. Sa méthode clinique lui réussit au point qu’on ne parla plus que de la Medecine d’Esculape & de ses miracles. Les jumeaux, Castor & Pollux, le voulurent avoir avec eux au fameux voyage des Argonautes ; & quelques cures surprenantes qu’il avoit faites de