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faut les enrichir de moulures en plus ou moins grande quantité, selon la magnificence de l’édifice, & selon le caractere des ordres qui y sont employés ; ils doivent, ainsi que les bandeaux, avoir de largeur la sixieme partie de celle des croisées. Voyez Bandeau.

On appelle aussi chambranle ceux de menuiserie qu’on place dans les appartemens autour des portes à placages sur lesquels ceux-ci sont ferrés.

On donne le même nom aux revétissemens de marbre, de pierre de liais, ou de bois, qui servent à décorer les cheminées dans les appartemens. (P)

CHAMBRE. s. f. (Architecture.) Ce mot désigne un lieu destiné à plusieurs usages dans l’Architecture : car on dit chambre d’écluse pour signifier l’espace du canal qui se trouve compris entre les deux portes d’une écluse ; chambre de port pour désigner la partie du bassin d’un port de mer la plus retirée & la moins profonde, où l’on tient les vaisseaux desarmés pour les réparer ; chambre civile ou criminelle, pour parler d’un lieu où est placé un tribunal destiné pour rendre la justice, comme au Palais, au Châtelet ; chambre du throne, celle où le prince reçoit avec magnificence les ambassadeurs des cours étrangeres, & dans lequel est pratiquée une estrade couverte d’un dais, comme celle des appartemens du Roi à Versailles ; chambres du dais, celles qui précédent ordinairement les salles d’assemblée se nomment ainsi, parce que dans l’un des côtés est placé un dais fort élevé sous lequel un grand seigneur donne ses audiences par cérémonies & par distinction.

Chambre du conseil, celle où dans une maison royale, comme à Versailles ou Fontainebleau, s’assemblent les conseillers d’état, par ordre de Sa Majesté, pour y conférer ensemble des intérêts publics, du bien de l’état, de la marine, du commerce, &c. On appelle cabinet du conseil le lieu où l’on traite des affaires particulieres.

On appelle aussi chambre du conseil, dans une ville de guerre, le lieu où les principaux officiers s’assemblent pour y conférer ou juger des affaires militaires ; ainsi qu’on appelle à Paris chambre du conseil, aux Invalides, celle où le gouverneur & autres officiers s’assemblent pour mettre ordre & juger les différens qui surviennent dans la maison : & chambre de communauté, pour indiquer une salle où les syndics de chaque profession s’assemblent pour recevoir maîtres des artisans qui font chef-d’œuvre, &c. Mais en général le mot de chambre exprime la piece d’un appartement destiné au sommeil, & alors on l’appelle, selon la dignité des personnes qui l’habitent, & la décoration dont elles sont revêtues, chambre de parade, chambre à coucher, à alcove, en niche, en entresolles, en galetas, &c.

Celles de parade font partie des appartemens d’une maison considérable, & ne servent extraordinairement que pour coucher par distinction des étrangers du premier ordre, ce lieu contenant ordinairement les meubles les plus précieux.

Les chambres à coucher sont aussi dans de grands bâtimens des pieces considérables, destinées pour le maître ou la maîtresse du logis. Pour plus de magnificence, on pratique dans ces chambres des estrades, sur lesquelles s’elevent des colonnes qui séparent le lieu où est placé le lit d’avec le reste de la piece : ces colonnes y sont d’autant mieux placées aujourd’hui qu’elles en divisent la décoration en deux especes, c’est-à-dire que le lieu où est placé la cheminée peut être revêtu tout de menuiserie, pendant que celui où est le lit est garni d’étoffe, ce qui rend cet espace plus du ressort d’une chambre destinée au repos : aussi ne fait-on plus guere d’usage des tapisseries que dans le cas dont il s’agit, & pour

les premieres, secondes antichambres, & salles d’assemblée, ou bien dans les cabinets de tableaux, de toillette, &c. toutes les autres pieces d’un appartement se décorant pour la plûpart de menuiserie, de sculpture, peintures & dorure.

L’usage qui a fait substituer les lambris aux tapisseries a fait aussi rejetter l’habitude de laisser cette même menuiserie dans sa couleur naturelle, de maniere qu’on colore presque tous les lambris en blanc, en couleur d’eau, en jonquille lilas, &c. dont on dore les moulures & les ornemens, ou bien l’on peint seulement tous les fonds d’une de ces couleurs, & la sculpture & les cadres d’une teinte plus pâle que le reste, ce qui par économie tient lieu de dorure, & ne laisse pas de faire un bel effet. De toutes ces couleurs le blanc a le plus d’éclat, mais l’expérience a fait connoître que les lumieres gâtoient en fort peu de tems ces lambris ; ce qui lui fait préférer les autres couleurs dont nous venons de parler, sur-tout dans les chambres à coucher, où cette couleur semble être hors de convenance, non seulement à cause de l’usage auquel elle est destinée, mais encore parce qu’elle ressemble trop au plâtre ou à la pierre, qui ne paroît pas être faite pour rendre un lieu sain & salubre. Il est vrai que l’or a plus d’éclat sur le blanc que sur toutes les autres couleurs, mais la vraissemblance doit l’emporter sur les autres considérations ; & d’ailleurs la nécessité où l’on a été presque par rapport à tous nos beaux appartemens en France, soit à Choisy, soit au palais Bourbon à Paris, & aux hôtels de Soubise, de Villars, de Villeroi, & autres, de regratter au bout de quelques années ces lambris, pour les repeindre à neuf, sans avoir joüi de leur éclat que pendant un très-court espace de tems, doit en faire éviter l’usage dans les chambres à coucher, pour les raisons que nous venons de dire, & généralement dans toutes les pieces de grandeur moyenne sujettes à recevoir en hyver nombreuse compagnie, grand feu & grandes lumieres ; telles que sont les salles à manger, salles de société, de jeu, de concert, de bal, &c. Il faut les réserver seulement pour les lieux spacieux qui pourroient être construits de marbre blanc, de stuc, de pierre de liais ou de plâtre, tels que les grands vestibules, comme celui de Clagni, sa grande galerie, le sallon à double étage de Marli & de Montmorenci, & autres lieux, tels que les péristiles, les porches, colonnades, grands escaliers, &c.

Il est quatre choses également intéressantes à observer dans la disposition d’une chambre à coucher : la premiere que sa forme en général soit toûjours plus profonde que large ; elle peut être quarrée depuis le devant des croisées jusqu’à l’estrade, mais toute la profondeur de l’alcove doit excéder le quarré ; ou quand il n’y a point d’estrade, le pié du lit doit terminer à-peu-près un des côtés du quarré : la seconde, c’est que les croisées d’une chambre à coucher soient toûjours en face du lit ; toute autre situation est desagréable sur-tout dans un appartement susceptible de quelque décoration : la troisieme, que les cheminées soient placées de maniere qu’elles marquent le milieu de la piece depuis les croisées jusqu’à l’estrade, & qu’elles soient situées du côté opposé à la principale entrée de la piece : la quatrieme, que les portes, quoiqu’elles soient assujetties à l’enfilade de tout le bâtiment, soient assez distantes du mur de face pour laisser un écoinçon raisonnable entre l’un & l’autre, sans que pour cela elles soient trop près des cheminées, ainsi qu’il s’en voit à l’hôtel de Belleisle où il n’y a à côté de leur jambage qu’une place suffisante pour recevoir le chambranle de la porte.

Ordinairement on affecte sur les murs de refends,