Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/614

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donne la hauteur d’un cylindre dont la base est égale à l’orifice de l’aorte, & la pesanteur à la force absolue du cœur.

L’on sait par expérience que la force de gravité fait parcourir à un corps 30 piés en une seconde, ce qui est la vîtesse qu’il acquiert en tombant de la hauteur de quinze piés ; d’où il suit que cette vîtesse est à celle du sang qui coule sans trouver de la résistance dans l’aorte, comme 30 à 65. Mais comme les espaces qui font acquérir aux corps les vîtesses que nous leur avons données, sont comme les quarrés de ces mêmes vîtesses, c’est-à-dire comme 900 à 4225, il s’ensuit qu’il y a même rapport de 900 à 4225, que de 15 à 074. Cette hauteur étant doublée donne 148, ou 1776 pouces ; ce qui est la hauteur d’une colonne de sang dont la base est égale à l’aorte, que nous avons supposée égale à 0 4187 ; & par conséquent le solide qu’elle contient est 7 436112, dont la force est égale à la force absolue du cœur. Cette force est de cinq onces ; d’où il suit que la force du cœur est égale à un poids de cinq onces.

Ce même auteur a trouvé par un calcul fondé sur les lois des corps mis en mouvement, que la force du cœur est presque égale à huit onces ; & quoique cette quantité differe quelque peu de la précédente, elle n’est rien eu égard au calcul de Borelli, dont l’erreur ne vient, à ce que prétend le docteur Keill, que de ce qu’il n’a mis aucune différence entre le sang qui est en repos, & celui qui étoit déjà en mouvement. Il est certain que la force du cœur n’est point employée à donner du mouvement au sang qui est en repos, mais seulement à l’entretenir dans le mouvement qu’il avoit déjà : de savoir maintenant d’où il a reçû ce premier mouvement, c’est ce qui n’est pas au pouvoir de l’homme de déterminer. Il est facile de démontrer que le cœur n’a jamais pû mettre le sang en mouvement, supposé que la résistance de ce dernier ait toûjours été telle qu’on la trouve aujourd’hui. Si le sang étoit toûjours mû en-avant avec le mouvement qu’il a d’abord reçû, & que les tuniques des vaisseaux ne fissent aucune résistance, le sang qui le précede ne pourroit le retarder, & sa force seroit toûjours égale à la force absolue du moteur : mais comme il trouve de la résistance de la part des tuniques des vaisseaux sanguins, & qu’il est obligé d’employer une partie de la force qu’il a reçûe pour les dilater, son mouvement est continuellement retardé, & s’anéantiroit à la fin si le cœur ne lui en communiquoit un nouveau : c’est pourquoi la force du cœur doit nécessairement être égale à la résistance que le sang rencontre lorsqu’il se meut : si elle étoit plus grande, la vîtesse du sang augmenteroit continuellement ; & elle diminueroit sans cesse si elle étoit moindre : d’où il suit que si la circulation du sang venoit une fois à cesser, toute la force du cœur seroit incapable de le mettre de nouveau en mouvement.

Mais c’est assez nous arrêter au systême du docteur Keill. Le docteur Jurin ne le trouve pas exempt de défauts, & condamne la supposition qu’il fait, que la pesanteur qui peut donner le mouvement à l’eau qui sort d’un vaisseau, est la cause de ce même mouvement : ce dernier auteur croit que Keill a mal entendu le corollaire de M. Newton, & il prétend que l’eau qui tombe par sa propre pesanteur acquiert son mouvement d’elle-même, & que le poids qui tombe en même tems ne reçoit qu’un mouvement égal à celui qu’a l’eau hors du vaisseau. Il fait encore plusieurs autres objections contre ce système, auxquelles l’auteur a répondu dans les transactions philosophiques. Son antagoniste n’a pas demeuré sans replique ; & cette dispute n’en fût pas restée-là, si la mort de l’auteur ne l’eût terminée.

Le docteur Jurin n’a pas laissé que de donner un

autre calcul, fondé sur des principes auxquels il n’y a rien à redire ; mais son adversaire a pris de-là occasion de rentrer en lice avec lui.

Il considere un des ventricules du cœur qui pousse le sang, comme un corps donné qui en pousse un autre qui est en repos avec une vîtesse donnée, & qui après lui avoir communiqué une partie de son mouvement, marche avec lui avec une vîtesse commune. Sur ce principe la quantité de la force du cœur doit être égale au produit du nombre qui désigne le poids du ventricule, par celui qui désigne sa vitesse avant qu’il pousse le sang, ou à la somme du mouvement du ventricule & du sang qui en sort, & de celui qu’il communique aux tuniques des arteres & au sang qui le précede.

On peut démontrer 1° que le mouvement de contraction d’une machine creuse qui se contracte inégalement, est égal à la somme ou nombre qui exprime les différentes particules de la machine, multiplié par celui qui marque leurs vîtesses respectives ; d’où il suit que le mouvement de la machine est égal au nombre qui désigne la quantité de son poids par quelqu’autre nombre qui indique la vîtesse moyenne entre les particules qui se meuvent avec le plus de vîtesse, & celles qui se meuvent plus lentement. 2°. Que lorsque l’eau comprimée sort par l’orifice d’une telle machine, son mouvement est égal à la somme de chaque section transversale de tous les filets d’eau multipliés par leurs hauteurs & leurs vîtesses respectives ; d’où il suit que le mouvement de l’eau est égal à la somme de l’eau qui s’écoule par quelque longueur moyenne entre celle du plus long filet d’eau, & celle du plus court. Supposé donc que l’on ait plusieurs machines semblables pleines d’eau, & pressées de même, soit également ou inégalement, le mouvement de l’eau qui sort par l’orifice d’une d’elles sera en raison composée de la raison quadruplée de tout diametre homologue de la machine, & de la raison réciproque du tems dans lequel la contraction se fait.

Ces principes une fois posés, il est aisé d’en déduire la solution du probleme, dans lequel on demande de trouver la force du cœur. Car, appellant la pesanteur du ventricule gauche, ou la quantité du sang qui lui est égale, p ; la surface interne du ventricule, s ; la longueur moyenne des filets du sang qui en sortent, l ; la section de l’aorte, s ; la quantité de sang contenue dans le ventricule gauche, q ; le tems que le sang met à sortir du cœur égal à la résistance des arteres, & du sang qui le précede, t ; la vîtesse variable avec laquelle le sang sortiroit de l’aorte s’il ne trouvoit aucune résistance, v ; la longueur variable de l’aorte que le sang parcourt, x ; & le tems pendant lequel cette longueur est parcourue, z ; la vîtesse variable moyenne du sang contigu au ventricule, ou la vîtesse moyenne du ventricule même sera =  ; le mouvement du ventricule =  ; le mouvement du sang qui en sort =  ; & leur somme ou la force du ventricule = . Mais  ; d’où l’on trouve par la méthode inverse des fluxions, que la force du ventricule est =  : mais puisque , il s’ensuit donc que la force du ventricule =  : on trouve de la même maniere, en se servant de lettres Greques, au lieu de lettres Italiques, la force du ventricule droit =  ; de sorte que la force entiere du cœur est = C. Q. F. D.

Si l’on suppose maintenant que p soit égal à 8 on-