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par un calcul biliaire detenu dans la vésicule du fiel, lequel irrite son conduit. Les femmes en couches éprouvent des douleurs de colique dans la suppression de leurs vuidanges, lorsqu’on néglige de leur bander le ventre comme il faut après l’accouchement, ou lorsqu’il survient du refroidissement.

IV. Les maladies propres aux intestins & au mésentere, produisent de vives douleurs de colique ; c’est ce qui arrive dans l’obstruction des glandes du mésentere, dans les abcès de cette partie, qui s’étant portés sur les boyaux, y croupissent, corrodent les membranes & les gangrenent. On en trouve quelques exemples dans Willis, Benivenius, & Wharton. Telles sont encore les coliques qui proviennent d’un resserrement, d’une contraction, d’un étrécissement, d’un skirrhe, d’une callosité, dans quelque portion des intestins, tous maux qui détruisent l’égalité du mouvement de ces visceres. Enfin toutes leurs maladies, ou celles des parties voisines, l’inflammation, l’hernie, l’érésipele, le rhumatisme, &c. produiront cet effet.

Especes particulieres. Quelquefois les coliques sont la suite de plusieurs maladies, comme de toute espece de fievres mal traitées, de diarrhées, de dyssenteries trop-tôt arrêtées par des astringens, des vomitifs, ou des cathartiques trop violens.

Il y a encore une espece de colique spasmodique, que quelques-uns appellent colique sanguine, parce qu’elle provient du sang qui s’est amassé au-dedans des tuniques des intestins, sur-tout du colon, où ce sang croupi irrite, distend les membranes nerveuses qui sont d’un sentiment très-délicat. Les hommes robustes qui menent une vie déréglée en sont les martyrs ordinaires, & quelquefois les femmes lorsque leurs regles viennent à être supprimées. Cette colique procede aussi de la suppression d’un flux hémorrhoïdal périodique.

On connoît dans certains endroits une autre espece de colique spasmodique, que l’on peut proprement appeller endemique, parce qu’elle est commune dans certains climats & dans certains pays ; alors ces sortes de coliques tirent leur origine de l’air des exhalaisons, des alimens, des boissons, &c. Par exemple, le bellou en Derbyshire, qui provient des exhalaisons de la mine de plomb, si funestes, que les animaux & même la volaille en souffrent. On peut citer en exemple encore, les habitans de la Moravie, de l’Autriche & de l’Hongrie ; ils sont souvent affligés d’une colique convulsive, qui n’a d’autre cause que l’habitude immodérée des vins spiritueux de ces contrées, sur-tout quand on n’a pas soin de se garantir du froid. On peut rapporter assez commodément cette derniere maladie à la colique sanguine, parce qu’elle demande les mêmes remedes, avec l’usage des boissons adoucissantes & émulsionnées, prises chaudes, pour rétablir en même-tems la transpiration.

La colique spasmodique qu’on nomme colique de Poitou, autrement colique des Peintres, colique des Plombiers, parce qu’elle est causée par le plomb, l’usage des saturnins, & qu’elle commence à s’étendre dans toute l’Europe, mérite par cette raison un article particulier.

Symptomes de la colique. Les malades attaqués de la colique, éprouvent plus ou moins les symptomes suivans, à proportion des degrés de la maladie. Toute la région des intestins, ou une partie, est le siége de la douleur. Les malades ressentent dans le bas-ventre une sensation très-vive, piquante, poignante, brûlante, fixe ou vague ; ils sont pleins de malaise & d’inquiétudes ; ils ne peuvent dormir ; ils s’agitent, se couchent sur le ventre, sur l’un ou l’autre côté pour trouver une posture qui les soulage. Quelquefois les vents & les borborigmes se joignent à

cet état, de même que la constipation, le tenesme, le pouls serré, la fievre, la suppression d’urine, la difficulté de respirer, le dégoût, la cardialgie, les nausées, les vomissemens : mais voici d’autres symptomes encore plus dangereux ; le hoquet, le frisson, le tremblement, l’abattement de toutes les forces, les syncopes, la sueur froide, le délire, & quelquefois des convulsions épileptiques, dont les suites sont la destruction de la machine. Quelquefois ces symptomes se terminent par d’autres maladies, la suppuration, la jaunisse, la diarrhée, la dyssenterie, & plusieurs autres maux, suivant les causes & la violence des accès de colique.

Prognostics. Les prognostics se tirent de la durée du mal, du nombre & de la nature des symptomes ; ainsi c’est un bon prognostic lorsque les divers symptomes qu’on vient de détailler manquent ; que la douleur est intermittente, tolérable, & qu’elle diminue : les vents soulagent le malade quand ils peuvent passer par-haut ou par-bas. La colique accompagnée de cardialgies, de nausées, de vomissemens, devient déjà dangereuse ; elle l’est beaucoup lorsqu’elle saisit le malade avec violence en même tems que le frisson, & que cet état subsiste ; car c’est un signe d’une inflammation qui dégénere en sphacele, si on néglige d’y apporter un prompt remede. Elle l’est encore davantage, si conjointement à ces symptomes, se trouvent réunis la constipation, la suppression d’urine, la fievre & la difficulté de respirer. Elle l’est beaucoup plus, si la foiblesse, le délire & le hoquet surviennent : mais c’est un prognostic funeste si les forces s’épuisent, si les convulsions succedent, le froid, la sueur colliquative, une vraie ou fausse paralysie des extrémités, & finalement la stupeur des piés & des mains ; pour lors le malade est sans espérance.

Cure générale. Nous avons vû que la cure devoit toûjours être adaptée à la cause, & variée en conformité : mais quand cette cause est inconnue, que doit-on faire ? Il faut toûjours employer les remedes généraux, la saignée, pour peu que l’inflammation soit à craindre, les fomentations chaudes ou émollientes perpétuellement repétées, les lavemens relâchans, délayans, antiphlogistiques, les laxatifs, les boissons humectantes, & persister dans cet usage jusqu’à ce que le mal soit appaisé, ce qui arrive d’ordinaire sans que la cause ait été découverte par le medecin. La colique se guérit naturellement par une sueur abondante, par un saignement de nez, par un flux hémorrhoïdal, par un cours-de-ventre, par une diarrhée, par un écoulement d’urine, &c. mais les remedes généraux qu’on vient d’indiquer ne tendent qu’à avancer la guérison, & à la déterminer plus sûrement.

Cure préservative. Ceux qui sont sujets à des coliques ou de vives douleurs dans les intestins, ce qui est assez ordinaire aux personnes affligées de la goutte, du scorbut, des hémorrhoides, de l’affection hypochondriaque, hystérique, &c. doivent observer un régime sévere, éviter les passions violentes, s’abstenir des alimens de difficile digestion, gras & salés, entretenir la transpiration, sur-tout dans le bas-ventre & la région des reins, tenir les piés chauds, mettre en pratique les frictions, l’exercice de quelque espece qu’il soit, éviter les vins suspects, les liqueurs spiritueuses, les fruits d’été qui ne sont pas mûrs, &c.

Observations cliniques. Comme la plûpart des coliques sont accompagnées d’inflammation, ou que l’inflammation ne manque guere de survenir, il faut tout mettre en usage pour dompter cette inflammation ou pour la prévenir. Dans les douleurs spasmodiques des intestins, on doit s’abstenir des vomitifs, des cathartiques, des lavemens d’une qualité acrimonieuse. Si la constipation est jointe à la colique, &