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qu’on peut prouver que ces astres descendent dans la région des planetes. Car les cometes qui s’avancent selon la suite des signes, nous semblent vers la fin de leurs apparitions, ou rallentir trop sensiblement leurs mouvemens, ou même rétrograder, & cela lorsque la terre est entre elles & le soleil. Au contraire elles paroissent se mouvoir trop rapidement, si la terre est en opposition, c’est-à-dire si elles se trouvent en conjonction avec le soleil : or c’est précisément ce que nous observons à l’égard des planetes. D’un autre côté celles qu’on nomme rétrogrades, parce qu’elles se meuvent en effet contre l’ordre des signes, semblent plus rapides vers la fin de leur apparition, si la terre est entre elles & le soleil. Enfin elles paroissent ou rallentir très-sensiblement leur cours, ou même rétrograder, si la terre est dans une situation opposée, c’est-à-dire si la comete paroît en conjonction avec le soleil. Il est donc aisé de voir que la cause de ces apparences est le mouvement de la terre dans son orbite, de la même maniere qu’il arrive à l’égard des planetes : car selon que le mouvement de la terre se fait dans le même sens, ou est contraire à celui de la planete, elle paroît tantôt rétrograder, tantôt se mouvoir trop lentement, & avec trop de rapidité. Newton, l. III.

Hevelius qui a fait un grand nombre d’observations sur les cometes, prétend qu’elles sortent du soleil, que ce sont les exhalaisons les plus grossieres que produit cet astre, & qu’elles sont de même nature que les taches du soleil.

Kepler pense, comme Aristote, que les cometes sont des exhalaisons, & croit qu’elles sont dispersées sans nombre dans le ciel ; & que si elles ne sont pas toutes visibles, c’est à cause de leur petitesse, ou parce qu’elles sont long-tems sous l’horison.

Mais indépendamment de la réfutation précédente, M. Newton a fait voir la fausseté de cette hypothese, en prouvant que la comete de 1680 auroit été entierement dissipée dans son passage auprès du soleil, si elle n’avoit été qu’un corps composé d’exhalaisons, soit du soleil, soit des planetes ; car la chaleur du soleil, comme on le sait, est en raison réciproque des quarrés des distances du soleil ; & la distance de cette comete au soleil dans son périhelie le 8 Décembre, étoit à la distance de la terre au soleil comme 6 à 1000 : d’où il suit que la chaleur communiquée par le soleil à la comete, devoit être alors à celle qu’on éprouve sur la terre au milieu de l’été, comme 1000000 à 36, ou comme 28000 à 1 : sachant ensuite par l’expérience que la chaleur de l’eau bouillante est un peu plus que triple de celle de la terre échauffée par les rayons du soleil au fort de l’été, & prenant la chaleur du fer rouge pour trois ou quatre fois plus grande que celle de l’eau bouillante, il en conclud que la chaleur du corps de la comete dans le tems de son périhelie, devoit être 2000 fois plus grande que celle du fer rouge.

La comete ayant acquis une aussi grande chaleur, doit être un tems immense à se refroidir. Le même auteur a calculé qu’un globe de fer rouge de la grosseur de la terre seroit à peine refroidi en 50000 ans. Ainsi quand même la comete se refroidiroit cent fois plus vîte que le fer rouge, elle ne laisseroit pas encore, à cause que sa chaleur est 2000 fois plus grande, de mettre un million d’années à se refroidir.

Jacq. Bernoulli, dans son Conamen novi systematis cometarum, imagine une planete principale qui fait sa révolution autour du soleil dans l’espace de quatre années & 157 jours, & qui est éloignée de cet astre de 2583 demi-diametres du grand orbe ; il veut que cette planete invisible par l’immensité de sa distance, ou par la petitesse de son disque, soit accompagnée de différens satellites plus ou moins éloignés ; & selon lui, ces satellites descendant quel-

quefois dans leur perigée aussi bas que l’orbite de

Saturne, deviennent alors visibles pour nous, & sont ce que nous appellons cometes.

Descartes pense que les cometes sont des étoiles qui étoient d’abord fixes comme les autres, mais qui s’étant ensuite couvertes de taches & de croûtes, ont à la fin perdu entierement leur lumiere ; & que ne pouvant plus alors conserver leurs places, elles ont été entraînées par les tourbillons des étoiles voisines ; ensorte que suivant leurs différentes grandeurs & solidités elles ont pû être portées jusqu’à l’orbe de Saturne, distance à laquelle recevant les rayons du soleil avec assez de force, elles deviennent visibles. Voyez Cartésianisme.

Mais le peu de vérité de toutes ces hypotheses saute aux yeux par les phénomenes des cometes : nous allons exposer les principaux de ces phénomenes, comme étant la pierre de touche de toutes les théories.

1°. On observe des altérations sensibles dans la vîtesse apparente des cometes, selon qu’elles sont situées par rapport à la terre ; c’est ce que nous avons déjà remarqué plus haut.

2°. Tant que leur vîtesse augmente, elles paroissent décrire à-peu-près de grands cercles ; mais vers la fin de leur course elles s’écartent un peu de ces cercles ; & dans le cas où la terre va du même côté qu’elles, elles paroissent aller du côté opposé.

3°. Elles se meuvent dans des ellipses qui ont le soleil pour un de leurs foyers, & décrivent autour de ce foyer des aires proportionnelles aux tems.

4°. La lumiere de leur corps central ou tête augmente quoiqu’elles s’éloignent de la terre, lorsqu’elles s’approchent du soleil ; & elle décroît au contraire lorsqu’elles s’éloignent du soleil, quoiqu’elles deviennent plus proches de la terre.

5°. Leurs queues sont les plus grandes & les plus brillantes immédiatement après leur périhelie.

6°. Leurs queues s’écartent un peu de la direction du soleil au noyau ou corps de la comete, & se courbent vers le côté que la comete vient de quitter.

7°. Cette déviation, toutes choses égales, est la plus petite lorsque la tête de la comete approche le plus du soleil ; & elle est moindre auprès de la tête que vers l’extrémité de la queue.

8°. Les queues sont un peu plus brillantes & plus distinctement terminées dans leur partie convexe que dans la concave.

9°. Les queues paroissent toûjours plus larges vers l’extrémité qu’auprès du centre de la comete.

10°. Les queues sont transparentes, & les plus petites étoiles peuvent s’appercevoir au-travers.

Ce sont là les principaux phénomenes des cometes, que l’on voit aisément démentir les opinions étranges que les anciens avoient de ces astres, & peu cadrer avec les foibles conjectures de la plûpart des auteurs modernes. A la vérité il y a eu quelques anciens, comme Pline le rapporte, qui ont eu des idées plus justes sur les cometes, qui ont pensé que c’étoient des astres perpétuels qui faisoient leurs révolutions dans des orbites particulieres : il paroît même que les plus anciens philosophes avoient placé les cometes dans ces vastes régions du ciel qui sont au-dessus de l’orbite de la lune, selon le témoignage d’Aristote, de Plutarque, & de divers auteurs tant Grecs que Latins ; c’étoit le sentiment des Pythagoriciens & des autres philosophes de la secte italique ; c’étoit aussi celui d’Hippocrate de Chio, célebre par la quadrature des lunules qui portent son nom (Voy. Lunule) ; c’étoit enfin l’opinion de Démocrite. Séneque nous rapporte au liv. VII. ch. iij. de ses questions naturelles, ce qui en avoit été dit par ce philosophe, l’un des plus ingénieux, & peut-être le plus profond de toute l’antiquité : il dit qu’en-