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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/692

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dilatant & se répandant dans toutes les régions célestes, sont vraissemblablement, ainsi que M. Newton l’observe, attirées par les planetes, & mêlées avec leurs atmospheres. Il ajoûte que les cometes semblent nécessaires pour l’entretien des liquides qui sont sur les planetes, lesquels s’évaporent continuellement par les végétations & les putréfactions, & se convertissent en terre seche. Car comme tous les végétaux se nourrissent & s’accroissent par les fluides, & qu’ils redeviennent terre pour la plus grande partie par la putréfaction (comme on le peut voir par le limon que les liqueurs putréfiantes déposent continuellement), il s’ensuit que pendant que la terre s’accroît sans cesse, l’eau diminueroit en même proportion, si la perte n’en étoit pas rétablie par d’autres matieres. M. Newton soupçonne que cette partie, la plus subtile & la meilleure de notre air, laquelle est absolument nécessaire pour la vie & l’entretien de tous les êtres, vient principalement des cometes.

D’après ce principe, il y auroit quelque fondement aux opinions populaires des présages des cometes, puisque les queues des cometes se mêlant ainsi avec notre atmosphere, pourroient avoir des influences sensibles sur les corps animaux & végétaux.

Il y a beaucoup de varietés dans la grandeur des cometes. Quelques-unes, indépendamment de leur queue, paroissent surpasser dans certaines circonstances favorables de leur apparition, les étoiles de la 1re & de la 2de grandeur. Enfin, si on consulte les historiens qui en ont parlé, il semble qu’aucune comete n’ait jamais paru aussi grande que celle qui fut observée du tems de Néron : cette comete, selon Seneque, égaloit le Soleil en grosseur. Hevelius en a cependant observé une autre en 1652 presqu’aussi grande que la Lune, mais elle étoit bien inférieure en lumiere à cette planete, étant extraordinairement pâle & comme enveloppée de fumées, qui, loin de lui laisser quelqu’éclat, rendoient son aspect assez triste & peu agréable aux yeux.

M. Fatio remarque que quelques-unes des cometes ayant leurs nœuds proche de l’orbite de la terre, il pourroit arriver que la terre se trouveroit dans la partie de son orbite, qui seroit voisine de ce nœud au tems où la comete viendroit à y passer ; & comme le mouvement apparent de la comete seroit alors si prompt, que sa parallaxe seroit très-sensible, & que la proportion de cette parallaxe à celle du soleil seroit donnée, on pourroit avoir en ce cas la parallaxe du soleil déterminée plus exactement que par aucune méthode.

La comete de 1472, par exemple, avoit une parallaxe qui surpassoit plus de vingt fois celle du soleil ; & celle de 1613 en auroit eu une beaucoup plus sensible, si elle fût arrivée à son nœud au commencement de Mars. Quoi qu’il en soit, aucune n’a plus menacé la terre de son voisinage que celle de 1680 ; car M. Halley a trouvé par le calcul, que le 11 Novembre cette comete avoit passé au nord de l’orbite de la terre à environ 60 demi-diametres de la terre, ensorte que si dans ce tems la terre avoit été dans cette partie de son orbite, la parallaxe de la comete auroit égalé celle de la Lune ; & il auroit peut-être résulté de ce voisinage un contact ou un choc des deux planetes : suivant M. Whiston il en seroit resulté un déluge. Voyez plus bas.

Mouvement des cometes. Le mouvement propre de chaque comete ne se fait pas, à beaucoup près, dans le même sens, puisqu’il est varié à l’infini, les unes s’avançant d’occident en orient, lorsqu’au contraire les autres se trouvent emportées contre l’ordre des signes, c’est-à-dire, dans un sens opposé à celui des planetes. Bien plus, depuis que l’on observe le cours des cometes avec quelque attention, on s’est apperçu

qu’il se dirigeoit tantôt vers le nord, & tantôt vers le midi, & cela avec des inclinaisons si différentes, qu’il n’a pas été possible de les renfermer dans un zodiaque de la même maniere que les planetes ; car si elles se trouvent une fois dans ce zodiaque, elles en sortent bien-tôt avec plus ou moins de vîtesse & par différens côtés. Regiomontanus en a observé une qui paroissoit avoir une vîtesse bien extraordinaire, puisqu’elle parcourut en un jour 40 degrés. Enfin, il y a des cometes dont le mouvement est plus rapide au commencement qu’à la fin de leur cours ; d’autres au contraire se meuvent très-rapidement au milieu, & très-lentement, soit au commencement soit à la fin de leur apparition. Toutes ces variétés dans le mouvement des cometes, sur-tout la diversité de l’inclinaison de leurs orbites, & la direction si variée de leurs mouvemens, prouvent bien qu’elles ne sont point emportées par un fluide en tourbillon, qui devroit les diriger toutes dans le même sens, & à-peu-près dans le même plan : aussi est-ce une des objections des plus fortes contre le système des Cartésiens, & à laquelle ils n’ont jamais répondu.

Si on suppose avec quelques auteurs que les cometes parcourent des lignes exactement paraboliques, elles doivent venir d’une distance infiniment éloignée, en s’approchant continuellement du soleil par la force centripete, & acquérir par ce moyen assez de vîtesse pour remonter l’autre branche de la parabole en s’éloignant du Soleil jusqu’à l’infini, & de cette maniere ne revenir jamais. Mais la fréquence de leur apparition semble mettre hors de doute qu’elles se meuvent comme les planetes dans des orbites elliptiques fort excentriques, & qu’elles reviennent dans des périodes fixes quoique très-longues. Voyez Orbite & Planete.

Les Astronomes sont partagés sur leur retour : Newton, Flamsteed, Halley & tous les astronomes Anglois sont pour le retour de ces astres ; Cassini & plusieurs autres astronomes de France l’ont regardé aussi comme très-probable ; la Hire s’y oppose avec quelques astronomes, &c. Ceux qui sont pour le retour veulent que les cometes décrivent des orbes fort excentriques : selon eux ce n’est que dans une très-petite partie de leur révolution que nous les pouvons appercevoir ; au-delà de cette partie on ne sauroit plus les découvrir, ni à la vûe simple, ni avec les meilleurs télescopes. La question du retour des cometes est du nombre de celles que notre postérité seule pourra résoudre. Cependant l’opinion de Newton est la plus vraissemblable. En voici les preuves.

On ne sauroit regarder comme deux différentes planetes, celles dont les orbites coupent l’écliptique sous le même angle, & dont la vîtesse est la même dans le périhelie ; il faut donc aussi que deux cometes vûes dans differens tems, mais qui s’accordent à l’égard de ces trois circonstances, ne puissent être autre chose que la même comete ; c’est ce qu’on a observé, suivant quelques auteurs, pour différentes cometes, comme on le verra dans la suite de cet article ; cependant il n’est pas nécessaire que l’accord soit si exact pour conclure que deux cometes sont la même. La Lune qui est si irréguliere dans toutes ces circonstances, fait penser à M. Cassini qu’il en pourroit être de même des cometes, & qu’on en a pris pour de différentes plusieurs qui n’étoient que les mêmes.

La grande objection qu’on fait contre le retour des cometes, c’est la rareté de leurs apparitions par rapport au nombre de révolutions qu’on leur suppose.

En 1702 on vit à Rome une comete, ou plûtôt la queue d’une comete, que M. Cassini prit pour la même que celle qui fut observée par Aristote, & qui avoit reparu depuis en 1668, ensorte que sa révo-