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COMMUNE ou COMMUNES, (Jurispr.) signifie quelquefois le menu peuple d’une ville ou bourg. C’est aussi une espece de société que les habitans ou bourgeois d’un même lieu contractent entre eux par la permission de leur seigneur, au moyen de laquelle ils forment tous ensemble un corps, ont droit de s’assembler & délibérer de leurs affaires communes, de se choisir des officiers pour les gouverner, percevoir les revenus communs, d’avoir un sceau & un coffre commun, &c.

L’origine des concessions de communes est fort ancienne : on tient que les Gaulois jouissoient de ce droit sous les Romains ; & il y a quelques priviléges semblables accordés par les rois de la seconde race.

Louis-le-Gros passe néanmoins communément pour le premier qui les ait établi. La plûpart de ses sujets, même de ceux qui habitoient les villes, étoient encore serfs ; ils ne formoient point de corps entre eux, & ne pouvoient par conséquent s’assembler : c’est pourquoi ils se racheterent, moyennant une somme considérable qu’ils payoient au roi ou autre seigneur pour toute redevance.

La premiere charte de commune qui soit connue, est celle que Louis-le-Gros accorda à la ville de Laon en 1112 ; elle excita une sédition contre l’évêque. La commune d’Amiens fut établie en 1114. Louis-le-Jeune & Philippe Auguste multiplierent l’établissement de ces communes, dont l’objet étoit de mettre les sujets à couvert de l’oppression & des violences des seigneurs particuliers, de donner aux villes des citoyens & des juges, & aux rois des affranchis en état de porter les armes.

Ceux qui composoient la commune se nommoient proprement bourgeois, & élisoient de leur corps des officiers pour les gouverner, sous les noms de maire, jurés, échevins, &c. c’est l’origine des corps de ville. Ces officiers rendoient la justice entre les bourgeois.

La commune tenoit sur pié une milice reglée où tous les habitans étoient enrôlés, & imposoit, lorsqu’il étoit nécessaire, des tailles extraordinaires.

Le roi n’établissoit des communes que dans ses domaines, & non dans les villes des hauts seigneurs ; excepté à Soissons, dont le comte n’étoit pas assez puissant pour l’empêcher.

Il n’y en avoit cependant pas dans toutes les villes : c’est ce que dit Philippe VI. dans des lettres du mois de Mars 1331. Ces villes qui n’avoient point de communes étoient gouvernées par les officiers du roi.

Les villes de communes étoient toutes réputées en la seigneurie du roi : elles ne pouvoient sans la permission prêter à personne, ni faire aucun présent, excepté de vin, en pots ou en barrils. La commune ne pouvoit députer en cour que le maire, le greffier, & deux autres personnes ; & ces députés ne devoient pas faire plus de dépense que si c’eût été pour eux. Les deniers de la commune devoient être mis dans un coffre. La commune pouvoit lever annuellement une taille sur elle-même pour ses besoins. C’est ce que l’on trouve dans deux reglemens faits par S. Louis en 1256.

Quelques villes du premier ordre, telles que Paris, étoient tenues pour libres, & avoient leurs officiers, sans avoir jamais obtenu de charte ou concession de commune.

Les seigneurs, & sur-tout les ecclésiastiques, conçûrent bien-tôt de l’ombrage de l’établissement des communes, parce que leurs terres devenoient desertes par le grand nombre de leurs sujets qui se réfugioient dans les lieux de franchise : mais les efforts qu’ils firent pour ôter aux villes & bourgs le droit de commune, hâta la destruction de leur tyrannie ; car dès que les villes prenoient les armes,

le roi venoit à leur secours ; & Louis VIII. déclara qu’il regardoit comme à lui appartenantes toutes les villes dans lesquelles il y avoit des communes.

La plûpart des seigneurs, à l’imitation de nos rois, affranchirent aussi leurs sujets, & les hauts seigneurs établirent des communes dans les lieux de leur dépendance. Le comte de Champagne en accorda une en 1179 pour la ville de Meaux.

Il ne faut cependant pas confondre les simples affranchissemens avec les concessions de commune : La Rochelle étoit libre dès 1199, avant l’établissement de la commune.

Les concessions de communes faites par le roi, & celles faites par les seigneurs, lorsqu’elles ont été confirmées par le roi, sont perpétuelles & irrévocables, à moins que les communautés n’ayent mérité d’en être privées par quelque mauvaise action ; comme il arriva aux habitans de la ville de Laon sous Louis VI. pour avoir tué leur évêque, & aux Rochelois sous Louis XIII. à cause de leur rébellion.

La plûpart des priviléges qui avoient été accordés aux communes, tels que la justice, le droit d’entretenir une milice sur pié, de faire des levées extraordinaires, leur ont été ôtés peu-à-peu par nos rois. L’ordonnance de Moulins, art. 71. leur ôta la justice civile, leur laissant encore l’exercice de la justice criminelle & de la police. Mais cela a encore depuis été beaucoup restraint, & dans la plûpart des villes les officiers municipaux n’ont plus aucune jurisdiction ; quelques-uns ont seulement une portion de la police.

Sur l’établissement des communes, voyez Chopin, de dom. lib. III. tit. xx. n. 5. & seq. La Thaumassiere, sur les coûtumes locales de Berri, ch. xjx. Ducange, gloss. lat. verb. communantia. Hauteserre, de ducibus, cap. jv. in fine. Desid. Heraldus, quæst. quotid. p. 93. & 94. Les auteurs de la préf. de la Biblioth. des coûtumes. Le recueil des ordonn. de la troisieme race. Hist. ecclésiastiq. de Fleury, tome XIV. in-12. liv. LXVI. p. 157. & 128. Le président Bouhier, en ses observ. sur la coûtume de Bourgogne, ch. lj. p. 31. Et le président Hénault, à la fin de son abregé de l’hist. de France. (A)

Commune, (Jurispr.) en tant que ce terme s’applique à quelque pâturage, signifie tout pâturage appartenant à une communauté d’habitans, soit que ce pâturage soit un bas pré, ou que ce soit quelque autre lieu de pascage, tel que les landes & bruyeres ; soit en plaine ou sur les montagnes & côteaux. En quelques endroits on les nomme uselles, quasi usalia ; en d’autres usines : ce qui vient toûjours du mot usage.

La propriété des communes appartient à toute la communauté ensemble, de maniere que chaque habitant en particulier ne peut disposer seul du droit qu’il a dans la propriété : la communauté même ne peut en général aliéner ses communes ; & s’il se trouve des cas où elle est autorisée en justice à le faire, ce n’est qu’avec toutes les formalités établies pour l’aliénation des biens des gens de main-morte.

On tient aussi pour maxime, que les communes ne peuvent être saisies réellement, ni vendues par decret, même pour dettes de la communauté ; que l’on peut seulement imposer la dette commune sur les habitans, pour être par eux acquittée aux portions & dettes convenables. Voyez ci-devant Communauté d’Habitans.

Quant à l’usage des communes, il appartient à chaque habitant, tellement que chacun peut y faire paître tel nombre de bestiaux qu’il veut, même un troupeau étranger, pourvû qu’il soit hebergé dans le lieu dont dépend la commune ; en quoi il y a une différence essentielle entre les communes & les terres des par-