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mais il est certain qu’elles ne la possedent pas dans un fort grand degré, & qu’elles ne comparent leurs idées que par rapport à quelques circonstances sensibles attachées aux objets mêmes. Pour ce qui est de la puissance de comparer qu’on observe dans les hommes, qui roule sur les idées générales & ne sert que pour les raisonnemens abstraits, nous pouvons assûrer probablement qu’elle ne se rencontre pas dans les animaux.

Il n’y a rien que l’esprit humain fasse si souvent, que des comparaisons : il compare les substances avec les modes ; il compare les substances entre elles, & les modes entre eux ; il s’applique à démêler ce qu’ils ont de commun d’avec ce qu’ils ont de différent, ce qu’ils ont de liaison d’avec ce qu’ils ont de contrariété ; & par tous ces examens il tâche de découvrir les relations que les objets ont entre eux.

Toute comparaison roule pour le moins sur deux objets ; & il faut 1° que ces objets que l’on compare existent, ou puissent exister : car l’impossible ne se conçoit pas, & si on le concevoit, il ne seroit pas impossible : 2° il faut avoir l’idée de l’un & de l’autre, sans quoi l’esprit ne sauroit ce qu’il fait quand il les compare : 3° appercevoir ces deux idées d’un seul coup, & se les rendre présentes en même tems.

Quand on compare, par exemple, deux pieces de monnoie, ou on les regarde l’une & l’autre d’un seul coup d’œil, ou l’on conserve l’idée de la premiere qu’on a vûe, & on la consulte dans le tems qu’on jette les yeux sur la seconde ; car si l’on n’avoit plus d’idée de cette premiere, il ne seroit pas possible de décider si elle est égale à la seconde, ou si elle en differe.

Deux objets nous peuvent être présens en même tems, sans que nous les comparions : il y a donc un acte de l’esprit qui fait la comparaison ; & c’est cet acte qui constitue l’essence de ce qu’on appelle relation, rapport, lequel acte est tout entier chez nous.

Comme en comparant des objets ensemble, il regne entre eux divers rapports de figure, d’étendue, de durée, & d’autres accidens, on se sert de ces rapports en qualité d’images & d’exemples pour illustrer ses pensées, soit en conversation, soit par écrit : mais il ne faut pas leur donner une valeur plus étendue, ni prendre les similitudes pour des identités ; ce seroit une source féconde d’erreurs & de méprises, dont on doit d’autant plus se garder, que nous sommes naturellement disposés à y donner notre acquiescement. Il est commode à l’esprit humain de trouver dans une idée familiere, l’image ressemblante d’un objet nouveau : voilà pourquoi ces images qui roulent sur les rapports lui plaisent ; & comme il les aime, parce qu’elles lui épargnent du travail, il ne se fatigue pas à les examiner, & il se persuade aisément qu’elles sont exactes. Bien-tôt il se livre aux charmes de cette idée, qui ne peut cependant tendre qu’à gâter le jugement, & à rendre l’esprit faux.

Quelquefois même ce goût à chercher des rapports de ressemblance, fait qu’on en suppose où il n’y en a point, & qu’on voit dans les objets tout ce que l’imagination présente. Mais quand on ne supposeroit rien, quand ces ressemblances existeroient, quelque exactes qu’elles puissent être entre deux objets de différente espece, elles ne forment point une identité ; elles ne concluent donc rien en matiere de raisonnement. C’est pourquoi la Logique abandonne les images, les ressemblances, à la Rhétorique & à la Poésie, qui s’en sont emparées sous le nom de comparaisons, pour en faire le plus brillant usage, ainsi qu’on le verra dans l’article suivant. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

Comparaison, s. f. (Rhét. & Poés.) figure de Rhétorique & de Poésie, qui sert à l’ornement & à

l’éclaircissement d’un discours ou d’un poëme.

Les comparaisons sont appellées par Longin, & par d’autres rhéteurs, icones, c’est-à-dire images ou ressemblances. Telle est cette image, pareil à la foudre, il frappe, &c. il se jette comme un lion, &c. Toute comparaison est donc une espece de métaphore. Mais voici la différence. Quand Homere dit qu’Achille va comme un lion, c’est une comparaison ; mais quand il dit du même héros, ce lion s’élançoit, c’est une métaphore. Dans la comparaison ce héros ressemble au lion ; & dans la métaphore, le héros est un lion. On voit par-là que quoique la comparaison se contente de nous apprendre à quoi une chose ressemble, sans indiquer sa nature, elle peut cependant avoir l’avantage au-dessus de la métaphore, d’ajoûter, quand elle est juste, un nouveau jour à la pensée.

Pour rendre une comparaison juste, il faut 1° que la chose que l’on y employe soit plus connue, ou plus aisée à concevoir, que celle qu’on veut faire connoître : 2° qu’il y ait un rapport convenable entre l’une & l’autre : 3° que la comparaison soit courte autant qu’il est possible, & relevée par la justesse des expressions. Aristote reconnoît dans sa rhétorique, que si les comparaisons sont un grand ornement dans un ouvrage quand elles sont justes, elles le rendent ridicule quand elles ne le sont pas : il en rapporte cet exemple ; ses jambes sont tortues ainsi que le persil.

Non-seulement les comparaisons doivent être justes, mais elles ne doivent être ni basses, ni triviales, ni usées, ni mises sans nécessité, ni trop étendues, ni trop souvent répétées. Elles doivent être bien choisies. On peut les tirer de toutes sortes de sujets, & de tous les ouvrages de la nature. Les doubles comparaisons qui sont nobles & bien prises, font un bel effet en Poésie ; mais en Prose l’on ne doit s’en servir qu’avec beaucoup de circonspection. Les curieux peuvent s’instruire plus amplement dans Quintilien, liv. V. ch. ij. & liv. VIII. ch. iij.

Quoique nous adoptions les comparaisons dans toutes sortes d’écrits en Prose, il est pourtant vrai que nous les goûtons encore davantage dans ceux qui tracent la peinture des hommes, de leurs passions, de leurs vices, & de leurs vertus. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Comparaison d’Ecritures, (Jurispr.) est la vérification qui se fait d’une écriture ou signature dont on ne connoît pas l’auteur, en la comparant avec une autre écriture ou signature reconnue pour être de la main de celui auquel on attribue l’écriture ou signature contestée.

C’est une des preuves que l’on peut employer pour connoître quel est le véritable auteur d’une écriture ou signature : car la vérification peut en être faite en trois manieres ; savoir par la déposition des témoins qui attestent avoir vû faire en leur présence l’écriture dont il s’agit ; ou par la déposition de témoins qui n’ont pas à la vérité vû faire l’écrit, mais qui attestent qu’ils connoissent que l’écriture & signature est d’un tel, pour l’avoir vû écrire & signer plusieurs fois ; & enfin la derniere sorte de preuve que l’on employe en cette matiere, est la déposition des experts, qui après comparaison faite des deux écritures, déclarent si elles leur paroissent de la même main, ou de deux mains différentes.

La comparaison d’écritures est usitée, tant en matiere civile qu’en criminelle.

L’usage de cette preuve en matiere civile est fort ancien ; il en est parlé en quelques endroits du code & des novelles.

Comme on admettoit pour pieces de comparaison des écritures privées, Justinien ordonna d’abord par la loi comparationes, ch. de fide instrum. qu’on se