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Mais malgré l’érudition qui regne dans cet ouvrage, il est certain présentement que la preuve par comparaison d’écritures est admise en matiere criminelle aussi-bien qu’en matiere civile, ainsi qu’il résulte de l’ordonnance criminelle de 1670, & de l’ordonnance du mois de Juillet 1737, concernant le faux principal & incident.

La premiere de ces deux ordonnances, tit. jx. du faux principal & incident, ne dit autre chose de la preuve par comparaison d’écritures, sinon que les moyens de faux étant trouvés pertinens ou admissibles, la preuve en sera ordonnée tant par titres que par témoins, & par comparaison d’écritures & signatures, par experts qui seront nommés d’office par le même jugement, sauf à les recuser ; que les pieces inscrites de faux & celles de comparaison, seront mises entre les mains des experts, après avoir prêté serment & leur rapport délivré au juge, suivant qu’il est prescrit par l’art. 12. du titre de la descente sur les lieux, de l’ordonance de 1667 ; que s’il y a charge, les juges pourront decréter & ordonner que les experts seront répétés séparément en leur rapport, recollés & confrontés ainsi que les autres témoins.

L’ordonnance du faux regle les formalités de la preuve par comparaison d’écritures.

Il est dit, tit. j. du faux principal, que sur la requête ou plainte en faux, soit par la partie publique ou par la partie civile, il sera ordonné qu’il sera informé des faits portés en la requête ou plainte, & ce tant par titres que par témoins, comme aussi par experts, ensemble par comparaison d’écritures ou signatures, le tout selon que le cas le requerra ; que lorsque le juge n’aura pas ordonné en même tems ces différens genres de preuve, il pourra y être suppléé, s’il y échet, par une ordonnance ou un jugement.

Que quand la preuve par comparaison d’écritures aura été ordonnée, les procureurs du Roi ou ceux des hauts justiciers, & la partie civile, s’il y en a, pourront seuls fournir les pieces de comparaison, sans que l’accusé puisse être reçû à en présenter de sa part ; si ce n’est comme il sera dit ci-après, & ceci doit être observé, à peine de nullité.

On ne peut admettre pour pieces de comparaison, que celles qui sont authentiques par elles mêmes ; & on regarde comme telles les signatures apposées aux actes passés devant notaires ou autres personnes publiques, tant séculieres qu’ecclésiastiques, dans les cas où elles ont droit de recevoir des actes en cette qualité.

On répute aussi authentiques à cet effet les signatures étant aux actes judiciaires faits en présence du juge & du greffier, & aussi les pieces écrites & signées par celui dont il s’agit de comparer l’écriture, en qualité de juge, greffier, notaire, procureur, huissier, sergent, & en général comme faisant, à quelque titre que ce soit, fonction de personne publique.

On peut aussi admettre pour pieces de comparaison, les écritures ou signatures privées qui auroient été reconnues par l’accusé ; mais hors ce cas, ces sortes d’écritures & signatures ne peuvent être reçues pour pieces de comparaison, quand même elles auroient été vérifiées avec l’accusé sur la dénégation qu’il en auroit faite, à peine de nullité.

L’ordonnance laisse à la prudence du juge, suivant l’exigence des cas, & notamment lorsque l’accusation de faux ne tombe que sur un endroit de la piece qu’on prétend être faux ou falsifié, d’ordonner que le surplus de la piece servira de piece de comparaison.

Si les pieces indiquées pour comparaison sont entre les mains de dépositaires publics ou autres, le juge doit ordonner qu’elles seront apportées, suivant ce qui est ordonné pour les pieces arguées de faux ; &

les pieces admises pour comparaison doivent demeurer au greffe pour servir à l’instruction, & ce quand même les dépositaires d’icelles offriroient de les représenter toutes les fois qu’il seroit nécessaire, sauf aux juges à y pourvoir autrement s’il y échet, pour les registres des baptêmes, mariages & sépultures, & autres dont les dépositaires auroient continuellement besoin.

Sur la présentation des pieces de comparaison par la partie publique ou civile, & sans qu’il soit besoin de requête, il doit être dressé procès-verbal de ces pieces au greffe ou autre lieu du siége destiné aux instructions, en présence de la partie publique & de la partie civile s’il y en a, à peine de nullité.

L’accusé ne peut être présent à ce procès-verbal, aussi à peine de nullité.

A la fin de ce procès-verbal, & sur la requisition ou les conclusions de la partie publique, le juge doit statuer sur l’admission ou rejet des pieces, à moins qu’il n’ordonne qu’il en sera réferé par lui au siége, auquel cas il y doit être pourvû par le conseil, après que le procès-verbal a été communiqué à la partie publique & civile.

Si les pieces de comparaison sont rejettées, la partie civile, s’il y en a, ou la partie publique, sont tenues d’en rapporter ou indiquer d’autres dans le délai qui leur a été prescrit, sinon il y sera pourvû.

Dans tous les cas où les pieces de comparaison sont admises, elles doivent être paraphées, tant par le juge que par la partie publique & par la partie civile, s’il y en a & si elle peut signer ; sinon il faut en faire mention, le tout à peine de nullité.

En procédant à l’audition des experts, ce qui se fait toûjours dans cette matiere par voie d’information & non de rapport, les pieces de comparaison, lorsqu’il en a été fourni, le procès-verbal de présentation de ces pieces, & l’ordonnance ou jugement qui les a reçûs, doivent être remis à chacun des experts, pour les voir & examiner séparément & en particulier sans déplacer ; & il faut faire mention de la remise & examen de ces pieces dans la déposition de chaque expert, sans qu’il en soit dressé aucun procès-verbal.

On ne doit point représenter les pieces de comparaison aux autres témoins, à moins que le juge en procédant à l’information, récollement ou confrontation de ces témoins, ne juge à-propos de leur représenter ces pieces ou quelques unes d’icelles, auquel cas elles doivent être paraphées par les témoins.

Les pieces de comparaison ou autres qui doivent être représentées aux experts, ne peuvent être représentées aux accusés avant la confrontation.

En tout état de cause les juges peuvent ordonner d’office ou sur la requête de la partie publique ou civile, que l’accusé sera tenu de faire un corps d’écriture tel qu’il lui sera dicté par les experts, ce qui sera fait par procès-verbal au greffe ; & à la fin du procès-verbal le juge peut ordonner que ce corps d’écriture sera reçû par piece de comparaison, & que les experts seront entendus par voie de déposition sur ce qui peut résulter du corps d’écriture comparé avec les pieces fausses ; ce qui a lieu quand même ils auroient déjà déposé sur d’autres pieces de comparaison : le juge peut néanmoins en ce cas nommer d’autres experts ou en adjoindre de nouveaux aux premiers, mais cela doit être fait par délibération du siége.

Si les experts sont incertains ou d’avis différens, le juge peut ordonner qu’il sera fourni de nouvelles pieces de comparaison.

Lors du récollement des experts & de la confrontation, les pieces de comparaison doivent être représentées aux experts & aux accusés, à peine de nullité.