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mes ne discernent pas leurs propres idées ; bien que chacune de leurs idées soit par elle-même claire & distincte par un discernement direct.

Mais pourquoi, discernant toûjours chacune de nos idées par un discernement direct, manquons-nous souvent à le faire par un discernement réflechi ? Cela vient de l’une des trois causes suivantes, ou des trois ensemble : 1° ou de nous, 2° ou des idées mêmes, 3° ou des mots établis pour exprimer les idées ; & c’est en ces trois points que consiste l’objet de la Logique. Voyez Logique. Art. de M. Formey.

Discernement des Esprits, c’est un don de Dieu dont parle S. Paul. I. Cor. xij. 11. Il consiste à discerner entre ceux qui se disent inspirés de Dieu, si c’est le bon ou le mauvais esprit qui les anime ou qui les inspire ; si ce sont de faux ou de vrais prophetes. Ce don étoit d’une très-grande importance dans l’ancien Testament, où il s’élevoit souvent de faux prophetes & des séducteurs qui trompoient les peuples ; & dans le nouveau, aux premiers siecles de l’Église, où les dons surnaturels étoient communs, où l’ange de satan se transfiguroit quelquefois en ange de lumiere, où les faux apôtres cachoient sous l’extérieur de brebis des sentimens de loups ravisseurs. Aussi S. Jean disoit aux fideles : Ne croyez point à tout esprit, mais éprouvez les esprits s’ils sont de Dieu. Voyez au Deutéronome, xviij. 20. 21. 22, les marques que Dieu donne pour distinguer les vrais d’avec les faux prophetes. Voyez Calmet. (G)

DISCIPLE, s. m. dans l’Evangile & dans l’Histoire profane & ecclésiastique, est le nom qu’on a donné à ceux qui suivoient un chef, un philosophe, comme leur maître & leur docteur.

Outre les apôtres, on en compte à J. C. 72, qui est le nombre marqué dans le chap. x. de S. Luc. Baronius reconnoît qu’on n’en sait point les noms au vrai. Le P. Riccioli en a donné un dénombrement, fondé seulement sur quelques conjectures. Il cite pour garants S. Hippolite, Dorothée, Papias, Eusebe, & quelques autres dont l’autorité n’est pas également respectable. Plusieurs théologiens prétendent que les curés représentent les 72 disciples, comme les évêques représentent les 12 apôtres. Il y a aussi des auteurs qui ne comptent que 70 disciples de J. C. Quoi qu’il en soit de leur nombre, les Latins font la fête des disciples du Sauveur, le 15 de Juillet ; & les Grecs la célebrent le 4 de Janvier. (G)

DISCIPLINE, s. f. (Gram.) dans son sens propre signifie instruction, gouvernement ; & au figuré, une maniere de vie reglée selon les lois de chaque profession.

On dit, discipline militaire, discipline ecclésiastique, ou discipline de l’église ; discipline réguliere ou monastique.

Discipline ecclésiastique, (Hist. ecclésiast.) La discipline de l’église est sa police extérieure quant au gouvernement, & elle est fondée sur les décisions & les canons des conciles, sur les decrets des papes, les lois ecclésiastiques, celles des princes chrétiens, & sur les usages & coûtumes du pays. D’où il s’ensuit que des réglemens sages & nécessaires dans un tems, n’ont plus été d’utilité dans un autre ; que certains abus, ou certaines circonstances, des cas imprévûs, &c. ont souvent exigé qu’on fît de nouvelles lois, quelquefois qu’on abrogeât les anciennes, & quelquefois aussi celles-ci se sont abolies par le non-usage. Il est encore arrivé qu’on a introduit, toléré, & supprimé des coûtumes ; ce qui a nécessairement introduit des variations dans la discipline de l’Église. Ainsi la discipline présente de l’Église pour la préparation des catéchumenes au baptême, pour la maniere même d’administrer le sacrement, pour la réconciliation des pénitens, pour la communion sous les deux especes, pour l’observation rigoureuse du

carême, en un mot sur plusieurs autres points qu’il seroit trop long de parcourir, n’est plus aujourd’hui la même qu’elle étoit dans les premiers siecles de l’Église. Elle a tempéré sa discipline, à certains égards, mais son esprit n’a point changé ; & si cette discipline s’est quelquefois relâchée, on peut dire que sur-tout depuis le concile de Trente on a travaillé avec succès à son rétablissement. Nous avons sur la discipline de l’Église, un ouvrage célebre du P. Thomassin de l’Oratoire, intitulé ancienne & nouvelle discipline de l’Église, touchant les bénéfices & les bénéficiers, où il a fait entrer presque tout ce qui a rapport au gouvernement ecclésiastique, & dont M. d’Hericourt, avocat au parlement, a donné un abregé, accompagné d’observations sur les libertés de l’église Gallicane. Nous en avons souvent tiré des lumieres pour divers articles répandus dans ce Dictionnaire.

Discipline, est aussi le châtiment ou la peine que souffrent les religieux qui ont failli, ou que prennent volontairement ceux qui se veulent mortifier. Voyez Chatiment, Flagellans.

Dupin observe que parmi toutes les austérités que pratiquoient les anciens moines & solitaires, il n’est point parlé de discipline ; il ne paroît pas même qu’elle ait été en usage dans l’antiquité, excepté pour punir les moines qui avoient péché. On croit communément que c’est S. Dominique l’Encuirassé, & Pierre Damien, qui ont introduit les premiers l’usage de la discipline ; mais, comme l’a remarqué D. Mabillon, Gui, abbé de Pomposie ou de Pompose, & d’autres encore, le pratiquoient avant eux. Cet usage s’établit dans le xj. siecle, pour racheter les pénitences que les canons imposoient aux péchés ; & on les rachetoit non-seulement pour soi, mais pour les autres. Voyez D. Mabillon.

Discipline se dit aussi de l’instrument avec lequel on se mortifie, qui ordinairement est fait de cordes noüées, de crin, de parchemin tortillé. On peint S. Jérôme avec des disciplines de chaînes de fer, armées de mollettes d’éperons. Voy. Flagellation. Voyez le dict. de Trév. & Chambers. (G)

Discipline militaire, c’est le gouvernement ou la maniere de conduire & de diriger les troupes. Des troupes bien disciplinées, sont des troupes qui ont de bons réglemens, & qui les observent exactement. Ainsi la discipline militaire consiste dans les réglemens & les ordonnances pour le service militaire, tant à la garnison ou au quartier, qu’en campagne ; & elle comprend aussi l’exécution de ces mêmes réglemens.

Sans la discipline, une armée ne seroit formée que d’un amas de volontaires, incapables de se réunir pour la défense commune, avides seulement du pillage & du desordre. C’est elle qui les réunit sous les ordres des officiers, auxquels ils doivent une obéissance aveugle pour tout ce qui concerne le service. « Ce n’est point tant la multitude des soldats qui rend une armée formidable, que la facilité de les rendre souples & fermes, & de ne faire de tant de membres différens qu’un corps animé du même esprit. Telles étoient ces petites armées des Grecs, qui avoient à combattre des millions de Perses. » Inst. milit. En effet, c’est à la discipline militaire que les Grecs doivent leurs victoires sur les Perses, & les Romains leurs conquêtes. Des troupes pour être bien disciplinées, doivent être exercées sans relâche. La meilleure discipline se perd dans le repos. Quelque habile & quelque hardi que soit un général à entreprendre de grandes actions, s’il manque, dit M. de Folard, à faire observer la discipline à ses troupes, ces grandes qualités lui seront inutiles, & elles le précipiteront dans les plus grandes infortunes. « La chose est d’autant plus grave, que le salut de l’état & leur gloire comme leur réputation, en dépen-