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eut toûjours successivement dans toutes les années suivantes des aides accordées, soit par les états généraux, soit par les états particuliers tenus dans les provinces ; qu’elles furent regies par des députés élûs par les états qui les accordoient, & qu’il y eut toûjours depuis à Paris des députés généraux, auxquels ceux des provinces ressortissoient.

De ces députés particuliers qui avoient la charge des aides & subsides dans les dioceses & principales villes du royaume, & qui étoient élûs par les députés des trois états, est venu le nom d’élû, qui est demeuré aux officiers établis dans les provinces pour avoir en premiere instance la connoissance de tout ce qui concerne les aides & subsides. Le nom de généraux des aides est demeuré aux députés généraux qui étoient préposés pour en avoir la direction générale en la ville de Paris, & recevoir l’appel des députés particuliers ou élûs distribués dans les provinces.

Les mêmes états généraux qui avoient accordé cette aide en 1355, s’étant rassemblés à Paris au premier Mars suivant, ainsi que le portoit la précedente ordonnance, la supprimerent, & imposerent à la place une capitation suivant les facultés & revenus de chacun, dont le clergé & la noblesse furent tenus comme les autres. L’ordonnance faite en conséquence le 13 Mars 1355, avant pâques, porte que l’aide & subside sera levé par les députés des trois états en chaque pays, & qu’à Paris il y aura six généraux députés auxquels on aura recours, & qui auront le gouvernement & ordonnance sur tous les autres députés, & seront leurs souverains & de tous ceux qui se mêleront du fait.

L’espérance que l’on avoit conçue de voir finir la guerre pour laquelle ces aides avoient été accordées, s’évanoüit bien-tôt par la perte de la bataille de Poitiers, qui se donna le 19 Septembre 1356 ; & la captivité du roi Jean, qui fut fait prisonnier à cette bataille, ayant réduit le royaume à la plus fâcheuse extrémité, il fallut songer à imposer de nouveaux subsides.

Charles dauphin de France reconnu pour lieutenant général du royaume, assembla les états de la Languedoil à Paris, au 15 Octobre 1356 ; mais ces états s’étant séparés infructueusement, ce prince prit le parti de s’adresser aux bonnes villes pour leur demander une aide, & il paroît que la plûpart en accorderent. A l’occasion des subsides accordés par les états particuliers d’Auvergne, il est parlé des généraux gouverneurs qui connoissoient de la maniere d’imposer ladite finance, oüir les plaintes & doutes, & les remédier & corriger.

Au mois de Février suivant, le dauphin assembla à Paris les états de la Languedoil, qui lui accorderent des subsides pour un an. L’ordonnance du mois de Mars 1356 faite en conséquence, porte que le subside sera levé par les gens élûs par les trois états. Les députés généraux qui devoient prêter serment entre les mains du roi, ne pouvoient rien faire s’ils n’étoient d’accord, ou au moins six d’entr’eux, savoir deux personnes de chaque état. On trouve un mandement du 17 Mai 1357, donné par les généraux élûs à Paris par les gens des trois états du royaume de France, sur le subside octroyé pour la guerre.

Les mêmes états de la Languedoil assemblés à Compiegne le 4 Mai 1358, accorderent au dauphin, qui venoit d’être déclaré régent par le parlement, une aide pour le fait des guerres, la délivrance du roi Jean, & la défense du royaume. Elle devoit commencer le 15 Mai & durer un an. Quoique plusieurs villes & provinces n’eussent point député à ces états, il paroît par une lettre du roi Jean à l’évêque de Soissons, que les états avoient arrêté que l’aide seroit levée, même sur ceux qui n’y avoient pas assisté, ce qui fut exécuté en vertu des états particuliers qui s’assem-

blerent dans les provinces. L’ordonnance du 14 Mai

1358, donnée par le régent au sujet de cette aide, veut que tous autres subsides cessent, remet tout ce qui en pouvoit être dû du passé, révoque les commissions des généraux à Paris & élûs dans les diocèses, & marque que les états ont élû & éliront des personnes de chaque état, qui gouverneront le fait de l’aide présentement octroyée, & qu’ils seront commis par le régent. Il paroît par des lettres du régent, du même jour, que dans cette assemblée les nobles avoient élu de leur part Sohier de Voisins, pour gouverner l’aide en la ville & diocèse de Paris. Cette aide consistoit au dixieme des revenus ecclésiastiques ; les nobles devoient payer douze deniers pour livre de leurs rentes ; les habitans des villes & châteaux fermés devoient entretenir un homme d’armes par 70 feux ; les serfs abonnés, un homme d’armes par 100 feux ; les serfs taillables, un pour 200 feux ; les pupilles, veuves, & autres qui n’avoient point de feux, douze deniers pour livre de leur revenu ; les serviteurs douze deniers pour livre de leurs salaires.

Le 25 Mai 1359, en l’assemblée des mêmes états à Paris, on fit la lecture d’un traité qui avoit été négocié à Londres ; mais les conditions ayant révolté tous les esprits, il fut résolu de continuer la guerre, & les états accorderent l’entretien de 1200 glaives ; c’étoit des troupes d’infanterie.

On n’a parlé ci-dessus que des états de la Languedoil ; ceux de la Languedoc pendant ce tems s’assemblerent séparément. Le 21 Octobre 1356 ils accorderent une aide, qui, suivant l’ordonnance confirmative du mois de Février suivant 1356, devoit être régie sous les ordres de vingt-quatre personnes choisies par les trois états. Après l’assemblée de Compiegne, en Mai 1358, il paroît qu’ils en accorderent une autre ; & une ordonnance du 2 Octobre 1360, marque qu’en 1359 ils avoient accordé certaines impositions & gabelles, qui devoient durer jusqu’à noël 1361.

Après la paix de Bretigny, conclue en 1360, le roi Jean revint en France vers la fin d’Octobre ; & par son ordonnance du 5 Décembre de cette année, il établit dans toute la Languedoil une aide pour payer sa rançon. Elle consistoit en douze deniers pour livre sur les marchandises & denrées vendues, le cinquieme sur le sel, & le treizieme sur le vin, & devoit être levée par ceux que le roi députeroit sur ce fait. L’ordonnance du 18 Décembre 1360, sur la maniere de lever cette aide, porte que les élûs enverront les deniers à Paris pardevant les généraux thrésoriers ordonnés pour le fait de cette aide, & que s’il arrive aucun trouble ou doute, les élûs des cités en écriront aux généraux thrésoriers à Paris, lesquels leur en feront déclaration.

Cette aide devoit être levée jusqu’à la perfection & entérinement de la paix, c’est-à-dire jusqu’à ce que le roi eût acquitté toutes les sommes qu’il s’étoit engagé de payer pour sa rançon dans l’espace de six ans. Elle devoit par conséquent finir avec l’année 1366 ; mais elle fut encore prolongée long-tems après ce terme.

M. Secousse remarque que pour imposer cette aide il ne fut peut-être pas nécessaire d’assembler les états, parce qu’elle étoit légitime, c’est-à-dire dûe par une loi suivant laquelle les vassaux & les sujets doivent une aide à leur seigneur lorsqu’il est obligé de payer une rançon ; ensorte qu’il faut dire que les états qui ont été assemblés pour cette aide, ne l’ont été que pour régler la maniere dont elle seroit levée & payée.

Le roi imposa en même tems en Languedoc une aide semblable pour sa rançon : elle devoit de même durer six années ; mais elle fut aussi continuée après ce tems.