geois de Montpellier. En un autre endroit il est dit que le sénéchal de Cahors sera conservateur des priviléges de cette ville. On trouve aussi que le sénéchal & le connétable de Carcassonne furent établis conservateurs & juges de cette ville pour une affaire particuliere. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tome III. pp. 327. 421. & 627.
Cette fonction de conservateur des villes a quelque rapport avec celle des officiers appellés chez les Romains defensores civitatum, lesquels étoient les juges du menu peuple & conservoient ses priviléges contre les entreprises des grands ; mais ils ne connoissoient que des affaires sommaires & de la fuite des esclaves : à l’égard des affaires importantes, ils les renvoyoient devant les gouverneurs des provinces.
Lorsque les Gaules eurent passé sous la domination des Romains, on y adopta insensiblement leurs lois & leurs usages. On voit dans les capitulaires de nos rois, que les officiers des villes étoient pareillement nommés defensores civitatis, curatores urbis, servatores loci ; il y a beaucoup d’apparence que les conservateurs établis dans plusieurs villes sous la troisieme race, succéderent à ces officiers appellés servatores loci, dont le nom a été rendu en notre langue par celui de conservateurs. Voyez le traité de la Police, tome I. liv. I. tit. xij. l’hist. de la Jurisprud. Rom. de M. Terrasson, p. 36. (A)
Conservateurs des Universités. Voyez Conservateur Apostolique & Conservateur des Priviléges royaux, &c. (A)
CONSERVATION, subst. f. (Métaphysiq.) La conservation du monde a été de tout tems un grand objet de méditation & de dispute parmi les Philosophes. On voit bien que toute créature a besoin d’être conservée. Mais la grande difficulté, c’est d’expliquer en quoi consiste l’action de Dieu dans la conservation.
Plusieurs, après Descartes, soûtiennent qu’elle n’est autre chose qu’une création continuée. Ils croient que nous dépendons de Dieu, non-seulement parce qu’il nous a donné l’existence, mais encore parce qu’il la renouvelle à chaque instant. Cette même action créatrice se continue toûjours, avec cette seule différence que dans la création elle a tiré notre existence du néant, & que dans la conservation elle soûtient cette existence, afin qu’elle ne rentre pas dans le néant. Une comparaison va rendre la chose sensible. Nous formons des images dans notre imagination : leur présence dépend d’une certaine opération de notre ame, qu’on peut comparer, en quelque façon, à la création. Pendant que cette opération dure, l’image reste présente : mais sitôt qu’elle cesse, l’image cesse aussi d’exister. De même pendant que l’opération créatrice de Dieu dure, l’existence des choses créées dure aussi : mais aussi-tôt que l’autre cesse, celle-ci cesse aussi.
Pour prouver leur sentiment, les Cartésiens se servent de plusieurs raisonnemens assez spécieux. Ils disent que chaque chose ayant été dépendante dans le premier moment de son existence, elle ne peut pas devenir indépendante dans les suivans. Il faut donc qu’elle garde, tous le tems qu’elle existe, la même dépendance qu’elle a eu dans le premier moment de sa création. Ils ajoûtent à cela, qu’il paroît même impossible de créer des êtres finis qui puissent exister d’eux-mêmes ; tout être fini étant indifférent à l’existence & à la non-existence, comme la matiere en elle-même est indifférente au mouvement & au repos.
Ce système a des avantages à quelques égards. Il donne une grande idée du domaine que Dieu a sur ses créatures. Il met l’homme dans la plus grande dépendance où il puisse être par rapport à Dieu. Nous ne sommes rien de nous-mêmes. Dieu est tout.
C’est en lui que nous voyons, que nous nous mouvons, que nous agissons. Si Dieu cessoit un moment de nous conserver, nous rentrerions dans le néant dont il nous a tiré. Nous avons besoin à chaque moment, non d’une simple permission qu’il nous donne d’exister, mais d’une opération efficace, réelle, & continuelle qui nous préserve de l’anéantissement. Toutes ces refléxions sont assûrement très-belles : mais d’un autre côté les conséquences qu’on tire de ce système ne font pas moins effrayantes.
Voici les conséquences odieuses dont il est impossible de se défaire dans ce système ; conséquences que M. Bayle a exposées en détail dans différens articles de son dictionnaire. Dans l’article de Pyrrhon il dit, que si Dieu renouvelle à chaque moment l’existence de notre ame, nous n’avons aucune certitude que Dieu n’ait pas laissé retomber dans le néant l’ame qu’il avoit continué de créer jusqu’à ce moment, pour y substituer une autre ame modifiée comme la nôtre. Dans l’article des Pauliciens, il dit que nous ne pouvons concevoir que l’être créé soit un principe d’action, & que recevant dans tous les momens de sa durée son existence, il crée en lui-même des modalités par une vertu qui lui soit propre ; d’où il conclut qu’il est impossible de comprendre que Dieu n’ait fait que permettre le peché. « Nous ne pouvons avoir, dit-il, dans l’article des Manichéens, aucune idée distincte qui nous apprenne comment un être qui n’existe point par lui-même, agit par lui-même. Enfin il dit encore dans l’article de Sennart : les scholastiques demandent si les actes libres de l’ame sont distincts de l’ame : s’ils n’en sont pas distincts, l’ame de l’homme en tant qu’elle veut le crime, est créée : ce n’est donc point elle qui se forme cet acte de volonté ; car puisqu’il n’est pas distinct de la substance de l’ame, & qu’elle ne sauroit se donner à elle-même son existence, il s’ensuit manifestement qu’elle ne peut se donner aucune pensée. Elle n’est pas plus responsable de ce qu’elle veut le crime hîc & nunc, que de ce qu’elle existe hîc & nunc ». Ceci doit nous apprendre combien les philosophes chrétiens doivent être circonspects à ne jamais rien hasarder dont on puisse abuser, & qu’il faille ensuite révoquer par diverses limitations pour en prévenir les fâcheuses conséquences.
Voyons maintenant l’opinion de Poiret. Suivant ce philosophe Dieu a donné à chaque être, dès la création même, la faculté de continuer son existence. Il suffisoit de commencer. Ils sont formés de telle façon qu’ils se soûtiennent eux-mêmes. Tout ce que le Créateur a maintenant à faire, c’est de les laisser exister & de ne pas les détruire par un acte aussi positif que celui de la création. Le monde est une horloge, qui étant une fois montée continue aussi long-tems que Dieu s’est proposé de la laisser aller.
On appuie principalement ce sentiment sur la puissance infinie de Dieu. Dieu, dit-on, n’auroit-il pas un pouvoir suffisant pour créer des êtres qui puissent d’eux-mêmes continuer leur existence ? Sa seule volonté ne suffit-elle pas pour les faire de telle sorte qu’ils n’ayent pas besoin d’un soutien continuel & d’une création réitérée sans cesse ? N’a-t-il pû leur donner une force permanente, en vertu de laquelle ils ne cesseront d’exister que quand il trouvera à-propos de les détruire ?
Ce sentiment ne donne pas seulement une grande idée de la puissance divine, mais il a encore des avantages qu’aucun des autres systèmes ne présente pour décider des questions, qui depuis long-tems embarrassent les philosophes. La liberté de l’homme n’est nulle part aussi bien établie que dans cette opinion. L’homme n’est dépendant qu’entant qu’il est créature, & qu’il a en Dieu la raison suffisante de