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la Litterature une pleine & entiere licence. Il est vrai qu’on accordoit aux auteurs poursuivis, la liberté de se défendre, c’est-à-dire d’illustrer leurs critiques, & de s’avilir, mais peu d’entre les hommes célebres ont donné dans ce piége. Le sage Racine disoit de ces petits auteurs infortunés (car il y en avoit aussi de son tems), ils attendent toûjours l’occasion de quelqu’ouvrage qui réussisse, pour l’attaquer ; non point par jalousie, car sur quel fondement seroient-ils jaloux ? mais dans l’espérance qu’on se donnera la peine de leur répondre, & qu’on les tirera de l’obscurité où leurs propres ouvrages les auroient laissés toute leur vie. Sans doute ils seront obscurs dans tous les siecles éclairés ; mais dans les tems où regnera l’ignorance orgueilleuse & jalouse, ils auront pour eux le grand nombre & le parti le plus bruyant ; ils auront sur-tout pour eux cette espece de personnages stupides & vains, qui regardent les gens de lettres comme des bêtes féroces destinées à l’amphitéatre pour l’amusement des hommes ; image qui, pour être juste, n’a besoin que d’une inversion. Cependant si les auteurs outragés sont trop au-dessus des insultes pour y être sensibles, s’ils conservent leur réputation dans l’opinion des vrais juges ; au milieu des nuages dont la basse envie s’efforce de l’obscurcir, la multitude n’en recevra pas moins l’impression du mépris qu’on aura voulu répandre sur les talens, & l’on verra peu-à-peu s’affoiblir dans les esprits cette considération universelle, la plus digne récompense des travaux littéraires, le germe & l’aliment de l’émulation.

Nous parlons ici de ce qui est arrivé dans les différentes époques de la Littérature, & de ce qui arrivera sur-tout, lorsque le beau, le grand, le sérieux en tout genre, n’ayant plus d’asyle que dans les bibliotheques & auprès d’un petit nombre de vrais amateurs, laisseront le public en proie à la contagion des froids romans, des farces insipides, & des sottises polémiques.

Quant à ce qui se passe de nos jours, nous y tenons de trop près pour en parler en liberté ; nos loüanges & nos censures paroîtroient également suspectes. Le silence nous convient d’autant mieux à ce sujet, qu’il est fondé sur l’exemple des Fontenelle, des Montesquieu, des Buffon, & de tous ceux qui leur ressemblent. Mais si quelque trait de cette barbarie que nous venons de peindre, peut s’appliquer à quelques-uns de nos contemporains, loin de nous retracter, nous nous applaudirons d’avoir présenté ce tableau à quiconque rougira ou ne rougira point de s’y reconnoître. Peut-être trouvera-t-on mauvais que dans un ouvrage de la forme de celui-ci, nous soyons entrés dans ce détail ; mais la vérité vient toûjours à-propos dès qu’elle peut être utile. Nous avoüerons, si l’on veut, qu’élle eût pû mieux choisir sa place ; mais par malheur elle n’a point à choisir.

Qu’il nous soit permis de terminer cet article par un souhait que l’amour des Lettres nous inspire, & que nous avons fait autrefois pour nous-mêmes. On voyoit à Sparte les vieillards assister aux exercices de la jeunesse, l’animer par l’exemple de leur vie passée, la corriger par leurs reproches, & l’instruire par leurs leçons. Quel avantage pour la république littéraire, si les auteurs blanchis dans de sçavantes veilles, après s’être mis par leurs travaux au-dessus de la rivalité & des foiblesses de la jalousie, daignoient présider aux essais des jeunes gens, & les guider dans la carriere ; si ces maîtres de l’art en devenoient les critiques ; si, par exemple, les auteurs de Rhadamiste & d’Alzire vouloient bien examiner les ouvrages de leurs éleves qui annonceroient quelque talent : au lieu de ces extraits mutilés, de ces analyses seches, de ces décisions ineptes, où l’on ne voit pas même les premieres notions de l’art, on auroit des jugemens éclairés par l’expérience &

prononcés par la justice. Le nom seul du critique inspireroit du respect, l’encouragement seroit à côté de la correction ; l’homme consommé verroit d’où le jeune homme est parti, où il a voulu arriver ; s’il s’est égaré dès le premier pas ou sur la route, dans le choix ou dans la disposition du sujet, dans le dessein ou dans l’exécution : il lui marqueroit le point où a commencé son erreur, il le rameneroit sur ses pas ; il lui feroit appercevoir les écueils où il s’est brisé, & les détours qu’il avoit à prendre ; enfin il lui enseigneroit non-seulement en quoi il a mal fait, mais comment il eût pû mieux faire, & le public profiteroit des leçons données au poëte. Cette espece de critique, loin d’humilier les auteurs, seroit une distinction flateuse pour leurs talens & pour leurs ouvrages ; on y verroit un pere qui corrigeroit son enfant avec une tendre sévérité, & qui pourroit écrire à la tête de ses conseils :

Disce puer virtutem ex me, verumque laborem.

Cet article est de M. Marmontel.

CRIVITZ, (Géographie.) ville d’Allemagne dans la basse-Saxe, au duché de Meklenbourg, dans le comté de Schwerin.

CRO

CROATIE, (Géog.) pays de Hongrie borné par l’Esclavonie, la Bosnie, la Dalmatie, le golfe de Venise & la Carniole. Il est presqu’entierement sous la domination de la maison d’Autriche ; le gouverneur qu’elle y établit, se nomme le ban de Croatie. Ce pays est fort exposé aux invasions des Turcs.

CROC, s. m. (Ustensile de ménage.) fer recourbé qui a une ou plusieurs pointes crochues, auxquelles on suspend de la viande de boucherie, de la volaille, &c. Ce terme a d’autres acceptions. V. les art. suiv.

Croc de Candelette, (Mar.) c’est un grand croc de fer avec lequel on prend l’ancre qui est tirée de l’eau, pour la remettre en sa place.

Crocs de palans ; ce sont deux crocs de fer qui sont mis à chaque bout d’une corde fort courte que l’on met au bout du palan, lorsqu’on a quelque chose à embarquer.

Crocs de palans de canon ; ce sont aussi des crocs de fer mis à chaque bout de ces palans : leur usage est de croquer à l’erse de l’affût, ou à un autre croc qui est à chaque côté du sabord.

Crocs de palanquin ; ce sont de petits crocs de fer qui servent à la manœuvre dont ils portent le nom. (Z)

Croc, terme de Riviere, perche de batelier ; elle a de longueur neuf ou dix pieds, & a au bout qui touche jusqu’au fond de l’eau, une pointe de fer avec un crochet. La pointe, en s’enfonçant dans l’eau, fixe le croc, & donne lieu au batelier d’employer toute sa force pour faire avancer le bateau. Le crochet sert à saisir les objets solides qui se trouvent sur la route du bateau le long de la rive, & à aider le batelier à avancer. Voyez Rame.

Crocs ou Crochets, (Maréchallerie.) On appelle ainsi quatre dents rondes & pointues qui croissent entre les dents de devant & les dents mâchelieres, plus près des dents de devant ; & cela au bout de trois ou quatre ans, sans qu’aucune dent de lait soit venue auparavant au même endroit. Presque tous les chevaux ont des crochets, mais il est assez rare d’en trouver aux jumens. Quelques-uns disent écaillons, mais ce terme est hors d’usage. Pousser des crochets se dit d’un cheval à qui les crochets commencent à paroître. (V)

* Croc, (Salines.) pieces de fer de deux piés & demi de longueur ou environ, recourbées par leurs extrémités, de maniere à entrer dans la sappe qui