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ment propres à engraisser promptement les bestiaux ; on a même l’expérience que le mouton n’y contracte jamais cette maladie qui lui corrompt le foie. Lorsqu’on s’apperçoit qu’un troupeau en est infecté, on le descend promptement dans les marais ; & si l’on n’a point trop attendu, il se rétablit. C’est du moins ce qu’on a jugé par l’ouverture de plusieurs de ces animaux qui avoient été visiblement attaqués de ce mal, & dont la partie du foie corrompue s’étoit desséchée : preuve sans replique de la nécessité de mêler beaucoup de sel dans la nourriture des bestiaux. Ces terres exigent une grande dépense en chaussées & en fosses profondes pour empêcher l’eau d’y séjourner, sur-tout celle de la mer. Elles sont aussi sujettes à manquer d’eau douce ; on y supplée par des citernes. On a également soin de planter des arbres & des haies élevées pour servir d’abri aux troupeaux, soit pendant les chaleurs, soit pendant l’hyver.

2°. Les terres marneuses. Voyez Marne. Je ne sais cependant si je dois rendre ainsi chalkly-lands. Le mot anglois chalk dérive du mot teutonique kalck, & tous deux signifient chaux & craie. Ce dernier n’est appliqué dans notre langue à la marne, que lorsqu’elle est calcinée : mais en anglois on la distingue en ce dernier état par le mot lime. Au contraire ils nomment marle ou marne, une terre grasse froide de sa nature ; ce qui est bien différent de notre marne dont la qualité est brûlante. Cette terre grasse & froide est bonne & propre à s’enfoncer par sa pesanteur, moins cependant que la pierre à chaux lime. On en distingue cinq especes.

La premiere est brune, veinée de bleu, mêlangée de petites mottes de pierre à chaux lime-stone : ils nomment cette espece cowshut-marle, ce qui je crois veut dire terre à bauge ; dès-lors c’est une espece de glaise.

La seconde est une maniere d’ardoise grasse ; elle en a pris le nom de slate-marle : elle est bleue ou bleuâtre, & se dissout aisément à la gelée ou à l’eau.

La troisieme espece est appellée diving-marle : ce mot signifie l’action de fouiller une mine ; cette espece est serrée, forte, & très-grasse.

La quatrieme est nommée clay-marle ou marne argilleuse, fort semblable à la glaise, tenant de sa nature, mais plus grasse, & quelquefois mêlée de craie en pierres, chalkstones.

Enfin la cinquieme est connue sous la dénomination de steel-marle ou marne dure. Elle se sépare d’elle-même en petites mottes de forme cubique, & se trouve communément à l’entrée des puits que l’on creuse. Celle-là me sembleroit plûtôt appartenir au genre des terres appellées chalklylands, & être notre véritable marne. Il y a sûrement de la confusion parmi les écrivains œconomiques de cette nation ; car je remarque qu’ils conseillent tantôt l’usage de la marne marle pour les terres froides, tantôt pour les terres chaudes. Ce qui confirme ce soupçon, c’est que dans le dernier cas ils nomment indifféremment cet engrais, clay qui veut dire glaise, & marle que nous rendons par marne.

La bonne ou la mauvaise qualité de cette marne angloise ne se discerne pas, tant par sa couleur que par sa pureté, c’est-à-dire que la moins mêlangée est préférable. Elle doit se briser en petits morceaux cubiques, être égale & douce comme de la mine de plomb, sans aucunes parties graveleuses ni sabloneuses. Si elle s’écaille comme l’ardoise, & qu’après une pluie ou exposée au soleil elle sech de nouveau & se réduise en poussiere, elle est certainement bonne. Quant à la qualité glissante au tact, gluante, ou huileuse, on n’en peut tirer aucune conjecture pour la bonté ; car on en trouve dans les mines qui est pu-

re, seche, qui se divise aisément, & qui devient

gluante si on la mouille.

Comme j’ai moins eu en vûe d’instruire que de proposer un point d’instruction à éclaircir, & que je n’ai point été en Angleterre, je ne rougis pas de mon embarras : je serois porté à croire que les Anglois ont mal-à-propos établi deux genres dans les terres argilleuses, & que nous n’avons pas assez distingué les especes ; il en résulteroit que des expériences & des recherches sur cette matiere pourroient contribuer infiniment à l’avancement de l’Agriculture. Car il est certain que toutes ces terres ont leur utilité pour en engraisser d’autres, & que nous manquons de mots pour rendre les diverses especes comprises sous celui de marle.

Soit que le mot chalkly-lands signifie simplement terres à chaux ou marneuses ou crétacées, cette qualité est assez commune en Angleterre. On en distingue de deux sortes : l’une est dure, seche, forte, & c’est la plus propre à calciner : l’autre est tendre & grasse ; elle se dissout facilement à l’eau & à la gelée ; elle est propre au labourage, & à améliorer presque toutes les autres terres, principalement celles qui sont froides ou aigres : pour cet effet on en mêle une charretée avec deux ou trois, soit de fumier, soit de vase ou de terreau, & l’on répand ensuite ce mêlange sur les champs ou sur les prairies.

Ces terres produisent naturellement du pavot, & toutes les autres especes d’herbes qui croissent dans des terreins chauds & secs : elles sont propres au sain-foin, au trefle ; & si elles sont un peu grasses, la luserne y réussit. Le froment, l’orge, & l’avoine, sont les semences ordinaires qu’on leur donne.

L’engrais de ces terres est le parcage des moutons, le fumier ordinaire, de vieux chiffons, des rognures de draps qu’on coupe en très-petits morceaux, & qu’on jette sur la terre immédiatement après qu’on a semé. Ces rognures se vendent par sac ; on en répand quatre par acre : chaque sac contient six boisseaux, qui pesent environ trois cent quatre-vingts livres poids de marc.

S’il vient à pleuvoir immédiatement après les semailles avant que le grain ait levé, cette terre est sujette à se lier de façon que la pointe de l’herbe ne peut la pénétrer.

Dans la province de Hartford on prévient cet inconvénient, en fumant ces sortes de terres avec du fumier à moitié consommé : quelques-uns y mêlent une certaine quantité de sable. Ordinairement on les ensemence avec du froment, du méteil, de l’orge ; seulement après le froment on fait une récolte de pois ou de vesces.

Troisieme qualité, les terres argilleuses ou claylands. On distingue cinq sortes de glaises en Angleterre. La premiere appellée pure, est tendre & molle à la dent comme du beurre, sans le moindre mêlange graveleux ; du moins elle est plus parfaite à mesure qu’elle est plus pure : elle se divise elle même en plusieurs qualités dont on tire la terre à foulon & l’engrais des terres. La terre à foulon est jaunâtre à Northampton, brune à Hallifax, & blanche dans les mines de plomb de la province de Derby. Cette qualité est la plus rafinée de celles de la premiere espece.

Il se trouve de la glaise pure dans les puits de marne, qui est d’un jaune pâle.

Dans les mines de charbon de terre on en rencontre une qualité qu’on appelle écaille de savon.

Enfin il y a cette glaise brune tirant sur le bleu, que les Anglois appellent indifféremment clay & marle. Ils en font un très-grand usage dans la culture des terres maigres, légeres, & sabloneuses. C’est dans le comté d’York que cette pratique a commencé, ou pour parler plus exactement, s’est renouvel-