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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/583

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portent ceux qui nous observent, & nous remplirons notre tâche.

La curiosité de certaines gens, qui sous prétexte d’amitié & d’intérêt s’informent avidement de nos affaires, de nos projets, de nos sentimens, & qui suivant le poëte,

Scire volunt secreta domûs, atque inde timeri ;

cette curiosité, dis-je, de saisir les secrets d’autrui par un principe si bas, est un vice honteux. Les Athéniens étoient bien éloignés de cette bassesse, quand ils renvoyerent à Philippe de Macédoine les lettres qu’il adressoit à Olympias, sans que les justes allarmes qu’ils avoient de sa grandeur, ni l’espérance de découvrir des choses qui les intéressassent, pût les persuader de lire ses dépêches. Marc Antonin brûla des papiers de gens qu’il suspectoit, pour n’avoir, disoit-il, aucun sujet fondé de ressentiment contre personne.

La curiosité pour toutes sortes de nouvelles, est l’apanage de l’oisiveté ; la curiosité qui provient de la jalousie des gens mariés est imprudente ou inutile ; la curiosité . . . . . Mais c’est assez parler d’especes de curiosités déraisonnables ; mon dessein n’est pas de parcourir toutes celles de ce genre : j’aime bien mieux me fixer à la curiosité digne de l’homme, & la plus digne de toutes, je veux dire le desir qui l’anime à étendre ses connoissances, soit pour élever son esprit aux grandes vérités, soit pour se rendre utile à ses concitoyens. Tâchons de développer en peu de mots l’origine & les bornes de cette noble curiosité.

L’envie de s’instruire, de s’éclairer, est si naturelle, qu’on ne sauroit trop s’y livrer, puisqu’elle sert de fondement aux vérités intellectuelles, à la science & la sagesse.

Mais cette envie de s’éclairer, d’étendre ses lumieres, n’est pas cependant une idée propre à l’ame, qui lui appartienne dès son origine, qui soit indépendante des sens, comme quelques personnes l’ont imaginé. De judicieux philosophes, entre autres M. Quesnay, ont démontré (Voyez son ouvrage de l’econ. anim.) que l’envie d’étendre ses connoissances est une affection de l’ame qui est excitée par les sensations ou les perceptions des objets que nous ne connoissons que très-imparfaitement. Cette idée nous fait non-seulement appercevoir notre ignorance, mais elle nous excite encore à acquérir, autant qu’il est possible, une connoissance plus exacte & plus complete de l’objet qu’elle représente. Lorsque nous voyons, par exemple, l’extérieur d’une montre, nous concevons qu’il y a dans l’intérieur de cette montre diverses parties, une organisation méchanique, & un mouvement qui fait cheminer l’aiguille qui marque les heures : de-là naît un desir qui porte à ouvrir la montre pour en examiner la construction intérieure. La curiosité ne peut donc être attribuée qu’aux sensations & aux perceptions qui nous affectent, & qui nous sont venues par la voie des sens.

Mais ces sensations, ces perceptions, pour être un peu fructueuses, demandent un travail, une application continuée ; autrement nous ne retirerons aucun avantage de notre curiosité passagere ; nous ne découvrirons jamais la structure de cette montre, si nous ne nous arrêtons avec attention aux parties qui la composent, & dont son organisation, son mouvement, dépendent. Il en est de même des sciences ; ceux qui ne font que les parcourir légerement, n’apprennent rien de solide : leur empressement à s’instruire par nécessité momentanée, par vanité, ou par légereté, ne produit que des idées vagues dans leur esprit ; & bientôt même des traces si légeres seront effacées.

Les connoissances intellectuelles sont donc à plus forte raison insensibles à ceux qui font peu d’usage de l’attention : car ces connoissances ne peuvent s’acquérir que par une application suivie, à laquelle la plûpart des hommes ne s’assujettissent guere. Il n’y a que les mortels formés par une heureuse éducation qui conduit à ces connoissances intellectuelles, ou ceux que la vive curiosité excite puissamment à les découvrir par une profonde méditation, qui puissent les saisir distinctement. Mais quand ils sont parvenus à ce point, ils n’ont encore que trop de sujet de se plaindre de ce que la nature a donné tant d’étendue à notre curiosité, & des bornes si étroites à notre intelligence. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

CURLANDE ou COURLANDE, (Géog. mod.) province avec titre de duché, dans la Livonie, sous la protection de la Pologne. Il est borné par la Livonie, la Lithuanie, la Samogitie, & la mer Baltique. Ce pays se divise en deux parties, la Courlande & le Semigalle. Ce pays est fertile. Mittau en est la capitale.

CURLES, terme de Cordier. Voyez Molettes.

CURMI, s. m. (Œcon. rustiq.) boisson ancienne qui se fait avec l’orge, & qui a beaucoup de rapport avec la bierre. Elle est encore d’usage dans les contrées du Nord. Les anciens en bûvoient au lieu de vin : mais leurs medecins la regardoient comme mal saine.

CUROIR, s. m. (Agriculture.) c’est dans quelques endroits une serpe, dans d’autres un bâton dont le laboureur se sert pour dégager l’oreille de la charrue, de la terre qui s’y attache lorsqu’elle est grasse & humide.

CUROVIA, (Géog. mod.) ville de la petite Pologne, dans le palatinat de Sendomir.

CURSEUR, s. m. (Geom.) se dit d’une petite regle ou lame, ou pointe de cuivre ou d’autre matiere, qui glisse dans une fente ou coulisse pratiquée au milieu d’une autre lame ou regle, sur laquelle le curseur est toûjours à angles droits. Ainsi on appelle curseur une pointe à vis, qui s’enchâsse dans le compas à coulisse, & qu’on peut faire glisser à volonté le long du compas pour tracer de grands ou de petits cercles suivant le besoin. Voyez Compas à coulisse. (E)

Curseurs apostoliques, (Hist. ecclés.) officiers de la cour de Rome, qui représentent les anciens curseurs dont l’histoire ecclésiastique fait mention, & qui du tems des persécutions portoient les lettres des évêques pour avertir les fideles de se trouver aux assemblées. Les curseurs apostoliques ont la fonction d’avertir les cardinaux, les ambassadeurs, & les princes du throne de se trouver aux consistoires, aux cavalcades, aux chapelles papales, selon la volonté du pape dont ils prennent les ordres qu’ils vont ensuite annoncer à qui il appartient, portant une robe violette & à la main un bâton d’épine. Chaque cardinal est obligé de leur donner audience sur le champ, debout & découvert ; & les curseurs mettant un genou en terre, s’acquittent de leur message avec les formules accoûtumées ; mais ils ne s’agenouillent pas devant les ambassadeurs ni devant les princes du throne. Ils intiment aussi les obseques d’un cardinal à tout le sacré collége & aux quatre ordres mendians. Les héritiers du cardinal leur donnent dix ducats, di camera, vingt-quatre livres de cire, & huit ducats di moneta. Chaque nouveau cardinal leur doit dix ducats di camera. Dans les cavalcades du pape ils accompagnent sa litiere, montés sur des mules, revêtus de leur robe violette, & portant une masse d’argent. Ils sont au nombre de dix-neuf, dont l’un exerce pendant trois mois l’office de maître des curseurs, & c’est à lui seul que sont adressées toutes les com-