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seuls noms. Ce mot vient de ce que tout nom a d’abord sa premiere terminaison, qui est la terminaison absolue ; musa, dominus, &c. C’est ce que les Grammairiens appellent le cas direct, in recto. Les autres terminaisons s’écartent, déclinent, tombent de cette premiere, & c’est de-là que vient le mot de déclinaison, & celui de cas : declinare, se détourner, s’écarter, s’éloigner de : nomina recto casu accepto, in reliquos obliquos declinant. Varr. de linguâ latinâ, l. VII. Ainsi la déclinaison est la liste des différentes inflexions ou désinances des noms, selon les divers ordres établis dans une langue. On compte en latin cinq différens ordres de terminaisons, ce qui fait les cinq déclinaisons latines : elles different d’abord l’une de l’autre par la terminaison du génitif. On apprend le détail de ce qui regarde les déclinaisons, dans les grammaires particulieres des langues qui ont des cas, c’est-à-dire dont les noms changent de terminaison ou désinance.

La Grammaire générale de Port-royal, chap. xvj. dit qu’on ne doit point admettre le mode optatif en latin ni en françois, parce qu’en ces langues l’optatif n’a point de terminaison particuliere qui le distingue des autres modes. Ce n’est pas de la différence de service que l’on doit tirer la différence des modes dans les verbes, ni celle des déclinaisons ou des cas dans les noms ; ce sont uniquement les différentes inflexions ou désinances qui doivent faire les divers modes des verbes, & les différentes déclinaisons des noms. En effet, la même inflexion peut avoir plusieurs usages, & même des usages tout contraires, sans que ces divers services apportent de changement au nom que l’on donne à cette inflexion. Musam n’en est pas moins à l’accusatif, pour être construit avec une préposition ou bien avec un infinitif, ou enfin avec un verbe à quelque mode fini.

On dit en latin dare alicui & eripere alicui, ce qui n’empêche pas que alicui ne soit également au datif, soit qu’il se trouve construit avec dare ou avec eripere.

Je conclus de ces réflexions, qu’à parler exactement il n’y a ni cas ni déclinaisons dans les langues, où les noms gardent toûjours la même terminaison, & ne different tout au plus que du singulier au pluriel.

Mais il doit y avoir des signes de la relation des mots, sans quoi il ne résulteroit aucun sens de leur assemblage. Par exemple, si je dis en françois César vainquit Pompée, César étant nommé le premier, cette place ou position me fait connoître que César est le sujet de la proposition ; c’est-à-dire que c’est de César que je juge, que c’est à César que je vais attribuer ce que le verbe signifie action, passion, situation ou état. Mais je ne dirai pas pour cela que César soit au nominatif ; il est autant au nominatif que Pompée.

Vainquit est un verbe ; or en françois la terminaison du verbe en indique le rapport : je connois donc par la terminaison de vainquit, que ce mot est dit de César.

Pompée étant après le verbe, je juge que c’est le nom de celui qui a été vaincu : c’est le terme de l’action de vainquit : mais je ne dis pas pour cela que Pompée soit à l’accusatif. Les noms françois gardant toûjours la même terminaison dans le même nombre, ils ne sont ni à l’accusatif ni au génitif ; en un mot ils n’ont ni cas ni déclinaison.

S’il arrive qu’un nom françois soit précedé de la préposition de, ou de la préposition à, il n’en est pas plus au génitif ou au datif, que quand il est précedé de par ou de pour, de sur ou de dans, &c.

Ainsi en françois & dans les autres langues dont les noms ne se déclinent point, la suite des rapports des mots commence par le sujet de la proposition ;

après quoi viennent les mots qui se rapportent à ce sujet, ou par le rapport d’identité, ou par le rapport de détermination : je veux dire que le correlatif est énoncé successivement après le mot auquel il se rapporte, comme en cet exemple, César vainquit Pompée.

Le mot qui précede excite la curiosité, le mot qui suit la satisfait. César, que fit-il ? il vainquit, & qui ? Pompée.

Les mots sont aussi mis en rapport par le moyen des prépositions : un temple de marbre, l’âge de fer. En ces exemples, & en un très-grand nombre d’exemples semblables, on ne doit pas dire que le nom qui suit la préposition soit au génitif ou à l’ablatif, parce que le nom françois ne change point sa terminaison, après quelque préposition que ce soit ; ainsi il n’a ni génitif ni ablatif. En latin marmoris & ferri seroient au génitif, & marmore & ferro à l’ablatif. La terminaison est différente ; & ce qu’il y a de remarquable, c’est que notre équivalent au génitif des Latins, étant un nom avec la préposition de, nos Grammairiens ont dit qu’alors le nom étoit au génitif, ne prenant pas garde que cette façon de parler nous vient de la préposition latine de, qui se construit toûjours avec le nom à l’ablatif :

Et viridi in campo templum de marmore ponam.
Virg. Géorg. l. III. v. 13.

Et Ovide parlant de l’âge de fer, qui fut le dernier, dit :

De duro est ultima ferro. Ovid. Mét. l. I. v. 127.

Il y a un très-grand nombre d’exemples pareils dans les meilleurs auteurs, & encore plus dans ceux de la basse latinité. Voyez ce que nous avons dit à ce sujet au mot Article & au mot Datif.

Comme nos Grammairiens ont commencé d’apprendre la Grammaire relativement à la Langue latine, il n’est pas étonnant que par un effet du préjugé de l’enfance, ils ayent voulu adapter à leur propre langue les notions qu’ils avoient prises de cette Grammaire, sans considérer que hors certains principes communs à toutes les langues, chacune a d’ailleurs ses idiotismes & sa Grammaire ; & que nos noms conservant toûjours en chaque nombre la même terminaison, il ne doit y avoir dans notre langue ni cas ni déclinaisons. La connoissance du rapport des mots nous vient ou des terminaisons des verbes, ou de la place des mots, ou des prépositions par, pour, en, à, de, &c. qui mettent les mots en rapport, ou enfin de l’ensemble des mots de la phrase.

S’il arrive que dans la construction élégante l’ordre successif dont j’ai parlé soit interrompu par des transpositions ou par d’autres figures, ces pratiques ne sont autorisées dans notre langue, que lorsque l’esprit, après avoir entendu toute la phrase, peut aisément rétablir les mots dans l’ordre successif, qui seul donne l’intelligence. Par exemple dans cette phrase de Télémaque, là coulent mille divers ruisseaux, on entend aussi aisément le sens, que si l’on avoit lû d’abord, mille divers ruisseaux coulent-là. La transposition qui tient d’abord l’esprit en suspens, rend la phrase plus vive & plus élégante. Voyez Article, Cas, Concordance, Construction. (F)

Déclinaison, en terme d’Astronomie, signifie la distance qu’il y a du soleil, d’une étoile, d’une planete, ou de quelqu’autre point de la sphere du monde, à l’équateur, soit vers le Nord, soit vers le Sud. Voyez Equateur.

La déclinaison est ou réelle ou apparente, selon que le lieu où l’on considere l’astre est son lieu vrai ou son lieu apparent. Voyez Lieu. La déclinaison