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tenant que Dieu se mêle des affaires des hommes, s’imaginent qu’il se plaît dans leurs superstitions & dans leurs égaremens : 4°. enfin ceux qui reconnoissent que Dieu a donné aux hommes une religion pour les conduire, mais qui en réduisent tous les principes aux sentimens naturels de l’homme, & qui prennent tout le reste pour fiction. Traité de la vérité de la Religion chrétienne, tome I. sect. ij. chap. 1. On peut voir dans le même auteur avec quelle force il combat ces quatre especes de Déistes par les seules armes de la raison. Voyez Christianisme.

M. l’abbé de la Chambre docteur de Sorbonne, dans un traité de la véritable Religion, imprimé à Paris en 1737, parle des Déistes & de leurs opinions d’une maniere encore plus précise. « On nomme Déistes, dit cet auteur, tous ceux qui admettent l’existence d’un être suprème, auteur & principe de tous les êtres qui composent le monde, sans vouloir reconnoître autre chose en fait de religion, que ce que la raison laissée à elle-même peut découvrir. Tous les Déistes ne raisonnent pas de la même maniere : on peut réduire ce qu’ils disent à deux différentes hypotheses.

» La premiere espece de Déistes avance & soûtient ces propositions : Il faut admettre l’existence d’un être suprème, éternel, infini, intelligent, créateur, conservateur & souverain maître de l’univers, qui préside à tous les mouvemens & à tous les évenemens qui en résultent. Mais cet être suprème n’exige de ses créatures aucun devoir, parce qu’il se suffit à lui-même.

» Dieu seul ne peut périr ; toutes les créatures sont sujettes à l’anéantissement, l’être suprème en dispose comme il lui plaît : maître absolu de leur sort, il leur distribue les biens & les maux selon son bon plaisir, sans avoir égard à leurs différentes actions, parce qu’elles sont toutes de même espece devant lui.

» La distinction du vice & de la vertu est une pure chicane aux yeux de l’être suprème ; elle n’est fondée que sur les lois arbitraires des sociétés. Les hommes ne sont comptables de leurs actions qu’au tribunal de la justice séculiere. Il n’y a ni punition ni récompense à attendre de la part de Dieu après cette vie.

» La seconde espece de Déistes raisonne tout autrement. L’être suprème, disent-ils, est un être éternel, infini, intelligent, qui gouverne le monde avec ordre & avec sagesse ; il suit dans sa conduite les regles immuables du vrai, de l’ordre & du bien moral, parce qu’il est la sagesse, la vérité, & la sainteté par essence. Les regles éternelles du bon ordre sont obligatoires pour tous les êtres raisonnables ; ils abusent de leur raison lorsqu’ils s’en écartent. L’éloignement de l’ordre fait le vice, & la conformité à l’ordre fait la vertu. Le vice mérite punition, & la vertu mérite récompense. . . . Le premier devoir de l’homme est de respecter, d’honorer, d’estimer & d’aimer l’être suprème, de qui il tient tout ce qu’il est ; & il est obligé par état de se conformer dans toutes ses actions à ce que lui dicte la droite raison.

» Les hommes sont agréables ou desagréables à Dieu, à proportion de l’exactitude ou de la négligence qu’ils ont pour la pratique des devoirs que la raison éternelle leur impose. Il est juste qu’il récompense ceux qui s’attachent à la vertu, & qu’il punisse ceux qui se livrent aux mouvemens déréglés de leurs passions ; mais comme l’expérience montre que l’impie triomphe dans cette vie, tandis que le juste y est humilié, il faut qu’il y ait une autre vie, où chacun recevra selon ses œuvres. L’immortalité glorieuse sera le fruit de la vertu, l’ignominie & l’opprobre seront le fruit du

vice ; mais cet état de peine & de douleur ne durera pas toûjours. Il est contre l’ordre de la justice, disent les Déistes, qu’on punisse éternellement une action d’un moment. V. Damnation. Enfin ils ajoûtent que la religion ayant pour but principal la réformation des mœurs, l’exactitude à remplir les devoirs que la raison prescrit par rapport à Dieu, à soi-même & au prochain, forme les vrais adorateurs de l’être suprème. »

Le même auteur, après avoir exposé ces deux systèmes, propose la méthode de les réfuter. Elle consiste à prouver, « 1°. que les bornes qui séparent le vice d’avec la vertu, sont indépendantes des volontés arbitraires de quelqu’être que ce soit : 2°. que cette distinction du bien & du mal, antérieure à toute loi arbitraire des législateurs, & fondée sur la nature des choses, exige des hommes qu’ils pratiquent la vertu & qu’ils s’éloignent du vice : 3°. que celui qui fait le bien mérite récompense, & que celui qui s’abandonne au crime mérite punition : 4°. que la vertu n’étant pas toûjours récompensée sur la terre, ni le vice puni, il faut admettre une autre vie, où le juste sera heureux & l’impie malheureux : 5°. que tout ne périt pas avec le corps, & que la partie de nous-mêmes qui pense & qui veut, & qu’on appelle ame, est immortelle : 6°. que la volonté n’est point nécessitée dans ses actions, & qu’elle peut à son choix pratiquer la vertu & éviter le mal : 7°. que tout homme est obligé d’aimer & d’estimer l’être suprème, & de témoigner à l’extérieur les sentimens de vénération & d’amour dont il est pénétré à la vûe de sa grandeur & de sa majesté : 8°. que la religion naturelle, quoique bonne en elle-même, est insuffisante pour apprendre à l’homme quel culte il doit rendre à la divinité ; & qu’ainsi il en faut admettre une surnaturelle & révelée, ajoûtée à celle de la nature. » Traité de la véritable Religion, tome II. part. ij. pag. 1. 2. 3. 4. 5. & 6.

C’est la méthode qu’a suivie cet auteur dans huit dissertations particulieres, & l’on peut dire qu’elle est excellente contre les Déistes de la premiere espece. Mais ceux de la seconde convenant avec nous d’une partie de ces propositions, il semble qu’on pourroit suivre contr’eux une voie bien plus abrégée : ce seroit de prouver, 1°. l’insuffisance de la loi naturelle, 2°. la nécessité d’une révélation, 3°. la certitude & la divinité de la révélation contenue dans les écritures des Juifs & des Chrétiens, parce que la nécessité d’un culte extérieur & l’éternité des peines sont des conséquences faciles à admettre, quand ces trois points sont une fois démontrés. (G)

DEITÉ, s. f. divinité, nom donné en général par les Poëtes aux dieux & aux déesses du Paganisme. Dans notre langue, ce terme n’est d’usage qu’en Poésie, ou dans les traités de poétique. (G)

DEIVIRIL, adj. (Théol.) terme employé par les Théologiens pour signifier en Jesus-Christ des opérations, qui tenoient en même tems de la nature divine & de la nature humaine ; comme le marque ce mot composé de Deus, Dieu, & virilis dérivé de vir, homme. Les Grecs exprimoient la même chose par le mot théandrique. Voyez Theandrique.

C’est dans ce sens que S. Denys appellé vulgairement l’Aréopagite dans son épître jv. à Caïus, disoit : ab Incarnationis tempore non secundum Deum divina gessit Christus ; nec humana secundum hominem : verum Deo viro facto novam quamdam theandricam seu Dei virilem operationem expressit in vitâ.

Les Monothélites lisoient unam operationem, au lieu de novam, pour établir leur opinion de l’unité de volonté en Jesus-Christ.

M. Witasse, dans son traité de l’Incarnation, part. II. quæst. vj. art. 3. sect. 3. remarque que ni les an-