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préteur qui accordoit ce délai ; que si l’esclave appartenoit à plusieurs maîtres, tous avoient le délai.

L’édit du préteur portoit que si on lui demandoit un délai pour délibérer, il l’accorderoit ; ce qui fait connoître que l’on n’avoit point ce délai sans le demander.

La durée de ce délai n’étant point fixée par l’édit, il étoit au pouvoir du juge de le fixer : on ne devoit pas accorder moins de cent jours, ce qui revient à trois mois & quelques jours. Le premier délai n’étant pas suffisant, on en accordoit quelquefois un second, & même un troisieme ; mais cela ne se devoit faire que pour une cause importante.

Le délai pour délibérer fut introduit non-seulement en faveur des créanciers, mais aussi pour l’héritier institué ; c’est pourquoi le juge devoit accorder aux uns & aux autres la facilité de voir les pieces, pour connoître s’ils accepteroient ou non.

Si l’hérédité étoit considérable, & qu’il y eût des choses sujettes à dépérir, comme certaines provisions de bouche ; ou de trop grande dépense, comme des chevaux, on permettoit à l’héritier qui délibéroit, de les vendre.

Quand c’étoit pour un pupille que l’on donnoit du tems pour délibérer, on ne devoit point pendant ce délai permettre aucune aliénation, ni d’exercer aucune action qu’en grande connoissance de cause, ou pour une nécessité absolue.

Le fils héritier de son pere, devoit être nourri aux dépens de l’hérédité, pendant qu’il délibéroit.

Enfin s’il y avoit plusieurs degrés d’héritiers institués au défaut les uns des autres, on devoit observer dans chaque degré les mêmes regles par rapport au délai pour délibérer.

Les lois du code veulent qu’on accorde un délai modéré pour délibérer ; que le droit de délibérer se transmette à toutes sortes d’héritiers & successeurs de celui qui délibere ; que l’héritier qui ne fait point d’inventaire, renonce ou accepte dans trois mois du jour qu’il a eu connoissance que la succession est ouverte à son profit ; que s’il veut faire inventaire, il doit le commencer dans trente jours au plûtard, & le finir dans les soixante jours suivans : que si les héritiers ne sont pas dans le lieu où sont les biens, ils auront un an pour faire inventaire ; que le prince peut accorder délai d’un an, & le juge de neuf mois seulement.

L’ordonnance de 1667, tit. vij. porte que l’héritier aura trois mois depuis l’ouverture de la succession, pour faire inventaire, & quarante jours pour délibérer ; que si l’inventaire a été fait avant les trois mois, le délai de quarante jours commencera du jour qu’il a été achevé.

Celui qui est assigné comme héritier en action nouvelle ou en reprise, n’a aucun délai pour délibérer, lorsqu’avant l’échéance de l’assignation il y a plus de quarante jours que l’inventaire a été fait, en sa présence ou de son procureur, ou lui dûement appellé.

Si au jour de l’échéance de l’assignation les délais de trois mois pour faire inventaire, & de quarante jours pour délibérer, n’étoient pas encore expirés, l’héritier en ce cas a le reste du délai, soit pour faire inventaire, soit pour faire sa déclaration ; & si les délais étoient expirés, il n’aura aucun délai pour délibérer, quand même il n’auroit point été fait d’inventaire.

Cependant si l’héritier justifioit que l’inventaire n’a pû être fait dans les trois mois, pour n’avoir point eu connoissance du décès du défunt, ou à cause des oppositions ou contestations survenues, ou autrement, on doit lui accorder un délai convenable pour faire inventaire, & quarante jours pour délibérer ;

& ce délai doit être réglé à l’audience, sans

que la cause puisse être appointée.

Enfin l’ordonnance veut que la veuve assignée en qualité de commune, ait les mêmes délais que l’héritier, & sous les mêmes conditions, pour faire inventaire & pour délibérer.

Quand on dit que l’héritier & la veuve ont quarante jours après l’inventaire pour délibérer s’ils accepteront ou s’ils renonceront à la communauté, cela doit s’entendre lorsqu’ils sont poursuivis pour prendre qualité ; car hors ce cas l’héritier peut en tout tems renoncer à la succession, & pareillement la veuve à la communauté, pourvû que les choses soient entieres, c’est-à-dire qu’ils ne se soient point immiscés. Voyez Heritier, Inventaire, Renonciation, Communauté, Veuve. (A)

Délibérer, en termes de Manege, se dit d’un cheval qu’on accoûtume, qu’on résout, qu’on détermine à certains airs, comme au pas, au trot, au galop, ou à quelques maneges relevés. Il ne faut point délibérer un cheval à caprioles, qu’on ne l’ait bien délibéré au manege de guerre & au terre-à-terre. Il ne faut point faire lever le devant d’un cheval qu’il ne soit délibéré, & n’obéisse à la main & aux aides du talon ; qu’il n’échappe de vîtesse & forme bien son arrêt. Voyez Arrêt. Chambers. (V)

* DÉLICAT, adj. (Gramm.) se dit au simple & au figuré. On dit au simple qu’un ouvrage est délicat, lorsque les parties qui le composent sont déliées, fragiles, & n’ont pû être travaillées qu’avec beaucoup de peine, d’adresse & d’attention de la part de l’ouvrier : en ce sens, rien n’est si délicat que ces petites chaînes qui nous viennent d’Allemagne, rien n’est si délicat que les montres en bague du sieur Jodin. On dit encore au simple, d’un ouvrage, que le travail en est délicat ; alors le mot délicat ne concerne pas les parties de l’ouvrage qui peuvent être très-solides, mais la main d’œuvre qui a exécuté sur ces parties des ornemens, des formes qui montrent une grande légereté de dessein, de burin, de lime, & un goût exquis. Au figuré, on dit d’une pensée qu’elle est délicate, lorsque les idées en sont liées entr’elles par des rapports peu communs qu’on n’apperçoit pas d’abord, quoiqu’ils ne soient point éloignés ; qui causent une surprise agréable ; qui réveillent adroitement des idées accessoires & secrettes de vertu, d’honnêteté, de bienveillance, de volupté, de plaisir, & qui insinuent indirectement aux autres la bonne opinion qu’on a ou d’eux ou de soi. On dit d’une expression qu’elle est délicate, lorsqu’elle rend l’idée clairement, mais qu’elle est empruntée par métaphore d’objets écartés, que nous voyons tout-d’un-coup rapprochés, avec plaisir & surprise. On dit qu’une table est délicatement servie, lorsque les mets en sont recherchés & pour la qualité & pour l’assaisonnement. Faire entre les objets des distinctions délicates, c’est y remarquer des différences fines qui échappent, même aux bons yeux, & qui ne frappent que les excellens.

Délicat, adj. en Peinture, est une façon de peindre & de dessiner, qui approche du mesquin, sans qu’on puisse cependant lui reprocher ce vice. On dit en éloge, cela est délicatement touché, délicatement exprimé, rendu avec délicatesse, ce qui pour lors a rapport à l’esprit. (R)

* DÉLICIEUX, adj (Gramm.) ce terme est propre à l’organe du goût. Nous disons d’un mets, d’un vin, qu’il est délicieux, lorsque le palais en est flatté le plus agréablement qu’il est possible. Le délicieux est le plaisir extrème de la sensation du goût. On a généralisé son acception ; & l’on a dit d’un séjour qu’il est délicieux, lorsque tous les objets qu’on y rencontre reveillent les idées les plus douces, ou excitent les sensations les plus agréables. Le suave extrème est