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calme le délire (Hipp. sect. II. aphor. 2.) pourvû que le sommeil soit tranquille : c’est le contraire s’il est agité ; c’est un signe mortel, aphor. 1. sect. II. Il faut aussi distinguer le sommeil des maladies soporeuses qui dénotent mal, quand elles succedent au délire. Lorsqu’il est accompagné de foiblesse, il est mortel, parce qu’il acheve d’épuiser le peu de force qui reste.

Si la perte de la voix qui survient dans la fievre par convulsion dégénere en délire obscur silentieux, c’est très-mauvais signe : le tremblement dans le délire violent procede de la convulsion, & la mort la suit.

Les fréquens changemens de la tranquillité à l’agitation sont pernicieux : le délire accompagné de défaut de mémoire, d’affaissement, de stupidité, est un signe de mort évident, parce qu’il indique un relâchement de toutes les fibres du cerveau qui ont perdu leur ressort ; effet toûjours funeste après la chaleur contre nature, qui avoit fait naître le délire : si le froid ou la roideur des membres s’y joint, la perte du malade est inévitable ; comme aussi dans le cas où ayant les yeux ouverts il n’y voit rien ; dans celui où les yeux se ferment à la lumiere, répandent des larmes involontairement, sont inégalement entr’ouverts, sont rouges ou teints de sang.

Les palpitations, le hoquet, la langue rude, seche, sans soif, la perte de la voix, l’inquiétude, les sueurs froides de la tête, du cou, des épaules, les moiteurs par tout le corps, les urines aqueuses, blanches, claires, les déjections blanchâtres, abondantes, sans calmer le délire, les abcès dont la matiere rentre dans l’intérieur, & les éruptions cutanées qui disparoissent, les douleurs dans les membres qui cessent bien-tôt, la difficulté de respirer, le pouls petit & languissant, & l’horreur pour les alimens & la boisson : tous ces accidens sont très-funestes, chacun pris séparément, toûjours d’après notre grand maître Hippocrate ; à plus forte raison, si plusieurs & la plûpart sont réunis avec le délire.

Les trois derniers sur-tout sont d’un grand poids dans quelque maladie que ce soit pour annoncer une fin prochaine, & les signes opposés à ceux-là sont aussi importans pour dissiper la crainte du danger. Extrait de Prosper Alpin, de præsag. vita & morte.

Tel est l’abregé des signes prognostics qui peuvent trouver place ici pour servir à juger des événemens dans l’affection dont il s’agit, qui est extrémement variée par sa nature & ses symptômes : il reste à dire quelque chose de sa curation.

On ne peut guere donner de méthode universelle de traitement dans une affection dont les causes sont si différentes ; mais les remedes doivent être variés à proportion : car dans les inflammations du cerveau auxquelles donne lieu un sang épaissi qui s’arrête dans ses vaisseaux, & cause le délire : il faut en employer de bien différens de ceux qui doivent être employés dans le cas de délire qui provient d’un épuisement à la suite d’une longue fievre. Mais vû que le délire considéré comme symptôme de fievre, est presque toûjours déterminé par une trop grande vélocité dans le mouvement circulatoire du sang ; il s’ensuit que tout ce qui peut contribuer à diminuer la masse des humeurs, à en détourner l’effort vers quelqu’autre partie plus résistante, à corriger ou à diminuer l’irritation, à délayer & atténuer les humeurs & à en calmer l’agitation, convient très-bien dans ce cas.

La saignée au pié plus ou moins répetée, le rétablissement ou l’accélération du flux hémorrhoïdal, menstruel, par le moyen des relâchans ; les lavemens, les vomitifs ; les purgatifs placés à propos, selon les différens besoins, la diete, satisfont à la premiere indication.

Les bains de piés, l’application des sangsues aux temples, des vesicatoires à la nuque, entre les deux épaules, aux mollets des bras, des jambes ; celles des fomentations émollientes, sur la tête, sur le ventre, à la plante des piés ; les frictions des extrémités, peuvent servir à remplir la seconde indication.

Pour les autres on peut employer les décoctions farineuses, légeres, savoneuses ; les boissons adoucissantes, rafraîchissantes, acidules ; les tisanes, les aposèmes antiphlogistiques, desobstruans ; les calmans, les anodyns légers, placés dans les commencemens du délire, & après les évacuans ; dans la suite les narcotiques prudemment administrés, les ténebres, le repos.

Avec ces différens moyens on peut parvenir à détruire la cause du mal ; cependant souvent l’effet reste après elle ; les violentes impressions faites sur l’organe des sensations ne s’effacent pas tout de suite.

Il faut quelquefois avoir recours aux expédiens extraordinaires & singuliers, comme les instrumens de musique, le chant, la danse, les bruits éclatans, les bruits reglés, la lumiere, &c. pour substituer de nouvelles idées plus fortes, mais plus conformes à leur objet, à celles qui constituent le délire, en opposant toûjours des affections contraires à celles qui sont dominantes. Voyez la curation du délire dans Van. Swieten, dont on a extrait la plus grande partie de cet article. (d)

Délire l’osier. Voyez Osier.

DÉLIT, s. m. (Jurisprud.) du latin delinquere, delictum, signifie en général une faute commise au préjudice de quelqu’un.

On comprend quelquefois sous ce terme de délits toutes sortes de crimes, soit graves ou légers, même le dommage que quelqu’un cause à autrui, soit volontairement ou par accident, & sans qu’il y ait eu dessein de nuire ; mais plus ordinairement on n’employe ce terme de délit que pour exprimer les crimes légers ou le dommage causé par des animaux.

Les principes généraux en matiere de délits sont que tous délits sont personnels, c’est-à-dire que chacun est tenu de subir la peine & la réparation dûe pour son délit, & que le délit de l’un ne nuit point aux autres. Cette derniere maxime reçoit néanmoins trois exceptions : la premiere est que le délit du défunt nuit à son héritier pour les amendes, la confiscation, & autres peines pécuniaires qui sont à prendre sur ses biens : la seconde exception est que les peres sont tenus civilement des délits commis par leurs enfans étant en bas âge & sous leur puissance ; les maîtres sont pareillement tenus des délits de leurs esclaves & domestiques, & du délit ou dommage causé par leurs animaux : la troisieme exception est qu’il y a quelques exemples qu’en punissant le pere pour certains crimes très-graves, on a étendu l’ignominie jusques sur les enfans, afin d’inspirer plus d’horreur de ces sortes de crimes.

Tous délits sont publics ou privés ; ils sont réputés de la derniere espece, à moins que la loi ne déclare le contraire. Voyez ci-après Délit public & Délit privé.

Personne ne doit profiter de son délit, c’est-à-dire qu’il n’est pas permis de rendre par un délit sa condition meilleure.

La gravité du délit se considere eu égard à la qualité de celui qui le commet, à l’habitude où il peut être de le commettre, à la qualité de celui envers lequel il est commis, eu égard au lieu où les choses se sont passées, aux personnes qui étoient présentes, & autres circonstances qui peuvent mériter attention.