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proportionnelles aux tems qui se sont écoulés depuis le commencement de leur chûte.

Voilà les lois générales de la chûte des corps dans un espace vuide ou non résistant ; mais les corps que nous observons tombent presque toûjours dans des milieux résistans : ainsi il n’est pas inutile de donner aussi les lois de leur descente dans ce cas-là.

Il faut observer, 1°. qu’un corps ne peut descendre, à moins qu’il ne divise & ne sépare le milieu où il descend, & qu’il ne peut faire cette séparation, s’il n’est plus pesant que ce milieu. Car comme les corps ne peuvent se pénétrer mutuellement, il faut nécessairement, pour qu’ils se meuvent, que l’un fasse place à l’autre : de plus, quoiqu’un milieu, par exemple l’eau, soit divisible, cependant si ce milieu est d’une pesanteur spécifique plus grande qu’un autre corps, comme du bois, il n’est plus pesant que parce qu’il contient dans un même volume une plus grande quantité de parties de matiere, qui toutes ont une tendance en-bas ; par conséquent l’eau a sous un même volume plus de tendance à descendre que le bois, d’où il s’ensuit qu’elle empêchera le bois de descendre. Voyez Hydrostatique & Pesanteur spécifique.

2°. Un corps d’une pesanteur spécifique plus grande que le fluide où il descend, y descend avec une force égale à l’excès de sa pesanteur sur celle d’un pareil volume de fluide ; car ce corps ne descend qu’avec la pesanteur qui lui reste, après qu’une partie de son poids a été employée à détruire & à surmonter la résistance du fluide. Or cette résistance est égale au poids d’un volume de fluide pareil à celui du corps. Donc le corps ne descend qu’avec l’excès de sa pesanteur sur celle d’un égal volume de fluide.

Les corps qui descendent perdent donc d’autant plus de leur poids, que le milieu est plus pesant, & que les parties de ce milieu ont une force d’adhérence plus grande ; car un corps qui descend dans un fluide ne descend qu’en vertu de l’excès de son poids sur le poids d’un pareil volume de fluide ; & de plus il ne peut descendre sans diviser les parties du fluide, qui résistent à proportion de leur adhérence.

3°. Les pesanteurs spécifiques de deux corps étant supposées les mêmes, celui qui a le moins de volume doit tomber moins vîte dans le milieu où il descend ; car quoique le rapport de la pesanteur spécifique du corps à celle du fluide soit toûjours le même, quel que soit le volume, cependant un petit corps a plus de surface à proportion de sa masse, & plus il y a de surface, plus aussi il y a de frottement & de résistance.

4°. Si les pesanteurs spécifiques de deux corps sont différentes, celui qui a le plus de pesanteur spécifique tombera plus vîte dans l’air que l’autre. Une petite bale de plomb, par exemple, tombe beaucoup plus vîte dans l’air qu’une plume, parce que la bale de plomb étant d’une pesanteur spécifique beaucoup plus grande, perd moins de son poids dans l’air que la plume ; d’ailleurs la plume ayant moins de masse sous un même volume, a plus de surface à proportion que la bale de plomb, & ainsi l’air lui résiste encore davantage.

Voilà les lois générales de la descente des corps dans des milieux résistans ; mais comme la résistance des fluides n’est pas encore bien connue, il s’en faut beaucoup que la théorie de la chûte des corps dans des fluides soit aussi avancée que celle de la chûte des corps dans le vuide. M. Newton a tenté de déterminer le mouvement des corps pesans dans des fluides, & il nous a laissé là-dessus beaucoup de propositions & d’expériences curieuses. Mais nous nous appliquerons principalement dans cet article à détailler les lois de la chûte des corps pesans dans un milieu non-résistant.

En supposant que les corps pesans descendent dans

un milieu non-résistant, on les suppose aussi libres de tout empêchement extérieur, de quelque cause qu’il vienne : on fait même abstraction de l’impulsion oblique que les corps reçoivent en tombant par la rotation de la terre ; impulsion qui leur fait parcourir réellement une ligne oblique à la surface de la terre, quoique cette ligne nous paroisse perpendiculaire, parce que l’impulsion que le mouvement de la terre donne au corps pesant dans le sens horisontal, nous est commune avec eux. Galilée qui a le premier découvert par le raisonnement les lois de la descente des corps pesans, les a confirmées ensuite par des expériences qui ont été souvent répétées depuis, & dont le resultat a toûjours été, que les espaces qu’un corps parcourt en descendant, sont comme les quarrés des tems employés à les parcourir.

I. Grimaldi & Riccioli ont fait des expériences sur le même sujet ; ils faisoient tomber du sommet de différentes tours des boules pesant environ huit onces, & mesuroient le tems de leurs chûtes par un pendule. Voici le resultat de ces expériences dans la table suivante.

Vibrations du pendule. Tems. Espace parcouru à la fin du tems. Espace parcouru pendant chaque tems.
5 0 50 10 piés. 10 piés.
10 1 40 40 30
15 2 30 90 50
20 3 20 160 70
25 4 10 250 90




6 1 0 15 15
12 2 0 60 45
18 3 0 135 75
24 4 0 240 105

Comme les expériences de Riccioli faites avec beaucoup d’exactitude s’accordent parfaitement avec la théorie, & ont été confirmées depuis par un grand nombre d’auteurs, on ne doit faire aucune attention à ce que Dechales dit de contraire dans son Mund. math. où il prétend avoir trouvé par des expériences que les corps pesans parcourent 4 piés dans la premiere seconde, dans les deux premieres, 36 en trois, 60 en quatre, 90 en cinq, 123 en six.

II. Si un corps pesant descend dans un milieu non-résistant, l’espace qu’il décrit durant un tems quelconque est sous-double de celui qu’il décriroit uniformément avec la vîtesse qu’il a acquise à la fin de sa chûte. Ainsi un corps pesant parcourant, par exemple, 15 piés dans une seconde ; si à la fin de cette seconde il se mouvoit uniformément avec la vîtesse qu’il a acquise, il parcourroit dans une autre seconde 30 piés, qui est le double de 15.

III. Le tems qu’un corps met à tomber d’une hauteur donnée étant connu, si on veut déterminer les espaces qu’il parcourt dans les différentes parties de ce tems, on nommera la hauteur donnée a, le tems t, & x l’espace parcouru en une partie de tems 1 ; & on aura

1 . x ∷ t2. a.
Donc t2 x = a
& x = a : t2.

Ainsi l’espace décrit dans la premiere partie de tems est a : t2 ; donc l’espace décrit dans la seconde est 3a : t2 ; l’espace décrit dans la troisieme est 5a : t2, &c.

Par exemple, dans les expériences de Riccioli que nous venons de rapporter, la boule parcouroit 240 piés en quatre secondes ; ainsi l’espace décrit dans la premiere seconde étoit 240 : 16 = 15 ; l’espace décrit dans la seconde étoit 3 . 15 = 45 ; l’es-