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celle des paroles. La signification du corps prise séparément, est imparfaite, celle des paroles l’est aussi ; mais la signification qui résulte de l’un & de l’autre, est entiere : c’est ce qui fait qu’une des plus essentielles qualités du mot doit être de ne rien énoncer qui ne se puisse vérifier dans la figure.

Ce sont-là à-peu-près les principes dont il ne faut pas s’écarter pour faire une bonne devise ; ils sont extraits du livre du P. Bouhours, intitulé, Entretiens d’Ariste & d’Eugene, où cette matiere est traitée fort au long, & dans lequel on trouvera un très-grand nombre de devises composées suivant ces principes : ils sont beaucoup plus étendus dans cet ouvrage qu’ils ne sont ici, mais on croit en avoir rapporté les plus essentiels.

DEUNX, s. m. (Hist. anc.) c’est une division de la livre romaine, qui contient onze onces, ou bien onze douziemes de quelque mesure, c’est-à-dire la mesure entiere moins une once. Voyez Once. (G)

DEVOIR, s. m. (Droit nat. Relig. nat. Morale.) en latin officium. Le devoir est une action humaine exactement conforme aux lois qui nous en imposent l’obligation.

On peut considérer l’homme, ou comme créature de Dieu, ou comme doüé par son Créateur de certaines facultés, tant du corps que de l’ame, desquelles l’effet est fort différent, selon l’usage qu’il en fait ; ou enfin comme porté & nécessité même par sa condition naturelle, à vivre en société avec ses semblables.

La premiere relation est la source propre de tous les devoirs de la loi naturelle, qui ont Dieu pour objet, & qui sont compris sous le nom de religion naturelle. Il n’est pas nécessaire de supposer autre chose : un homme qui seroit seul dans le monde, devroit & pourroit pratiquer ces devoirs, du moins les principaux, d’où découlent tous les autres.

La seconde relation nous fournit par elle-même tous les devoirs qui nous regardent nous-mêmes, & que l’on peut rapporter à l’amour propre, ou, pour ôter toute équivoque, à l’amour de soi-même. Le Créateur étant tout sage, tout bon, s’est proposé sans contredit, en nous donnant certaines facultés du corps & de l’ame, une fin également digne de lui, & conforme à notre propre bonheur. Il veut donc que nous fassions de ces facultés un usage qui réponde à leur destination naturelle. De-là naît l’obligation de travailler à notre propre conservation, sans quoi nos facultés nous seroient fort inutiles ; & ensuite de les cultiver & perfectionner autant que le demande le but pour lequel elles nous ont été données. Un homme qui se trouveroit jetté dans une île deserte, sans espérance d’en sortir & d’y avoir jamais aucun compagnon, ne seroit pas plus autorisé par-là à se tuer, à se mutiler ou à s’ôter l’usage de la raison, qu’à cesser d’aimer Dieu & de l’honorer.

La troisieme & derniere relation est le principe des devoirs de la loi naturelle, qui se rapportent aux autres hommes. Quand je pense que Dieu a mis au monde des êtres semblables à moi, qu’il nous a tous faits égaux ; qu’il nous a donné à tous une forte inclination de vivre en société, & qu’il a disposé les choses de telle maniere qu’un homme ne peut se conserver ni subsister sans le secours de ses semblables, j’infere de-là que Dieu, notre créateur & notre pere commun, veut que chacun de nous observe tout ce qui est nécessaire pour entretenir cette société, & la rendre également agréable aux uns & aux autres.

Ce principe de la sociabilité est, je l’avoue, le plus étendu & le plus fécond ; les deux autres même viennent s’y joindre ensuite, & y trouvent une ample matiere de s’appliquer : mais il ne s’ensuit

point de-là qu’on doive les confondre & les faire dépendre de la sociabilité, comme s’ils n’avoient pas leur force propre & indépendante. Tout ce qu’on doit dire, c’est qu’ici, comme par-tout ailleurs, la sagesse de Dieu a mis une très-grande liaison entre toutes les choses qui servent à ses fins.

La nature humaine ainsi envisagée, nous découvre la volonté du Créateur, qui est le fondement de l’obligation où nous sommes de suivre les regles renfermées dans ces trois grands principes de nos devoirs. L’utilité manifeste que nous trouvons ensuite dans leur pratique, c’est un motif, & un motif très-puissant pour nous engager à les remplir.

Dans cette espece de subordination qui se rencontre entre les trois grands principes de la loi naturelle, que je viens d’établir, s’il se trouve, comme il arrive quelquefois, qu’on ne puisse pas en même tems s’acquitter des devoirs qui émanent de chacun, voici, ce me semble, la maniere dont on doit régler entre eux la préférence en ces cas-là. 1°. Les devoirs de l’homme envers Dieu l’emportent toûjours sur tous les autres. 2°. Lorsqu’il y a une espece de conflit entre deux devoirs d’amour de soi-même, ou deux devoirs de sociabilité, il faut donner la préférence à celui qui est accompagné d’un plus grand degré d’utilité ; c’est-à-dire qu’il faut voir si le bien que l’on se procurera, ou que l’on procurera aux autres en pratiquant l’un de ces deux devoirs, est plus considérable que le bien qui reviendra ou à nous ou à autrui de l’omission de ce devoir, auquel on ne sauroit satisfaire sur l’heure sans manquer à l’autre. 3°. Si, toutes choses d’ailleurs égales, il y a du conflit entre un devoir d’amour de soi-même, & un devoir de sociabilité, soit que ce conflit arrive par le fait d’autrui, ou non, alors l’amour de soi-même doit l’emporter ; mais s’il s’y trouve de l’inégalité, alors il faut donner la préférence à celui de ces deux sortes de devoirs qui est accompagné d’un plus grand degré d’utilité. Entrons maintenant dans le détail des trois classes générales sous lesquelles j’ai dit que tous nos devoirs étoient renfermés : ce sera faire avec le lecteur un cours abrégé de Morale dans un seul article, il auroit tort de s’y refuser.

Les devoirs de l’homme envers Dieu, autant qu’on peut les découvrir par les seules lumieres de la raison, se réduisent en général à la connoissance & au culte de cet être souverain. Voyez Dieu. Voyez aussi Culte.

Les devoirs de l’homme par rapport à lui-même, découlent directement & immédiatement de l’amour de soi-même, qui oblige l’homme non-seulement à se conserver autant qu’il le peut, sans préjudice des lois de la religion & de la sociabilité, mais encore à se mettre dans le meilleur état qu’il lui est possible, pour acquérir tout le bonheur dont il est capable ; étant composé d’une ame & d’un corps, il doit prendre soin de l’une & de l’autre.

Le soin de l’ame se réduit en général à se former l’esprit & le cœur ; c’est-à-dire à se faire des idées droites du juste prix des choses qui excitent ordinairement nos idées ; à les bien régler, & à les conformer aux maximes de la droite raison & de la religion : e est à quoi tous les hommes sont indispensablement tenus. Mais il y a encore une autre sorte de culture de l’ame, qui, quoiqu’elle ne soit pas absolument nécessaire pour se bien acquitter des devoirs communs à tous les hommes, est très-propre à orner & perfectionner nos facultés, & à rendre la vie plus douce & plus agréable : c’est celle qui consiste dans l’étude des Arts & des Sciences. Il y a des connoissances nécessaires à tout le monde, & que chacun doit acquérir ; il y en a d’utiles à tout le monde ; il y en a qui ne sont nécessaires ou utiles qu’à certaines personnes, c’est-à-dire à ceux qui ont embrassé un cer-