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compression des parties voisines de l’abcès ; s’il se trouve à portée d’être observé, & qu’il ne paroisse pas assez-tôt disposé-à s’ouvrir, après qu’on s’est assûré que la tumeur est molle, que la matiere contenue est au point de maturation convenable pour être évacuée avec facilité, on doit en faire l’ouverture de la maniere que l’art le prescrit (voyez Abcès) : s’il arrive que la matiere de l’abcès se répande, par quelle cause que ce soit, dans l’intérieur de la trachée artere, il faut se hâter de l’évacuer en lui donnant issue par le moyen de la bronchotomie qui dégorge les poumons plus promptement que par la voie de la seule glotte : après l’ouverture d’un abcès, dans quelle partie de la gorge que ce puisse être, on doit faire user au malade de gargarismes & de tisannes propres à déterger les ulceres.

Lorsque l’angine devient gangreneuse, & que les parties ne sont pas assez profondément affectées pour que la mort suive de près, il convient d’empêcher les progrès de l’inflammation, pour arrêter ceux de la gangrene ; ce que l’on fait par les saignées ultérieures, si les forces le permettent, par les laxatifs propres à procurer une douce évacuation par la voie des selles, par les lavemens, par les autres remedes appropriés. Voyez Gangrene. L’oximel délayé avec la décoction de fleur de sureau, peut être employé très-utilement en gargarismes, & sous forme de vapeurs reçues dans la bouche pour faciliter la séparation de l’escare.

La curation des angines humorales froides, telle que l’aqueuse, l’œdémateuse, la catarrheuse, la skirrheuse, s’exécute, 1°. par le moyen des remedes qui relâchent les orifices des vaisseaux excrétoires de la lymphe ou mucosité, s’ils ont été resserrés par le froid, par des astringens employés mal-à-propos ; tels sont les émolliens appliqués sous forme de cataplasme extérieurement, & sous forme de gargarisme, de vapeur dans la bouche : 2°. par le moyen des résolutifs, ou des corrosifs, ou des incisions, si l’engorgement des vaisseaux lymphatiques est occasionné par des obstructions, des concrétions qui gênent le cours des humeurs, si l’angine est causée par un skirrhe : 3°. par le moyen des purgatifs hydragogues, des sudorifiques, des diurétiques, des apophlegmatisans, des vesicatoires, des scarifications, & de la section des parties qui en sont susceptibles, & par l’abstinence des liquides & un régime échauffant, desséchant, si l’angine est causée par une infiltration du tissu cellulaire qui se remplit de sérosités.

L’angine chancreuse est incurable, & ne tarde pas à faire périr ceux qui ont le malheur d’en être affectés. L’angine qui est causée par un relâchement paralytique, se guérit par les remedes contre la paralysie. Voyez Paralysie.

Celle qui dépend du relâchement des organes de la gorge par épuisement, à la suite de quelque grande évacuation, de longues maladies, est ordinairement mortelle ; la diete cardiaque analeptique seroit le seul moyen que l’on pourroit employer pour en tenter la guérison, en faisant cesser la cause occasionnelle, si on en avoit le tems.

L’esquinancie qui est l’effet d’un resserrement convulsif, symptome de la passion hypocondriaque ou hystérique, doit être traitée par les remedes anti-spasmodiques & anti-hystériques.

L’angine qui est occasionnée par la compression des vents arrêtés & raréfiés dans l’œsophage, qui pressent la trachée-artere ou resserrent le larynx, doit être traitée par les remedes contre le spasme & la flatulence. Voyez Flatulences. La plus grande partie de cet article est extraite des aphorismes de Boerhaave, & du commentaire de cet ouvrage, par Wanswieten. (d)

ESQUINE, s. f. (Manége.) terme qui a été em-

ployé par tous les auteurs anciens, & qui néanmoins

n’est pas tombé dans l’oubli, ainsi que quelques personnes se le persuadent. Nous en faisons un usage fréquent en parlant du dos & des reins, non d’un cheval qui est dans le repos, mais d’un cheval qui manie & qui est en mouvement. Lorsque, par exemple, un cheval voute en quelque maniere son dos en sautant, nous disons qu’il saute de l’esquine, nous vantons la force ou la foiblesse de son esquine, pour vanter la force ou la foiblesse de ses reins, &c. (e)

ESQUISSE, s. f. (Peinture.) Ce terme, que nous avons formé du mot italien schizzo, a parmi nous une signification plus déterminée que dans son pays natal : voici celle que donne, au mot italien schizzo, le dictionnaire de la Crusca : spezie di disegno senza ombra, e non terminato ; espece de dessein sans ombre & non terminé. Il paroît par-là que le mot esquisse, en italien, se rapproche de la signification du mot françois ébauche ; & il est vrai que chez nous esquisser veut dire former des traits qui ne sont ni ombrés ni terminés ; mais par une singularité dont l’usage peut seul rendre raison, faire une esquisse ou esquisser, ne veut pas dire précisément la même chose. Cette premiere façon de s’exprimer, faire une esquisse, signifie tracer rapidement la pensée d’un sujet de peinture, pour juger ensuite si elle vaudra la peine d’être mise en usage ; c’est sur cette signification du mot esquisse que je vais m’arrêter, comme celle qui mérite une attention particuliere de la part des Artistes.

La difficulté de rendre plus précisément le sens de ce mot, vient de ce qu’au lieu d’avoir été pris dans les termes généraux de la langue, pour être adopté particulierement à la Peinture, il a été au contraire emprunté de la Peinture pour devenir un terme plus général : on dit faire l’esquisse d’un poëme, d’un ouvrage, d’un projet, &c.

En Peinture, l’esquisse ne dépend en aucune façon des moyens qu’on peut employer pour la produire.

L’artiste se sert, pour rendre une idée qui s’offre à son imagination, de tous les moyens qui se présentent sous sa main ; le charbon, la pierre de couleur, la plume, le pinceau, tout concourt à son but à-peu-près également. Si quelque raison peut déterminer sur le choix, la préférence est dûe à celui des moyens dont l’emploi est plus facile & plus prompt, parce que l’esprit perd toûjours de son feu par la lenteur des moyens dont il est obligé de se servir pour exprimer & fixer ses conceptions.

L’esquisse est donc ici la premiere idée rendue d’un sujet de Peinture. L’artiste qui veut la créer, & dans l’imagination duquel ce sujet se montre sous différens aspects, risque de voir s’évanoüir des formes qui se présentent en trop grand nombre, s’il ne les fixe par des traits qui puissent lui en rappeller le souvenir.

Pour parvenir à suivre le rapide essor de son génie, il ne s’occupe point à surmonter les difficultés que la pratique de son art lui oppose sans cesse ; sa main agit pour ainsi dire théoriquement, elle trace des lignes auxquelles l’habitude de dessiner donne à-peu-près les formes nécessaires pour y reconnoître les objets ; l’imagination, maîtresse absolue de cet ouvrage, ne souffre qu’impatiemment le plus petit ralentissement dans sa production. C’est cette rapidité d’exécution qui est le principe du feu qu’on voit briller dans les esquisses des peintres de génie ; on y reconnoît l’empreinte du mouvement de leur ame ; on en calcule la force & la fécondité. S’il est aisé de sentir par ce que je viens de dire, qu’il n’est pas plus possible de donner des principes pour faire de belles esquisses que pour avoir un beau génie, on doit en inférer aussi que rien ne peut être plus avantageux pour échauffer les Artistes, & pour les former, que