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se sont chargées, dans les entrailles de la terre, les diverses fontaines dont les rivieres sont formées : 2°. aux matieres solubles qu’elles peuvent détacher du fond même de leur lit : 3°. aux plantes qui végetent dans leur sein, & aux poissons qui s’y nourrissent : 4°. enfin aux diverses ordures, que les égoûts & les fossés qui s’y dégorgent peuvent leur amener des lieux habités, des terres arrosées, &c.

Comme les eaux de fontaine pures sont plus ordinaires que celles qui sont très-terreuses, & que ces dernieres se purifient vraissemblablement dans leur course, l’eau de riviere doit être peu chargée de matieres détachées de l’intérieur de la terre ; elle varie davantage, selon la nature du terrein qu’elle parcourt. Celle qui coule sur un beau sable, sur des gros caillous, ou sur une couche de pierre vitrifiable, est très-pure. Celles qui, comme la Marne, coulent dans un lit de craie, ou dans un terrein bas & marécageux, comme la plûpart des rivieres de la Hollande & celles de la Marche de Brandebourg, selon Fréd. Hoffman ; celles-ci, dis-je, sont très impures. La rapidité des rivieres est encore une cause très-efficace de la pureté de leurs eaux, tant parce qu’elles s’épurent, qu’elles éprouvent une précipitation spontanée, une vraie décomposition par le mouvement intérieur de leurs parties, que parce que les rivieres rapides ne sont point poissonneuses, & qu’il ne peut croître que très-peu de plantes dans leur lit. Le Rhin, le Rhone, & presque toutes les grandes rivieres du royaume, fournissent des eaux très-pures ; parce qu’elles coulent dans un beau lit, qu’elles sont rapides, & peu poissonneuses. Les rivieres très-lentes & très-poissonneuses d’Hongrie, roulent une eau très-chargée de divers principes qui la disposent facilement à la corruption. Deux plantes dangereuses, l’hippuris & le conserva, ou mousse d’eau, s’étant extrèmement multipliées dans le lit de la Seine en l’année 1731, qui fut très-seche, il régna à Paris des maladies qui dépendoient évidemment de la qualité que ces plantes avoient communiquée à l’eau, selon l’observation de M. de Jussieu (Mém. de l’acad. roy. des Sc. ann. 1733) Toutes les immondices que les égoûts des villes peuvent porter dans une grande riviere, ne l’alterent pas au point qu’on l’imagine communément. L’eau de la Seine, prise au-dessous de l’hôtel-Dieu & de tous les égouts de Paris, & même dans le voisinage de ces égouts, & au-dessous des bateaux des blanchisseurs, n’est point sensiblement souillée ; la masse immense & continuellement renouvellée d’eau, dans laquelle ces ordures sont noyées, empêche qu’elles n’y soient sensibles : en un mot l’eau de la Seine, puisée sur le bord de la riviere, entre le pont-neuf & le pont-royal, sans la moindre précaution, est excellente pour la boisson & pour l’usage des arts chimiques ; & l’auteur des nouvelles fontaines domestiques a eu raison d’attribuer aux fontaines de cuivre, les dévoiemens qu’éprouvent assez ordinairement, par la boisson de l’eau de la Seine, les étrangers nouvellement transplantés à Paris, au lieu d’en accuser l’impureté de cette eau.

Eau croupissante, stagnans. Le degré d’impureté auquel ces eaux-ci peuvent parvenir, n’a d’autres bornes que leur faculté de dissoudre, jusqu’à saturation, toutes les matieres qu’elles peuvent attaquer, les plantes, les poissons, les insectes, les fumiers, & toutes les matieres répandues sur la surface d’un terrein habité & cultivé. Leur état de composition se décele à la vûe, à l’odeur, & au goût. Nous ne saurions entrer dans un plus grand détail sur cette matiere. (b)

Eau salée, eau de la mer, des fontaines, & puits salans. Voyez Marin (Sel), Mer, Puits salant & Salines.

Eaux minérales & médicinales, voyez Minérales (Eaux).

Eau commune, (Pharm.) l’eau sert d’excipient dans un très-grand nombre de préparations pharmaceutiques. Il est celui des potions, des apozèmes, des bouillons, des tisanes, &c. On la prescrit souvent dans les remedes magistraux, sans dose déterminée, ou en s’en rapportant à l’expérience de l’apothicaire. Aquæ communis quantum satis, ou quantum sufficit, dit-on dans ce cas : formule qui s’abrege ainsi, Aq. C. Q. S. Dissolve, dit-on encore, ou coque in sufficienti quantitate aquæ communis, qu’on abrege ainsi, in S. Q. Aq. C. C’est souvent de l’eau de fontaine que les Medecins demandent dans ces cas ; & on trouve communément dans les ordonnances aqua fontana, au lieu d’aqua comnunis ; mais l’eau commune pure de fontaine, de citerne, ou de riviere, est également bonne pour tous les usages pharmaceutiques.

L’eau a un usage particulier dans la cuite des emplâtres. Voyez Emplatre.

Elle est la base des émulsions, du plus grand nombre de sirops, &c. Voyez Emulsion & Sirop. (b)

Eau, (Med.) L’eau douce, ou l’eau commune, appartient à la Medecine à deux titres : premierement, comme chose non-naturelle, ou objet diététique : secondement, comme un remede. Nous allons la considérer sous ces deux points de vûe dans les deux articles suivans.

Eau commmune, (Diete.) Personne n’ignore les principaux usages diététiques de l’eau ; l’eau pure est la boisson commune de tous les animaux : & quoique les hommes l’ayent chargée dès long-tems de diverses substances, comme miel, lait, extrait leger de quelques plantes, diverses liqueurs fermentées, &c. que plusieurs même lui ayent absolument substitué ces dernieres liqueurs, il est cependant encore vrai que l’eau pure est la boisson la plus générale des hommes.

Cette boisson salutaire a été de tout tems comblée des plus grands éloges par les Philosophes & par les Medecins ; la santé la plus constante & la plus vigoureuse a été promise aux buveurs d’eau, comme un ample dédommagement des plaisirs passagers que l’usage des liqueurs fermentées auroit pû leur procurer. La loi de la nature interprétée sur l’exemple des animaux, a fourni aux apologistes de l’eau un des argumens, sur lesquels ils ont insisté avec le plus de complaisance. Plusieurs medecins de ce siecle nous ont donné des explications physiques & méchaniques des bons effets de l’eau. Mais il est un autre ordre de medecins qui échangeroient volontiers ces savantes spéculations, contre une bonne suite d’observations exactes. Nous nous en tiendrons avec ceux-ci, à ce que nous apprend sur ce point important de diete, un petit nombre de faits dont la certitude est incontestable.

Premierement, nous n’avons aucun moyen d’apprétier au juste l’utilité de l’eau, considérée génériquement comme boisson, mise en opposition avec la privation absolue de toute boisson. Les exemples des gens qui ne boivent point, sont trop rares pour que nous puissions évaluer contradictoirement les effets absolus de l’eau dans la digestion, la circulation, la nutrition, les secrétions. Il est prouvé cependant par plus d’une observation, qu’on peut vivre & se bien porter sans boire.

Secondement : les bûveurs d’eau, mis en opposition avec les bûveurs de vin (selon la maniere ordinaire de considérer les vertus diététiques de l’eau), joüissent plus communément d’une bonne santé que ces derniers. Les premiers sont moins sujets à la goutte, aux rougeurs des yeux, aux tremblemens de membres, & aux autres incommodités, que l’on compte