rité qu’un simple sénateur, puisqu’il n’oseroit se mêler d’aucune affaire.
Il ne sauroit sortir de Venise sans en demander une espece de permission à ses conseillers ; & si pour lors il arrivoit quelque desordre dans le lieu où il se trouveroit, ce seroit au podestat comme étant revêtu de l’autorité publique, & non au doge, à y mettre ordre.
Ses enfans & ses freres sont exclus des premieres charges de l’état, & ne peuvent obtenir aucun bénéfice de la cour de Rome, mais seulement le cardinalat qui n’est point un bénéfice, & qui ne donne point de jurisdiction.
Enfin si le doge est marié, sa femme n’est plus traitée en princesse ; le sénat n’en a point voulu couronner depuis le seizieme siecle.
Cependant quoique la charge de doge soit tempérée par toutes les choses dont nous venons de parler, qui rendent cette dignité onéreuse, cela n’empêche pas les familles qui n’ont point encore donné de doge à la république, de faire leur possible pour arriver à cet honneur, soit afin de se mettre en plus grande considération, soit dans l’espérance de mieux établir leur fortune par cette nouvelle décoration, & par le bien que ce premier magistrat peut amasser s’il est assez heureux pour vivre long tems dans son emploi.
Aussi l’on n’éleve guere à cette dignité que des hommes d’un mérite particulier. On choisit ordinairement un des procurateurs de S. Marc, un sujet qui ait servi l’état dans les ambassades, dans le commandement, ou dans l’exercice des premiers emplois de la république. Mais comme le sénat ne le met dans ce haut rang que pour gouverner en son nom, les plus habiles sénateurs ne sont pas toûjours élus pour remplir cette place. L’âge avancé, la naissance illustre, & la modération dans le caractere, sont les trois qualités auxquelles on s’attache davantage.
La premiere chose qu’on fait après la mort du doge, c’est de nommer trois inquisiteurs pour rechercher sa conduite, pour écouter toutes les plaintes qu’on peut faire contre son administration, & pour faire justice à ses créanciers aux dépens de sa succession. Les obseques du doge ne sont pas plûtôt finies, que l’on procede à lui donner un successeur par un long circuit de scrutins & de balotations, afin que le sort & le mérite concourent également dans ce choix. Pendant le tems que les électeurs sont enfermés, ils sont gardés soigneusement & traités à-peu-près de la même maniere que les cardinaux dans le conclave.
Le doge après son élection prête serment, jure l’observation des statuts, & se fait voir au peuple : mais comme la république ne lui laisse jamais goûter une joie toute pure, sans la mêler de quelque amertume qui lui fasse sentir le poids de la servitude à laquelle sa condition l’engage, on le fait passer en descendant par la salle où son corps doit être exposé aprés sa mort. C’est-là qu’il reçoit par la bouche du chancelier les complimens sur son exaltation.
Il monte ensuite dans une machine qu’on appelle le puits, & qui est conservée dans l’arsenal pour cette cérémonie : effectivement elle a la figure extérieure d’un puits, soûtenu sur un brancard, qui est d’une longueur extraordinaire, & dont les deux bras se joignent ensemble. Environ cent hommes, & plus, soûtiennent cette machine sur leurs épaules.
Le doge s’assied dans cette espece de litiere, ayant un de ses enfans ou de ses plus proches parens qui se tient debout derriere lui. Il a deux bassins remplis de monnoie d’or & d’argent battue tout exprès pour cette cérémonie avec telle figure & telle inscription
qu’il lui plaît, & il la jette au peuple, pendant qu’on le porte tout autour de la place de S. Marc. Ainsi finit son installation.
Il résulte de ce détail, que quelle que soit la décoration apparente du doge, son pouvoir a été à-peu-près limité à ce qu’il étoit dans sa premiere origine ; mais la puissance est toûjours une dans la main des nobles ; & quoiqu’il n’y ait plus de pompe extérieure qui découvre un prince despotique, les citoyens le sentent à chaque instant dans l’autorité du sénat. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
DOGMATIQUE, adj. (Gram. & Théol.) ce qui appartient au dogme, ce qui concerne le dogme. On dit un jugement dogmatique, pour exprimer un jugement qui roule sur des dogmes ou des matieres qui ont rapport au dogme. Fait dogmatique, pour dire un fait qui a rapport au dogme : par exemple, de savoir quel est le véritable sens de tel ou tel auteur ecclésiastique. On a vivement disputé dans ces derniers tems à l’occasion du livre de Jansenius, sur l’infaillibilité de l’Eglise quant aux faits dogmatiques. Les défenseurs de Jansenius ont prétendu que l’Eglise ne pouvoit porter de jugemens infaillibles sur cette matiere, & qu’en ce cas le silence respectueux étoit toute l’obéissance qu’ils devoient à ces sortes de décisions. Mais les papes ont condamné ces opinions, & divers théologiens ont prouvé contr’eux que l’Eglise étoit infaillible dans la décision des faits dogmatiques, & qu’on devoit à ces décisions une vraie soumission, c’est-à-dire un acquiescement de cœur & d’esprit, comme il est facile de le reconnoître dans les jugemens que l’Eglise a portés sur les écrits d’Arius, d’Origene, de Pelage, de Celestius, de Nestorius, de Théodoret, de Théodore de Mopsueste, & d’Ibas, sur lesquels on peut consulter l’histoire ecclésiastique. Voyez aussi Origénistes, Pélagianisme, & Trois chapitres. (G)
Dogmatique, adj. m. (Medecine.) signifie la méthode d’enseigner & d’exercer l’art de guérir les maladies du corps humain, fondée sur la raison & l’expérience.
Hippocrate est regardé comme l’auteur de la medecine dogmatique ou rationelle, parce qu’il a le premier réuni ces deux fondemens, dont il a fait une doctrine particuliere qui n’étoit point connue avant lui ; car parmi les medecins de son tems les uns s’arrêtoient à la seule expérience, sans raisonner, & c’étoit le plus grand nombre, & les autres au seul raisonnement sans aucune expérience.
La Medecine fut donc alors délivrée du jargon philosophique, & de l’aveuglement avec lequel l’on se conduisoit dans le traitement des maladies ; l’observation éclairée par la raison fut cultivée avec toute la sagacité & toute l’exactitude imaginable par le fondateur de la vraie medecine, & à son exemple on s’y appliqua beaucoup plus qu’on n’avoit fait dans tous les siecles précédens, & qu’on n’a même fait dans la suite.
Ainsi tandis que quelques prétendus medecins ne se remplissoient la tête que de principes & de causes, qu’ils s’efforçoient de rendre raison de tout, & que d’autres livroient au hasard le sort des malades en les traitant, pour ainsi dire, machinalement, Hippocrate s’appliquoit à l’observation du véritable état de la santé & des maladies, & de ce que les medecins appellent les non-naturels, dans la vûe de découvrir en quoi ils consistent, & ce qui produit un changement si considérable, si surprenant, & si ordinaire néanmoins dans le corps humain.
De ce grand principe, que la Nature guérit elle-même les maladies, ou indique à ses ministres les voies qu’il faut suivre pour les guérir, il conclud bien-tôt qu’à l’imitation de la Nature il falloit traiter les maladies qui viennent de replétion par l’éva-