main, excepté, comme je l’ai déjà dit, le pouce de la main droite qui ne feroit qu’embarrasser les autres doigts, & ne doit être employé qu’à de grands intervalles, pour éviter la trop forte extension des doigts. 4°. De monter diatoniquement avec le troisieme & le quatrieme doigt de la main droite, marchant alternativement ; la main gauche monte avec le quatrieme doigt & le pouce, ou bien tous les doigts montent successivement. 5°. Pour descendre, c’est avec le troisieme & le second doigt de la main droite, & avec le troisieme & le quatrieme de la gauche. Mais ces regles souffrent un si grand nombre d’exceptions, qu’on ne peut jamais les apprendre que par la pratique.
Pour l’accompagnement, le doigter de la main gauche est le même que pour les pieces, puisqu’il faut toûjours que cette main joue les basses que l’on doit accompagner. Quant à la main droite, son doigter consiste à arranger les doigts, & à les faire marcher de maniere à faire entendre les accords & leur succession ; de sorte que quiconque entend bien la méchanique des doigts en cette partie, possede en même tems la science de l’accompagnement. M. Rameau a fort bien expliqué cette méchanique dans sa dissertation sur l’accompagnement, & nous croyons ne pouvoir mieux faire que de donner ici un précis de la partie de cette dissertation qui regarde le doigter.
Tout accord peut s’arranger par tierces. L’accord parfait, c’est-à-dire l’accord d’une tonique ainsi arrangé sur le clavier, est formé par trois touches, qui doivent être frappées du second, du quatrieme, & du cinquieme doigt. Dans cette situation, c’est le doigt le plus bas, c’est-à-dire le second, qui touche la tonique. Dans les deux autres faces, il se trouve toûjours un doigt au-dessous de cette même tonique ; il faut le placer à la quarte. Quant au troisieme doigt qui se trouve au-dessus & au-dessous des deux autres, il faut le placer à la tierce de son voisin.
Une regle générale pour la succession des accords est qu’il doit y avoir liaison entre eux, c’est-à-dire que quelqu’un des sons de l’accord précédent se prolonge sur l’accord suivant, & entre dans son harmonie. C’est de cette regle que se tire toute la méchanique du doigter.
Puisque pour passer régulierement d’un accord à un autre, il faut que quelque doigt reste en place, il est évident qu’il n’y a que quatre manieres de succession réguliere entre deux accords parfaits ; savoir la basse fondamentale montant, ou descendant, de tierce, ou de quinte.
Quand la basse procede par tierces, deux doigts restent en place ; en montant, ce sont ceux qui formoient la tierce & la quinte, qui restent pour former l’octave & la tierce, tandis que celui qui formoit l’octave descend sur la quinte ; en descendant, ce sont les doigts qui formoient l’octave & la tierce, qui restent pour former la tierce & la quinte, tandis que celui qui faisoit la quinte, monte sur l’octave.
Quand la basse procede par quintes, un doigt seul reste en place, & les deux autres marchent ; en montant, c’est la quinte qui reste pour faire l’octave, tandis que l’octave & la tierce descendent sur la tierce & sur la quinte ; en descendant, l’octave reste pour faire la quinte, tandis que la tierce & la quinte montent sur l’octave & sur la tierce. Dans toutes ces diverses successions, les deux mains ont toûjours un mouvement contraire.
En s’exerçant ainsi sur divers endroits du clavier, on se familiarise bien-tôt au jeu des doigts sur chacune de ces marches, & les suites d’accords parfaits ne peuvent plus embarrasser.
Pour les dissonnances, il faut d’abord remarquer que tout accord dissonnant occupe les quatre doigts,
lesquels peuvent être arrangés tous par tierces : dans le premier cas, c’est le plus bas des doigts, c’est-à-dire le second doigt de la main, qui fait entendre le son fondamental de l’accord : dans le second cas, c’est le supérieur des deux doigts joints. Sur cette observation, on connoît aisément le doigt qui fait la dissonnance, & qui par conséquent doit descendre pour la sauver.
Selon les différens accords consonnans ou dissonnans qui suivent un accord dissonnant, il faut faire descendre un doigt seul, ou deux, ou trois. A la suite d’un accord dissonnant, l’accord parfait qui le sauve se trouve aisément sous les doigts. Dans une suite d’accords dissonnans, quand un doigt seul descend, comme dans la cadence interrompue, c’est toûjours celui qui a fait la dissonnance, c’est-à-dire l’inférieur des deux joints, ou le supérieur de tous, s’ils sont arrangés par tierces. Faut-il faire descendre deux doigts, comme dans la cadence parfaite ? ajoûtez à celui dont nous venons de parler, son voisin au-dessous, & s’il n’en a point, le supérieur de tous : ce sont les deux doigts qui doivent descendre. Faut-il en faire descendre trois, comme dans la cadence rompue ? conservez le fondamental sur sa touche, & faites descendre les trois autres.
La suite de toutes ces différentes successions bien étudiée, vous montre le jeu des doigts dans toutes les phrases possibles ; & comme c’est des cadences parfaites que se tire la succession la plus commune de toutes les phrases harmoniques, c’est aussi à celle-là qu’il faut s’exercer davantage ; on y trouvera toûjours deux doigts marchant & s’y arrêtant alternativement ; si les deux doigts d’en-haut descendent sur un accord où les deux inférieurs restent en place, dans l’accord suivant les deux supérieurs restent & les deux inférieurs descendent à leur tour ; ou bien ce sont les deux doigts extrèmes qui font le même jeu avec les deux doigts moyens.
On peut trouver encore une succession d’harmonie ascendante, mais beaucoup moins commune que celles dont je viens de parler, moins prolongée, & dont les accords se remplissent rarement de tous leurs sons. Toutefois la marche des doigts auroit encore ici ses regles ; & en supposant un entrelacement de cadences irrégulieres, on y trouveroit toûjours, ou les quatre doigts par tierce, ou deux doigts joints : dans le premier cas, ce seroit aux deux inférieurs à monter, & ensuite les deux supérieurs alternativement ; dans le second, le supérieur des deux doigts joints doit monter conjointement avec celui qui est au-dessus de lui, & s’il n’y en a point, avec le plus bas de tous, &c.
On n’imagine pas jusqu’à quel point l’étude du doigter prise de cette maniere, peut faciliter la pratique de l’accompagnement. Après un peu d’exercice, les doigts prennent insensiblement l’habitude de marcher tous seuls : ils préviennent l’esprit, & accompagnent machinalement avec une facilité qui a dequoi étonner. Mais il faut convenir que cette méthode n’est pas sans inconvénient ; car sans parler des octaves & des quintes de suite qu’on y rencontre à tout moment, il résulte de tout ce remplissage une harmonie brute & dure, dont l’oreille est étrangement choquée, sur-tout dans les accords par supposition.
Les maîtres enseignent d’autres manieres de doigter, fondées sur les mêmes principes, sujettes, il est vrai, à plus d’exceptions, mais par lesquelles, retranchant des sons, on gêne moins la main par trop d’extension, l’on évite les octaves & les quintes de suite, & l’on rend une harmonie, sinon aussi bruyante, du moins plus pure & plus agréable. (S)
DOIGTIER, s. m. dé à l’usage des Rubanniers ;