une seconde bien naturelle : on distingue le domaine ancien & le domaine nouveau.
Le domaine ancien est celui qui se forma dès le commencement de la monarchie, par le partage que nos rois firent des terres nouvellement conquises entr’eux, & les principaux capitaines qui les avoient accompagnés dans leurs expéditions. Dans cette classe sont les villes & les provinces dont nos rois ont joüi dès l’établissement de la monarchie, les mouvances qui y sont attachées, & en général tout ce qu’ils possedent, sans qu’on voye le commencement de cette possession. Or comme toute réunion suppose une union précédente, il faut y ajoûter tout ce qui a été réuni à la couronne, sans qu’on voye l’origine de l’acquisition de nos rois, parce que cette ignorance du principe de leur possession fait supposer qu’elle a commencé au moment de leur conquête des Gaules.
Le domaine nouveau est composé des terres & biens qui ont été unis dans la suite au domaine ancien, soit par l’avenement du roi à la couronne, soit par les successions qui peuvent lui écheoir, soit par les acquisitions qu’il peut faire à titre onéreux ou lucratif.
Les biens qui composent le domaine, soit ancien ou nouveau, consistent ou en immeubles réels, comme les villes, duchés, comtés, marquisats, fiefs, justices, maisons, ou endroits incorporels, comme le droit d’amortissement, ou autres semblables.
Les immeubles réels qui composent le domaine, donnent lieu à cette subdivision en grand & petit domaine.
Le grand domaine consiste en seigneuries ayant justice haute, moyenne & basse, telles que les duchés, principautés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies, châtellenies, prevôtés, vigueries, & autres, avec leurs mouvances, circonstances, & dépendances. Le petit domaine consiste en divers objets détachés, & qui ne font partie d’aucun corps de seigneuries. L’édit du mois d’Août 1708, met dans cette classe les moulins, fours, pressoirs, halles, maisons, boutiques, échopes, places à étaler, terres vaines & vagues, communes, landes, bruieres, patis, paluds, marais, étangs, boqueteaux séparés des forêts, bacqs, péages, travers, parages, ponts, droits de minage, mesurage, aunage, poids, les greffes, tabellionage, prés, îles, ilots, cremens, atterrissemens, accroissemens ; droits sur les rivieres navigables, leur fond, lit, bords, quais, & marche-piés, dans l’étendue de vingt-quatre piés d’icelles, les bras, courans, eaux mortes, & canaux, soit que lesdits bras & canaux soient navigables, ou non, les places qui ont servi aux fossés, remparts & fortifications, tant anciennes que nouvelles de toutes les villes du royaume, & espace étant au-dedans desdites villes, près les murs d’icelles, jusqu’à concurrence de neuf piés, soit que les villes appartiennent au roi ou à des seigneurs particuliers.
Les immeubles réels peuvent être en la main du roi, ou hors sa main, ce qui forme une seconde subdivision de domaine engagé ou non engagé : le domaine engagé est celui que le roi a engagé à titre d’engagement, soit par concession en apanage sous condition de reversion à la couronne, soit par vente sous faculté de rachat perpétuel expresse ou tacite.
Les droits incorporels faisant partie du domaine, se subdivisent également suivant leur nature : les uns dépendent de la souveraineté, & sont domaniaux par leur essence, comme le droit de directe universelle, le droit d’amortissement, francs fiefs & nouveaux acquêts, d’aubaine, le droit de légitimer les bâtards par lettres patentes, & de leur succéder exclusivement hors les cas où les hauts justiciers y sont fondés ; les droits d’annoblissement, de grande voierie, de varech, sur certains effets, de joyeux
avenement, de régale, de marc d’or, le droit appellé domaine, & barrage ; droits sur les mines, droits des postes & messageries, le droit de créer des offices, d’établir les foires & marchés, d’imposer & concéder les octrois de ville, d’accorder des lettres de regrat ; droits de contrôle des exploits & des actes des notaires, & sous signature privée, d’insinuation, de centieme denier & de petit scel.
Les autres droits incorporels ne sont point domaniaux par leur nature, & dépendent du droit de justice, comme les droits de deshérence, de confiscation, de gruerie, de grairie, de fisc & danger ; les offices dépendans des terres domaniales, & pour cet effet appellés domaniaux ou patrimoniaux ; les amendes, les droits de bannalité, de tabellionage, de poids-le-roi, de minage, le droit d’épave.
D’autres droits incorporels & domaniaux ne sont attachés, ni à la souveraineté, ni à la justice, tels que les redevances en argent ou en grain, ou autre espece de prestation ; les rentes foncieres sur des maisons situées dans des villes ou sur des héritages de la campagne, les droits d’échange dans les terres des seigneurs particuliers.
On divise encore le domaine en domaine muable, dont le produit peut augmenter suivant les circonstances, qui s’afferme comme greffe, sceaux, tabellionage : domaine immuable, dont le produit n’augmente ni ne diminue, comme les cens & rentes : domaine fixe, dont l’existence est certaine & connue, & ne dépend d’aucun évenement : domaine casuel, qui est attaché à des évenemens incertains, comme les droits de quint & requint, reliefs, rachats, lods & ventes, les successions des aubains & des bâtards, les amendes. Enfin on trouve dans les auteurs plusieurs autres especes de domaine, telles que le domaine forain consistant en certains droits domaniaux qui se levent sur des marchandises lors de leur entrée ou sortie du royaume ; le domaine en pariage, c’est-à-dire les seigneuries, & autres biens que le Roi possede en commun avec des seigneurs particuliers.
Priviléges du domaine. Les priviléges du fisc chez les Romains sont peu connus ; le titre du code de privilegio fisci, n’a rapport qu’à un seul, qui est celui de la préférence qu’il peut avoir sur les biens d’un débiteur qui lui est commun avec d’autres créanciers ; & on n’y explique même pas dans toute son étendue en quoi consiste cette préférence. Chopin, dans le titre xxjx. du III. liv. du domaine, pour suppléer au silence que ce titre du code garde sur les autres priviléges du fisc, a rassemblé ce qui se trouve sur ce sujet dispersé dans les autres titres du droit civil, & en a fait une longue énumération ; mais la plûpart des priviléges dont il fait mention, fondés sur les dispositions des lois romaines, sont inconnus parmi nous.
Dans notre droit on peut distinguer deux sortes de priviléges du domaine.
Les uns sont inhérens à sa nature, tel est celui de l’inaliénabilité, suite nécessaire de sa destination à l’usage du prince pour le bien public. Casa, Ragueau, & autres auteurs, ont observé que l’inaliénabilité du domaine est comme du droit des gens ; que la prohibition d’aliéner le domaine n’a été établie par aucune loi spéciale, mais qu’elle est née, pour ainsi dire, avec la monarchie, & que chaque roi avoit coûtume à son avenement de faire serment de l’observer. Ces principes ont été constans & consacrés irrévocablement dans l’ordonnance générale du domaine du mois de Février 1566.
Les autres priviléges du domaine sont établis sur les dispositions des ordonnances.
Ces priviléges peuvent avoir rapport, soit à la conservation du domaine, soit aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, soit