ne casuel & nouveau, lequel par succession de tems devient ancien. (A)
Domaine casuel, est tout ce qui appartient au Roi par droit de conquête, ou par acquisition ; comme par succession, aubaine, confiscation, bâtardise, & deshérence.
Le domaine casuel est opposé au domaine fixe, qui est l’ancien domaine, lequel de sa nature est inaliénable & imprescriptible ; au lieu que le domaine casuel peut être aliéné par le roi, & par une suite de ce principe il peut être prescrit. La raison est que le domaine casuel, tant qu’il conserve cette qualité, n’est pas considéré comme étant véritablement annexé à la couronne : c’est pourquoi nos rois en peuvent disposer par donation, vente, ou autrement.
Mais le domaine casuel devient fixe après dix années de joüissance, ou bien quand il a été joint au domaine ancien ou fixe par quelque édit, déclaration, ou lettres patentes. (A)
Domaine congéable : on appelle ainsi en Bretagne un héritage dont le possesseur est obligé de se dessaisir à la volonté du seigneur, comme si on disoit que le seigneur en peut donner congé au possesseur.
Ces sortes de domaines sont sur-tout communs dans la basse Bretagne. Leur origine vient de ce que dans cette province il y avoit beaucoup de landes ou terres en friche & en bois, sans aucuns habitans, que les seigneurs concéderent à divers particuliers pour les défricher, à la charge d’une redevance annuelle, & à condition que le seigneur pourroit les congédier, c’est-à-dire reprendre ces héritages, en leur remboursant la valeur des impenses utiles qu’ils y auroient faites.
Ces concessions de domaines congéables ne sont pas translatives de propriété, comme les inféodations & baux à cens, attendu la faculté que le seigneur s’y reserve de déposséder le tenancier à sa volonté ; il ne le peut faire néanmoins qu’en lui remboursant la valeur des bâtimens, fossés, arbres fruitiers, & autres impenses utiles & nécessaires.
On doutoit autrefois si ces sortes de domaines, ou les rentes qui en tiennent lieu, étoient réputés nobles à cause que ces concessions sont d’une nature singuliere, qui ne ressemble point aux fiefs ; cependant l’article 541 de la coûtume de Bretagne, décide que ces biens se partagent noblement. Voyez Perchambaut sur cet article, & Belordeau, lett. D. art. 29. (A)
Domaine de la Couronne. Le domaine de la couronne, qu’on appelle aussi domaine du roi, ou par excellence simplement le domaine, est le patrimoine attaché à la couronne, & comprend toutes les parties dont il est composé.
Origine du domaine. Le domaine de la couronne a commencé à se former aussi anciennement que la monarchie, dès le moment de l’entrée des Francs dans les Gaules. Ces peuples qui habitoient au-delà du Rhin dans l’ancienne France, se rendirent d’abord les maîtres de quelques contrées en-deçà de ce fleuve qui les séparoit de ce qu’ils possédoient au-delà : les villes de Cambrai & de Tournai se soûmirent à eux, & cette derniere ville fut quelque tems la capitale de leur empire.
Le roi Clovis monté sur le throne, jetta des fondemens plus solides de la grandeur de cette couronne : à l’aide des troubles de l’empire, secondé de son courage & de la valeur de sa nation, & plus encore à la faveur du Christianisme qu’il embrassa, il devint maître d’abord des provinces qui étoient demeurées sous l’obéissance des Romains, ensuite des provinces confédérées qui s’en étoient soustraites, & chassa les Ostrogots. Clovis devenu ainsi le souverain des Gaules, entra aussi-tôt en possession des
droits de ceux qui en étoient les maîtres avant lui, & de tout ce dont y joüissoient les Romains, qui consistoit en quatre sortes de revenus.
La premiere espece se tiroit des fonds de terre, dont la propriété appartenoit à l’état.
La seconde étoit l’imposition annuelle que chaque citoyen payoit à raison des terres qu’il possédoit, ou de ses autres facultés.
La troisieme, le produit des péages & des traites ou doüanes.
La quatrieme, les confiscations & les amendes.
Ces mêmes revenus qui ne furent point détachés de la souveraineté, formerent la dot de la couronne naissante de nos rois, comme ils avoient formé le patrimoine de la couronne impériale ; & telle fut l’origine de ce que nous appellons domaine de la couronne.
Ce domaine s’est augmenté dans la suite ; & les lois qui lui sont propres, se sont établies peu-à-peu.
Les objets les plus importans à considérer par rapport au domaine, sont la nature & les différentes especes de parties qui le composent, ses priviléges, la maniere dont il peut être conservé, augmenté ou diminué, les formes successives de son administration, & la jurisdiction.
Nature du domaine, & ses différentes especes. Pour bien connoître la nature du domaine, il faut d’abord distinguer tous les revenus du Roi en deux especes.
La premiere aussi ancienne que la monarchie, & connue sous le nom de finance ordinaire, comprend les revenus dépendans du droit de souveraineté, la seigneurie, & autres héritages dont la propriété appartient à la couronne, & les droits qui y sont attachés de toute ancienneté, tels que les confiscations, amendes, péages, & autres.
La seconde espece plus récente comprend sous le nom de finances extraordinaires, les aides, tailles, gabelles, décimes, & autres subsides, qui dans leur origine ne se levoient point ordinairement, mais seulement dans certaines occasions, & pour les besoins extraordinaires de l’état.
Les Romains avoient deux natures de fisc, alia reipublicæ, alia principis, le public & le privé. Ce dernier qui appartenoit personnellement à l’empereur, étoit tellement séparé de l’autre, qu’il y avoit deux procureurs différens chargés d’en prendre le soin.
On faisoit en France la même distinction sous les deux premieres races de nos rois. Le domaine public étoit composé de possessions attachées à leur couronne, des tributs ou impositions réelles qui se payoient alors en deniers, ou en fruits & denrées en nature, des péages sur les marchandises, des amendes dûes, soit par ceux qui n’alloient point à la guerre, ou par composition pour les crimes dont les accusés avoient alors la faculté de se racheter par argent. Le domaine privé étoit le patrimoine personnel du roi qui lui appartenoit lors de son avenement à la couronne, ou qui lui étoit échû depuis par succession, acquisition, ou autrement,
Cette distinction du domaine public & privé est aujourd’hui inconnue, comme l’observe Lebret en son traité de la souveraineté, liv. III. chap. j. mais on fait plusieurs divisions du domaine pour distinguer les différens objets dont il est composé, & leur nature.
Entre les différentes sortes de biens qui composent le domaine, les uns sont domaniaux par leur nature, tels que la mer, les fleuves, & rivieres navigables, les grands chemins, les murs, remparts, fossés, & contrescarpes de villes ; les autres ne sont domaniaux, que parce qu’ils ont fait partie du domaine dès le commencement de la monarchie, ou qu’ils y ont été unis dans la suite.
De cette premiere division du domaine, il en naît