en profiter pour les gêner & pour les contraindre tout-à-coup.
Il en est en qui le derriere est trop foible : ceux-ci, attendu cette foiblesse, se retrécissent presque toûjours d’eux-mêmes ; ce retrécissement qui ne provient que de l’impuissance de la partie débile qui devroit nécessairement chasser le devant, occasionne le rejet du poids du corps sur cette même partie, & la surcharge ; de-là les desordres outrés de l’animal, desordres auxquels nous ne pouvons remédier, & que nous ne pouvons prévenir qu’en l’élargissant.
Nous avons les mêmes inconvéniens à redouter de la part des chevaux ramingues. Ils sont ennemis de toute justesse & de toute proportion, ainsi que les chevaux coleres & de mauvaise inclination, & doivent être travaillés beaucoup plus large que les chevaux naturellement desunis, engourdis, pesans, qui s’abandonnent sur le devant & sur la main. Un terrein étroit ne convient point encore à des chevaux vifs qui ont de l’ardeur, ni à ceux dont la croupe est fausse, légere, mal assûrée, qui se déplacent, tirent à la main, la forcent, & fuient ou se dérobent, qui ont de la disposition à être entiers, qui n’ont aucune souplesse, aucune facilité dans l’exécution, &c.
Tout cheval peut se retrécir & mettre le cavalier dans la nécessité de l’élargir, soit qu’il marche par le droit, soit qu’il décrive des voltes d’une ou de deux pistes, soit qu’il exécute des changemens de mains larges ou étroits ; & cette falsification du terrein peut avoir lieu de trois manieres, ou par le port des épaules, ou par le port des hanches, ou par le port des épaules & des hanches à la fois dans le centre ou dans le dedans.
Si cheminant par le droit, il cherche à diminuer l’espace qu’il parcourt, en amenant insensiblement en-dedans son épaule, croisez votre rene de dedans, c’est-à-dire portez-la en-dehors, vous maintiendrez cette même épaule sur la ligne, ou vous l’y reconduirez, supposé qu’elle en soit sortie. S’il commence à l’abandonner des hanches seules, mettez cette même rene de dedans à vous dans une direction droite & non oblique, vous fixerez le poids du corps sur la hanche du même côté, & conséquemment il lui sera impossible de se traverser & de s’y jetter ; que s’il l’a entierement quittée, aidez en même tems de la rene de dehors en la croisant, ces deux moyens réunis obligeront la croupe à sortir ; & dans le cas où ils ne suffiroient pas, vous recourrez à un troisieme secours, en agissant de la jambe de dedans, & vous proportionnerez la force de cette aide au besoin & à la desobéissance de l’animal. Souvent la ligne étant falsifiée par les hanches, les épaules s’éloignent de la piste qu’elles marquoient pour venir sur la nouvelle ligne décrite par le derriere ; le cheval est donc alors retréci des épaules & des hanches à la fois de la même maniere que si toute la masse s’étoit jettée en dedans ; servez-vous alors de la rene de dedans qui opérera sur l’épaule dans le sens propre à lui faire regagner le dehors dès que vous la croiserez, & n’employez votre rene de dehors que pour soûtenir legerement l’animal ; rendez ensuite & agissez de la jambe de dedans qui se seroit opposée à l’effet de votre main, si vous l’eussiez appliquée au même instant que la rene de dedans opéroit, réitérez successivement ces différentes aides de la main & des jambes, vous remettrez insensiblement le cheval, sans le gendarmer & sans même qu’il s’en apperçoive, sur le terrein dont il s’est écarté ; ce qui lui arrive très-fréquemment lorsque nous commençons à le plier le long des murs & à le travailler la tête en dedans, la croupe échappée ; leçon imaginée par le savant duc de Newcastle, & qui est précisément la même que celle à laquelle M.
de la Gueriniere a crû devoir donner le nom de l’épaule en-dedans. J’expliquerai amplement les raisons des effets de toutes ces aides au mot Manége, cet article devant contenir tous les principes de notre art.
Elles doivent être pareillement employées sur le cheval qui retrécit les voltes ou les cercles à quelques sortes d’airs ou de manéges qu’il travaille, & soit que les hanches en soient assujetties ou ne le soient pas. Il est certain d’ailleurs que les épaules doivent toûjours mener & entamer : or en les maintenant dans une exacte liberté, je veux dire en les forçant sans cesse de précéder les hanches par l’aide de la rene opposée au côté sur lequel on veut élargir l’animal, on n’a point lieu d’appréhender que la croupe s’engage & devance, & le retrécissement est impraticable. Nous en avons une preuve dans les changemens de main larges & étroits, les hanches étant observées ; si une grande partie des chevaux d’école ajustés par les maîtres qui ont le plus de réputation n’embrassent pas franchement le terrein, se retiennent, resserrent leur piste, & faussent la diagonale qui doit être suivie dans les uns & dans les autres changemens, ce n’est assûrément que parce qu’ils contraignent trop le derriere par le moyen de la jambe avec laquelle ils chassent ; & parce que la force de cette aide l’emportant sur celle de la rene qui opere directement sur les épaules, les hanches mues & conduites par la jambe marchent avant ces parties. Voyez Entabler. Du reste il faut remarquer que les mouvemens de la main doivent être exactement d’accord avec ceux de la jambe de l’animal, autrement il n’en résultera qu’un effet très-médiocre, encore cet effet tendra-t-il le plus souvent alors à causer le plus grand resserrement de la volte, à augmenter la difficulté de tourner, à aculer l’animal, à le porter à entr’ouvrir son devant, à lui suggérer enfin des défenses ; d’où l’on doit juger de la nécessité de rechercher les tems des jambes, & de mesurer nos actions à ces tems. Voyez Manége.
La voie la plus certaine de prévenir un cheval que l’on veut mettre au passage, ou à un air quelconque sur les voltes, est de lui en faire d’abord reconnoître la rondeur ; on le travaille ensuite en l’élargissant plus ou moins, ainsi que je l’ai dit, & sans attendre même qu’il tombe dans le défaut de ceux qui falsifient le terrein en se retrécissant. Habitué à être élargi à une main, on l’élargit à l’autre ; & lorsqu’il est véritablement libre & soûmis à toutes les deux, on lui fait resserrer sa piste jusqu’à la premiere proportion du cercle d’où il est parti, on le range ainsi sous les lois d’une entiere obéissance ; en effet non-seulement on l’élargit, mais on le retrécit, & les aides données, par exemple, pour procurer l’élargissement à main droite, ne seront autre chose que celles que j’employerai pour en venir au retrécissement, le cheval étant occupé sur les cercles à gauche ; deux actions opposées & dissemblables en apparence seront donc produites en quelque façon par un seul & même moyen. Cette leçon n’est cependant bonne & ne doit être continuée que relativement à des chevaux d’une certaine nature, que l’on peut & que l’on doit toûjours travailler également aux deux mains : il est le plus souvent des cas où nous devons élargir le cheval à l’une & le retrécir à l’autre ; nous le serrons sur celle où il s’élargit de lui-même, & nous l’élargissons à celle où il se resserre.
J’insisterai au surplus sur l’obligation & sur l’importance de varier & les leçons & la place où on les donne. Tel cheval trop long-tems retenu & sollicité à un même mouvement, se rebute & se soustrait enfin à la dépendance dans laquelle on le tient : tel autre qui travailloit sur les voltes sans se retrécir